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IV. REGLE. Il y a plufieurs mots qui finiffent par un e muet précedé d'une voielle ou d'une diphtongue, comme envie, joie, où l'e muet fait feul une fyllabe qu'on n'apperçoit prefque point dans la prononciation, envie & jože étant prefque la même chofe que envi, jou.

Ces fortes de mots ne fe fouffrent point dans un vers, à moins qu'on ne mange l'e muet, en le faifant fuivre d'une voïelle, ou à moins qu'on ne les mette à la fin du vers, où l'e muet eft compté pour rien. On ne peut même les placer ailleurs, quand l'e muet est suivi de quelque confonne.

Chacun fuit dans le monde une route incertaine,
Selon que fon erreur le joue & le promene.
Tel vous semble applaudir, qui vous raille &
vous joue.

Aimez qu'on vous confeille, & non pas qu'on vous love.

Cependant fi l'e muet fe faifoit beaucoup fentir dans la prononciation, ce ne feroit pas une faute, ou du moins ce n'en feroit pas une grande de ne pas obferver cette regle, fur-tout dans le ftile fimple & familier, comme dans cet exemple de Moliere pris du Mifantrope:

Elle eft à bien prier exacte au dernier point,
Mais elle bat fes gens & ne les paie point.

On pourroit peut-être auffi fouffrir que dans le même ftile familier on mît ces fortes de mots avant une confonne, en ne faifant qu'une fyllabe de l'e muet final & de la voielle ou diphtongue qui le précede, comme a fait le même Moliere dans fa Comedie des Fâcheux.

A la queue de nos chiens moi feul avec Drecard, où l'on voit qu'il fupprime entierement la prononciation de l'e muet final, comme nous la

fupprimons au milieu d'un grand nombre de mots : par exemple dans loveront, étudieront

&c.

V. REGLE. On doit éviter l'enjambement. On appelle enjamber, quand le fens n'étant pas fini au bout d'un vers, il continue & finit parfaitement au commencement ou au milieu du fuivant. Cette regle eft particulierement pour les pieces de vers dont le ftile eft noble & élevé, & non pas pour les autres qui font courtes, & dont le ftile eft fimple.

Certain ivrogne après maint long repas
Tomba malade. Un Docteur Galenique
Fut appellé. &c.

Mais les vers fuivans de MM. Corneille & Def preauxfont fort bons, parce que le fens y demeu re fufpendu jufqu'à la fin.

Fille de Scipion, & pour dire encore plus,
Romaine; mon courage eft encore au deffus.
Hé, mon Dieu, craignez tout d'un Auteur

couroux,

Qui peut.... quoi ? Je m'entens. Mais encor? Taifez-vous.

VI. REOLE. Il y a un grand nombre de mots du nombre des fyllabes defquels on doute, ce qui arrive lorfque ces fyllabes font compofées de 2. ou de 3. voïelles.

Comme il arrive affez fouvent que ces voïelles font deux fyllabes dans les vers, quoiqu'elles n'en faffent qu'une en profe, il ne fera pas inutile de faire quelques remarques là-deffus.

1. Ai, au ; ei, eu ; oi, ou ne font qu'une fyllabe, exceptez le verbe haïr à tous fes modes & à tous fes tems, hormis à la premiere, feconde & troifiéme perfonne du fingulier du prefent de l'indicatif actif ; je hais, tu hais, il ĥait. Dans

T'adjectif harffable, ai fait 2. fyllabes, au lieu
que dans le fubftantif haine, il n'en fait qu'une.
Et je fouhaiterois dans ma juste colere
Que chacun le hait comme le bait fon pere.
Des tourmens de l'enfer la falutaire peur
N'eft pas toûjours l'effet d'une noire vapeur,
Qui de remords fans fruit agitant le coupable,
Aux yeux de Dieu le rende encor plus hai fable.

2. Ia, ie, ieu, ieux ne font quelquefois que d'une fyllabe, comme dans viande, diable; pié, amitié ; milieu, cieux quelquefois ils font de 2. fyllabes dans les vers, mais non dans la profe, comme dans diamant, diadême ; hier ; fandifier; furieufe, furieux: & même les verbes dont l'infinitif eft terminé en ier, comme plier, font toûjours de 2. fyllabes les diphtongues: Supplier, ia, ions.

Ien ne fait qu'une fyllabe, commé mien, entretien, hors à la fin des adjectifs, comme ansien, Muficien, où il en fait deux en vers, & dans lien, parce qu'il vient de lier.

Ion ne fait auffi qu'une fyllabe à la fin des verbes, comme voulions, courions; ailleurs il eft de 2. fyllabes, comme dans lion, violon, quoiqu'en profe on n'en fasse qu'une.

น.

Mais ces diphtongues font de deux fyllabes après une & une précedées d'une autre confonne, comme prendriez, voudrions, & dans riez, rions.

Dans le fiecle où nous fommes Eft-ce au pié du fçavoir qu'on mefure les hom

mes.

Nous naiffons, nous vivons pour la focieté.
Des fuperbes mortels le plus affreux lien
N'en doutons point, Arnaud, c'est la honte du

bien.

Je

Je n'apperçoi par-tout que folle ambition,
Foibleffe, iniquité, fourbe, corruption.

3. Oë, ua, ue, ui, ne font qu'une fyllabe, horfmis en quelques mots affez rares, & feulement dans les vers, comme dans poëme, Poëte ; proftitua, prostituer, ruine, bruine,

4. L'e muet à la fuite d'une voïelle ou d'une diphtongue, fait feul une fyllabe feparée de la voïelle ou de la diphtongue, s'il eft à la fin du mot, comme envie, love: s'il eft au milieu, il eft compté pour rien, comme dans paiement criera, louerons, qu'on prononce comme s'il y avoit paîment, crira, loûrons. Voïez la quatriême Regle.

5. Eau, xi, xu, eui, uei, font des diphtongues fimples d'une feule fyllabe, comme dans beau, œil, cœur, deuil, orgueil; hors fleau.

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Oui eft d'une fyllabe dans l'adverbe affirmatif oui, mais il eft de deux dans les verbes oüir jouir. Oue eft d'une fyllabe dans fouet, & peutêtre quelques autres: mais il eft de deux dans clover, &c. Enfin ueux, uie, uieu, font de deux fyllabes.

M. Defpreaux dit qu'on voit fouvent L'ignorant s'ériger en fçavant faftueux, Et le plus vil faquin trancher du vertueux. Mais quelque fol espoir dont leur orgueil les, berce,

Bien-tôt on les connoît, & la verité perce.

Et ailleurs,

L'or même à la laideur donne un teint de beauté.
On a beau fe farder aux yeux de l'Univers,
A la fin fur quelqu'un de nos vices couverts
Le Public malin jette un œil inévitable, &c.
Et tel mot pour avoir réjoui le Lecteur,
A coûté bien fouvent des larmes à l'Auteur.

N

Un éloge ennuieux, un froid panegyrique, Peut pourir à fon aife au fond d'une boutique. A nous-mêmes livrés dans une folitude, Notre bonheur bien-tôt fait notre inquietude.

6. Enfin quoique les remarques que nous ve◄ nons de faire puiffent fervir de quelque chofe cépendant on peut dire que la meilleure de routes les regles eft de confulter beaucoup l'oreille, l'ufage, & les meilleurs Poëtes.

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I. REGLE. Afin que la rime foit riche & parfaite, il faut que la derniere fyllabe des vers mafculins, ou les deux dernieres des feminins foient femblables. Mais il fuffit trèsfouvent que la conformité du fon se prenne depuis la derniere voielle de la derniere fyl. labe des vers mafculins, ou de la penultiême des feminins; fur- tout quand le fon eft fort plein, quand c'eft un nom propre ou un monofyllabe, quand les rimes font rares, enfin pour conferver une belle penfée: parce que la rime eft une gêne qu'on a inventée pour donner plus de grace à l'expreffion, & non pas pour l'affoiblir. Voici un exemple de l'une & de l'autre rime, de la riche & de la fuffifante.

Ouvrez les yeux enfin, aveugles dangereux. Oui, je vous le foûtiens, il feroit moins affreux De ne point reconnoître un Dieu maître du monde,

Et qui règle à fon gré le ciel, la terre & l'onde, Qu'en avouant qu'il eft, & qu'il fçut tout former, D'ofer dire qu'on peut lui plaire fans l'aimer. Un fi bas, fi honteux, fi faux Christianisme,

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