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nais elle a retenu, sinon tout son système, du moins l'esprit qui l'animoit. Il ajoute ailleurs, que ce système lui donne maintenant une di

piable de n'avoir pas voulu traiter Malebranche d'athée. Quoique M. Cousin prétende avoir établi ce fait inoui dans des articles insérés au Journal des Savans, nous lui deman-rection fatale, contraire à ses tradidons la permission de n'en rien croire, et de le supposer aussi bien fondé que plusieurs autres faits et assertions de son Avant-propos: il est ici trèspermis de raisonner par analogie. Autre énormité. M. Cousin nous dit qu'une des maximes de la Compagnie, c'est que toute certitude (remarquez qu'il s'agit de la philosophie en général) se réduit à la probabilité. Nous le mettons au défi de citer un seul auteur Jésuite, et on sait qu'ils sont très-nombreux, qui ait avancé cette proposition. Et quand il ajoute que le probabilisme est un scepticisme déguisé, il fait voir seulement qu'il parle avec une merveilleuse assurance des matières auxquelles il est le plus étranger.

Mais qui ne sait aujourd'hui le motif secret de cette triste animosité contre des hommes qui ont rendu tant de services à la société? C'est qu'on redoute leur concurrence; on craint leur zèle, leur vertu, leur désintéressement.

« L'Université les a contre-pointés, disoit Henri IV, mais ç'a été parce qu'ils faisoient mieux que les autres, témoin l'affluence des écoliers qui arrivoient à leurs colléges. Le dauphin n'a plus que quelques jours à vivre, écrivoit lord Walpole, alors à Paris, au général Conway; la perspective de sa mort remplit les philosophes d'une grande joie, parce qu'ils redoutoient ses efforts pour le rétablisse

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tions nationales, à ses intérêts de tous
les temps, aux déclarations des saints
conciles, au génie permanent du
catholicisme...... Ce sont là de bien
grands mots; mais voulez-vous savoir
à quoi ils aboutissent, quel est le tort
si grave, le crime de l'Eglise de
France, qui entraîne pour elle de si fa-
tales conséquences? C'est qu'elle n'est
pas éprise d'un grand amour pour
l'Université, et qu'elle s'avise même
de trouver à redire à quelques par-
ties de son enseiguement. (Voyez la
p. liv de l'Avant-propos.) Voilà ce qui
la met en opposition flagrante avec
ses traditions nationales, ses inté-
rêts de tous les temps, et surtout avec
les déclarations des saints conciles et
le génie permanent du catholicisme.
De sorte que maintenant on ne sera
bon catholique, au jugement de
M. Cousin, qu'autant qu'on sera
très dévoué à l'Université. Nous
avouerons ingénument que nous
ignorons entièrement les actes des
saints conciles d'où il a tiré cette
grave
décision, et nous serious fort
tentés de croire qu'ils n'ont jamais
fait partie du droit canon reçu par
l'Eglise. Qu'il nous permette, en
attendant, de croire que nos évêques
comprennent un peu mieux que lui
les intérêts de la religion. Il connoît,
lui, sans doute, les intérêts de l'Uni-
versité. Ce sont deux intérêts fort
distincts, et que nous ne croyons
pas tout-à-fait de même nature.
Voilà pourquoi nous désirons l'exé-
cution, mais l'exécution sincère des
promesses consignées dans la Charte.
M. Cousin, dans son Avant-propos,

se plaint qu'on n'ait pas rendu assez | sin; mais il est facile d'en citer un

de justice à sa Philosophie, qu'on en ait mal apprécié les tendances, qu'on l'ait jugée d'après une ou deux phrases, détournées, dit-il, de leur sens naturel (p. lv); puis, il expose ses sentimens sur quelques questions principales, et il nous demande, avec quelque vivacité, si nous sommes satisfaits. Nous allons le lui dire

avec franchise.

assez grand nombre de passages qui peuvent faire bien connoître de quel œil il envisageoit la religion et la philosophie.

D'abord, nous croyons qu'il est impossible d'excuser de spinosisme ou de panthéisme ce passage extrait de la préface de ses Fragmens, et cité par M. l'évêque de Chartres.

«Le Dieu de la conscience n'est pas un Dieu abstrait, un roi solitaire, relégué par-delà la création sur le trône désert d'une éternité silencieuse et d'une exis

Nous croyons que l'on pourroit admettre, sauf quelques idées accessoires et systématiques que nous ne discuterons pas ici (1), les explications tence absolue qui ressemble au néant que donne M. Cousin sur la nature même de l'existence : c'est un Dieu à la de Dieu, sur son pouvoir de créer ou fois vrai et réel, à la fois substance et de ne créer pas, sur la distinction de cause, toujours substance et toujours la raison et de la foi. Reste à savoir cause, n'étant substance qu'en tant que maintenant jusqu'à quel point ces cause, et cause qu'en lant que substance, explications peuvent se concilier c'est-à-dire étant cause absolue, un et avec les doctrines et les assertions plusieurs, éternité et temps, espace et contenues dans ses précédens ounombre, essence et vie, indivisibilité et vrages. C'est là le point délicat, l'en-met de l'être et à son plus humble degré; totalité, principe, fin et milieu; au somdroit difficile de la question. On n'auroit pas si fort incriminé ses ouvrages, s'il se fût exprimé partout comme il le fait dans son Avantpropos. Plût à Dieu qu'il eût pensé toujours de même sur les limites et les droits respectifs de la foi et de la raison! Plût à Dieu qu'il eût toujours posé en principe

« Que la philosophie qui s'enseigne dans l'Université, pour ne pas trahir la raison elle-même, la société et l'Etat, ne doit rien contenir qui soit contraire à la religion (2). » (Avant-propos, p. liv.)

On sent que nous ne pouvons ici analyser tous les ouvrages de M. Cou

(1) Il falloit dire que Dieu créa le monde, parce qu'il trouva bon, et non parce qu'il trouva meilleur de le créer : ce n'est pas la même chose.

(2) Puissent messieurs les professeurs de l'Université ne pas oublier cette grave leçon!

infini et fini tout ensemble; triple enfin, c'est-à-dire à la fois Dieu, nature et humanité. En effet, si Dieu n'est pas tout, il n'est rien; s'il est absolument indivisible en soi, il est inaccessible, et par conséquent il est incompréhensible, et son incompréhensibilité est pour nous sa destruction. »

Loin qu'on ait donné à ce passage une interprétation forcée, il faudroit au contraire le détourner de son sens naturel, pour lui faire signifier autre

chose

que le panthéisme. D'ailleurs, les louanges que M. Cousin décerne à Spinosa, qu'il appelle un prétendu athée, seroient bien propres à en déterminer le sens, s'il en étoit besoin.

A ce passage, nous allons en ajouter, sur différenssujets, qui n'ont rien d'énigmatique et d'ambigu, mais qui présentent un sens clair et complet. Nous les rangeons sous différens ti

tres, qui en feront saisir tout de suite | et se développera...... Le nombre des pen

l'idée principale..

I. Origine des cultes.

« Dans le berceau de la civilisation, celui qui possède à un plus haut degré que ses semblables le don merveilleux de l'inspiration, passe à leurs yeux pour le confident et l'interprète de Dieu... Voilà l'origine sacrée des prophéties, des pontificats et des cultes. » Introd. à l'Hist. de la Phil., 6e leç., p. 15.

II. Comment la philosophie succède à la religion.

«L'action spontanée de la religion dans sa plus grande énergie, c'est l'inspiration qui parle avec une autorité absolue qui commnande la foi; toutes ses paroles sont des hymnes. Tel est le premier développement de l'intelligence. Mais plus tard l'intelligence revient sur elle-même, elle juge l'inspiration, la soumet à sa surveillance et à son contrôle. Telle est l'aurore de la réflexion. Ce sont là les deux momens fondamentaux de la pensée et de son développement. Quel est le nom populaire de l'inspiration et de la réflexion? On l'appelle la religion et la philosophie. La religion et la philosophie sont donc les deux grands faits de la pensée humaine; ces deux faits se succèdent: la religion précède; vient ensuite la philosophie. Considérez l'histoire: partout vous verrez des religions et des philosophies. Partout la religion paroît avec les sociétés naissantes, et partout, à mesure que les sociétés se développent, de la religion sort la philosophie... Toujours la philosophie succède à la religion, mais elle lui succède dans une crise plus ou moins longue, plus ou moins violente, de la quelle les lois éternelles du développement de la pensée ont voulu que la philosophie sortit constamment victorieuse. » Hist. de la Phil. au xvi1° siècle, t. 1or, p. 44-49.

III. Le christianisme, religion du peuple, cessera d'être nécessaire an monde.

«Ma foi est que, dans un avenir incon esprit philosophique s'étendra

seurs, des esprits libres, des philosophes s'accroîtra jusqu'à ce qu'il prédomine et devienne la majorité de l'espèce humaine. Mais ce jour-là, ce n'est pas demain qu'il luira pour le monde... La philosophie est patiente: heureuse de voir les masses entre les bras du christianisme, elle se contente de lui tendre doucement la main et de l'aider à s'élever plus haut encore. » Introd. à l'Hist. de la phil., 2e leç. p. 37-38.

IV. La religion n'est qu'une forme, ou un mode de la raison.

« C'est la raison qui est le fond de la foi et de la religion; et quand le prêtre répudie la raison au nom de la foi, il ne fait autre chose, qu'il le sache ou qu'il l'ignore (ce n'est pas l'affaire du prêtre de savoir ce qu'il fait (1)), il ne fait, dis-je, autre chose que mettre un mode de la raison au-dessus des autres modes de cette même raison. » Histoire de la phil. au XVIIe siècle, t. 2. p. 482.

V. La morale ne doit pas être fondée sur la religion.

« Il y a sans doute de la grandeur à placer la divinité à la tête de la morale; mais il y a aussi cet inconvénient qu'on fait rejeter la morale à ceux qui rejeteroient la religion.» Fragm., t. 3, p. 129.

voulez-vous donc la faire reposer la Philosophe abusé, et sur quoi morale, si vous ne l'appuyez pas sur le principe religieux? quelle sanction lui donnerez-vous donc; et qu'est-ce qu'un morale dépourvue de sanction? Est-ce ainsi que vous prétendez régénérer la société? Otez aussi les peines qui sont attachées à l'infraction des lois, et après cela

gouvernez

les Etats!

VI. La philosophie fait disparoître les mystères de la religion.

«La philosophie éclaire la religion, la féconde et l'élève doucement du demi

(1) M. Cousin respecte la religion et le clergé.

jour du symbole à la grande lumière de la pensée pure... Mystère est un mot qui appartient, non à la langue de la philosophie, mais à celle de la religion. Le mysticisme est la forme nécessaire de toute religion; mais sous cette forme sont des idées qui peuvent être abordées et comprises en elles-mêmes. Ce sont des idées que la philosophie dégage. Le droit comme le devoir de la philosophie est de ne rien admettre qu'en tant que vrai en soi et sous la forme de l'idée. La forme de la religion et la forme de la philosophie sont différentes; mais le contenu est le même. La religion est la philosophie de l'espèce humaine; un petit nombre d'hommes va plus loin encore... » Introd. à l'hist. de la phil., 2e leç. p. 30. 5o leç. p. 19-21..... « Selon moi, dans le christianisme sont renfermées toutes vérités; mais ces vérités éternelles peuvent et doivent être aujourd'hui abordées, dégagées, illustrées par la philosophie. Au fond, il n'y a qu'une vérité; mais la vérité a deux formes, le mystère et l'exposition scientifique je révère l'une, je suis ici l'interprète de l'autre. » Introd. à l'hist. de la phil., 2° leç., p. 30. 5o leç., p. 19-21. → 13° leç., p. 45. VII. Pour le philosophe, toutes les religions sont bonnes.

«La haute modération de Leibniz

prenoit sa source dans une philosophie
qui n'a jamais besoin d'abjurer ni le ca-
tholicisme, ni le protestantisme... Le
Koran est, à mon avis, une seconde édi-
tion de l'Evangile, plus appropriée aux
besoins particuliers des Orientaux. »
Frag., 3o éd., t. 2. p. 250 et 442.
VII. Spinosa comparé à l'auteur

de l'Imitation.

Après de tels passages, après des paroles aussi formelles dont le sens est si clair, dont les conséquences sont si manifestes, comment M. Cousin a-t-il pu demander sérieusement qu'on lui montre dans ses cours ou dans ses livres un seul mot qui s'écarte du respect dû aux cboses sacrées? Avec quelle bonne foi, lui qui sans doute est grand ennemi des équivoques et des restrictions mentales de la morale relâchée, a-t-il pu s'écrier:

«Quel est le dogme que ma théorie met en péril? est-ce le dogme du Verbe ou de la Trinité? Si c'est celui-là ou quelque

autre, qu'on le dise, qu'on le prouve, qu'on essaie de le prouver; ce sera là du moins une discussion sérieuse et vraiment théologique. Je l'accepte d'avance, je la sollicite. » Frag. phil., 3o édit. t. I,

p. 32.

Ces protestations sont-elles sérieuses, et ne rappellent-elles pas trop celles de Voltaire qui prétendoit n'avoir rien écrit qui pût choquer

biliter Spinosa ne sont pas demeurés sans

résultat dans l'Université. Nous lisons dans un Dictionnaire universel d'histoire et de

geographie, destiné à la jeunesse, et publié récemment par M. Bouillet, proviseur du college Bourbon, que «Spinosa sut donner un développement original à la doctrine de Descartes, en la poussant à ses dernières conséquences. » Art. Descartes. M. Bouchitté, autre professeur de l'Université, dans une traduction de deux opuscules de saint Anselme, publiée sous le titre de Rationalisme chrétien à la fin du x1 siècle, prétend aussi justifier Spinosa, et va jusqu'à dire « qu'il y a dans toute philosophie quelque peu profonde un élément pantheistique, de la présence duquel

on ne sauroit douter. » P. 288. Enfin nous

« Le livre de Spinosa est un hymne mystique, un élan et un soupir de l'ame vers celui qui seul peut dire légitimement: Je suis celui qui suis... L'auteur auquel ressemble le plus ce prétendu voyons que les OEuvres de Spinosa, traduites en français pour la première fois, par athée, est l'auteur inconnu de l'Imita-M. Emile Saisset, professeur de philosotion de Jésus-Christ, » Frag. t. 2. p. 165 (1).

phie à l'école normale et au college Charlemagne, doivent faire partie de la Bibliothèque philosophique dite Charpentier, (1) Les efforts de M. Cousin pour réha- | éditée par des professeurs de l'Université.

le moindre sacristain de paroisse? | pensée fondamentale? En de telles cir

constances, il faudroit autre chosequ'une profession vague de respect pour le christianisme, puisque déjà, dans ses précédens ouvrages, il avoit protesté de son profond et tendre respect pour cette religion. Nous ne saurions comprendre que M. Cousin ait pu s'imaginer que les explications qu'il donne dans son Avant-propos, suffisoient pour calmer de justes. craintes et satisfaire le clergé.

(La suite à au prochain Numro.)

PARIS.

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Nous répondons à M. Cousin que sa théorie ne met pas en péril un ou deux dogmes de la religion, mais qu'elle sape la religion elle-même par ses fondemens. Quoi! vous voulez qu'on vous prouve théologiquement que vos doctrines sont inconciliables avec telle ou telle croyance du christianisme, lorsque vous déclarez que toutes les religions, sans exception, n'ont d'autre fondement que la crédulité populaire; que les doctrines inspirées, les prophéties, les pontificats sont autaut d'impostures; lorsque vous dites en termes exprès que toutes les religions, sans en excepter une seule, ne sont que des symboles, des formes qui s'évanouissent au grand jour de la philosophie! N'estce pas là une dérision? Observons de plus que ces pensées principales, ces idées mères, pour ainsi dire, dominent dans tous les ouvrages philosophiques de M. Cousin. Partout on y présente la religion comme un mythe, comme un symbole que la philosophie doit éclaircir, expli- -La reine des Français et les prinquer, perfectionner. Partout on y cesses ont assisté à l'éloquente prédiexalte l'autorité suprême de la raison cation des trois heures d'agonie à qui doit tout soumettre à sa surveil- Saint-Roch, par M. l'abbé Dupanlance et à son controle, et en particu-d'oeuvre plusieurs ministres, M. le loup. On remarquoit dans le banclier les vérités ou les doctrines reli-maréchal Soult, M. Martin (du Nord), gieuses, et ne rien admettre dont elle M. de Barante, etc.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES. On écrit de Belgique que Mgr Fornari, Nonce apostolique en France, quittera Bruxelles mercredi, et arrivera jeudi à Paris. Mgr Pecci, son successeur, a déjà présenté au, roi des Belges les lettres qui l'accréditent auprès de ce prince.

- M. Villemain vient de destituer. un professeur d'histoire du nouveau, college royal de Mâcon, dont l'enseignement étoit notoirement antichrétien. Cette mesure mérite tous nos éloges.

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ne puisse se former une idée claire et Le jour de Pâque, M. Dupanloup précise. Voilà le rationalisme que a encore prêché dans l'église de NoM. Cousin voudroit aujourd'hui nous tre-Dame-des-Victoires, aux exercifaire confondre avec le cartésianisme, ces du soir de l'archiconfrérie. dont nous sommes aussi bons partisans que lui. Quelle confiance pouvons-nous done placer dans ses dernières explications, surtout lorsqu'il prétend ne faire aucune concession, par conséquent aucune rétractation, lorsqu'il déclare que ces explications sont le développement régulier de sa

On se formeroit difficilement une juste idée de l'affluence des fidèles dans les églises, le jour du VendrediSaint. A Saint-Sulpice, où M. l'éPassion, avec la plus entraînante élovêque de Nancy a prêché le soir la quence, quand l'immense auditoire, profondément ému par cette parole si pathétique, s'est levé pour

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