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LA VIE ET LES OUVRAGES

DK

DREUX-DURADIER.

DREUX-DURADIER (Jean-François), né à Château-Neuf, en Thimerais, le 10 mai 1714, fit avec distinction ses études au collège de cette ville. Il embrassa la carrière du barreau, et remplit, pendant quelque temps, les fonctions de lieutenant particulier dans sa ville natale. Mais les nombreuses occupations que cette place lui donnait, absorbaient tous ses instans èt ne lui permettaient point de s'occuper de ce qu'il aimait le plus au monde, la littérature et les arts. La mort d'un parent, qui lui laissa une assez brillante fortune, le décida à renoncer à ses fonctions et à se livrer entièrement à l'étude. Il se retira, pendant quelques années, à la campagne, et là, dans une

solitude profonde, au milieu de ses livres, il travailla, avec la patience d'un bénédictin, à perfectionner les brillantes facultés dont la nature l'avait doué. C'est dans cette retraite qu'il forma le projet d'écrire la vie des Poitevins qui s'étaient fait un nom dans la littérature, et de passer en revue tous leurs ouvrages. Après avoir longtemps réfléchi sur le plan qu'il adopterait, il vint habiter Poitiers pendant quinze mois, et recueillit une foule de curieux renseignemens; il se rendit ensuite à Paris et continua ses recherches dans les bibliothèques publiques et particulières. Ce fut, après de longues peines, qu'il parvint à réunir tous les matériaux qui lui étaient nécessaires, pour offrir à la littérature un ouvrage digne de transmettre aux siècles à venir la vie des savans du Poitou.

Le charme que Dreux-Duradier trouva dans ses investigations, le dédommagea de ses immenses travaux. Quelle province, en effet, a été aussi fertile en grands écrivains que le Poitou! Si nous nous reportons aux premiers siècles du christianisme, nous voyons que les écoles publiques de Poitiers jouissaient, dès cette époque, d'une grande célébrité. Le grammairien Ammonius quitta la ville de Bordeaux pour se fixer à Poitiers; Rufus y enseigna la rhétorique. Saint Hilaire, Paulin et Maxence, dignes par leur éloquence et leur vaste érudition d'être placés à côté des plus illustres pères de l'église d'Orient, étudièrent dans les écoles de Poitiers.

Les troubles qui déchirèrent la Gaule, sous les rois Car

lovingiens, ne ralentirent que faiblement le goût des Poitevins pour les lettres. Qui ne connaît la gracieuse légende de sainte Radégonde et de son poète aimé, Fortunat, dont les vers rappellent la belle poésie du siècle d'Auguste? Agnès et Bandonivie, compagnes de la reine Radégonde, charmèrent les ennuis du cloître par leur amour pour l'étude. Nous voyons aussi briller, à cette époque, l'infortuné Adjutor, qui fut obligé de chercher, loin de son pays, un refuge contre la jalousie que son savoir avait excité; Probien, qui présida le premier concile de Paris, et Patern, qui fut le plus célèbre évêque de son siècle.

La foule toujours croissante des élèves, qui venaient écouter les savans professeurs, nécessita la création de nouvelles écoles. C'est alors qu'on en établit dans les principaux monastères du Poitou. L'école de Saint-Jouindes-Marnes acquit rapidement une grande réputation. Des religieux, des abbés, des prélats aussi remarquables par leur science que par la pureté de leurs mœurs, sortaient de ce monastère. Bientôt il n'y eût pas une seule abbaye qui ne possédât des professeurs et une bibliothèque. L'école de Saint-Hilaire, dirigée par le moine Ansfrid, forma plusieurs hommes distingués. Celle de Ligugé était parvenue à réunir la copie de tous les ouvrages connus à cette époque. Philibert, l'un des professeurs le plus distingué de l'abbaye de Jumièges, forma de nouvelles écoles à Saint-Benoist de Quinçay et à Noirmoutiers.

Les longues guerres, qui éclatèrent entre les ducs d'Aquitaine et les rois de Paris, ralentirent les travaux des religieux. Les jeunes hommes, qui se livraient à l'étude, prirent part à cette lutte nationale, et les monastères furent abandonnés.

Les victoires de Charlemagne, en assurant la tranquillité des provinces méridionales, permirent aux religieux de reprendre le cours de leurs travaux. Ce grand homme, qui comprenait la haute influence que les lettres exercent sur les mœurs, créa des universités dans les principales villes de son vaste empire. Il rouvrit les écoles et ordonna que tous ses sujets indistinctement y reçussent une instruction solide et capable de développer leurs facultés. Il favorisait les savans; plusieurs Poitevins, d'un grand mérite, furent comblés par lui de richesses et d'honneurs.

envoya en Poitou le fameux Boëce, avec ordre de répandre dans cette contrée les règles de la versification. C'est, sans doute, à quelques élèves de ce poète que nous devons ces premières chansons provençales qui précédèrent de deux siècles ces fameux troubadours, si populaires, au moyen-âge, dans tout le midi.

On sait quelle fut la décadence de la civilisation sous les faibles successeurs de Charlemagne. Les invasions des Normands, leurs pillages et leurs cruautés, la puissance démesurée de tous les seigneurs et le mépris avec lequel ils traitaient les arts libéraux, et par dessus tout, cette effrayante prophétie qui annonçait la fin du monde pour

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