Page images
PDF
EPUB

Décente, et jamais arrangée;
Souriant d'un fouris badin
A ces paroles chatouilleuses,
Qui font baiffer un œil malin
A mefdames les précieuses.
C'eft-là qu'on trouve la Gaîté,
Cette fœur de la Liberté,
Jamais aigre dans la fatire,
Toujours vive dans les bons mots,
Se moquant quelquefois des fots,
Et très-fouvent, mais à propos,
Permettant au fage de rire.

Que le Ciel bénisse le cours
D'un fort auffi doux que le vôtre !

Martel, l'automne de vos jours

Vaut mieux que le printemps d'une autre.

VARIANTES.

(a) Dans la première édition on trouve en tête de l'épître ces quatre vers fupprimés dans les éditions fuivantes

D'un recoin de votre grenier,

Je vous adreffe cette lettre,

Que Beaugency doit vous remettre

Ce foir au bas de l'efcalier.

M. de Voltaire logeait alors chez madame de Fontaine

Martel.

EPITRE XXXII.

A MM. LE COMTE, LE CHEVALIER,

ET L'ABBÉ DE SADE. (*)

17.32.

TRIO charmant que je remarque
Entre ceux qui font mon appui ;
Trio par qui Laure aujourd'hui
Revient de la fatale barque;

Vous qui penfez mieux que Pétrarque,
Et rimez auffi bien que lui,

Je ne puis quitter mon étui
Pour le fouper où l'on m'embarque ;
Car la coufine de la Parque,
La Fièvre au minois catarreux,
A l'air hagard, au cerveau creux,
A la marche vive, inégale,
De mes jours compagne infernale,
M'oblige, pauvre vaporeux,
D'avaler les juleps affreux

Dont monfieur Geoffroi me régale ;
Tandis que, d'un gofier heureux,
Vous buvez la liqueur vitale

D'un vin brillant et favoureux.

(*) La belle Laure, amante de Pétrarque, s'appelait de Sade : elle était de cette maison.

E PITRE XXXIII.

A MADAME

LA MARQUISE DU CHATELET,

Sur fa liaison avec MAUPERTUIS.

AINSI donc cent beautés nouvelles
Vont fixer vos brillans efprits:
Vous renoncez aux étincelles,
Aux feux follets de mes écrits,
Pour des lumières immortelles ;
Et le fublime Maupertuis
Vient éclipfer mes bagatelles.
Je n'en fuis fâché, ni-furpris:
Un esprit vrai doit être épris
Pour des vérités éternelles.
Mais ces vérités que font-elles ?
Quel eft leur ufage et leur prix?
Du vrai favant que je chéris
La raison ferme et lumineuse

Vous montrera les cieux décrits ;

Et d'une main audacieuse

Vous dévoilera les replis

De la nature ténébreuse;

Mais, fans le fecret d'être heureuse

Il ne vous aura rien appris.

1

E PITRE XXXIV.

A M. DE FORMONT,

En lui renvoyant les œuvres de DESCARTES et de

MALLE BRANCH E.

RIMEUR charmant, plein de raison,

Philofophe entouré des Grâces,

Epicure, avec Apollon,

S'empreffe à marcher fur vos traces.
Je renonce au fatras obfcur

Du grand rêveur de l'oratoire, (1)
Qui croit parler de l'esprit pur,
Ou qui veut nous le faire accroire,
Nous difant qu'on peut, à coup sûr,
Entretenir DIE U dans fa gloire.
Ma raison n'a pas plus de foi
Pour René le vifionnaire. (2)
Songeur de la nouvelle loi,
Il éblouit plus qu'il n'éclaire;
Dans une épaiffe obscurité

Il fait briller des étincelles.

Il a gravement débité

Un tas brillant d'erreurs nouvelles,

Pour mettre à la place de celles

De la bavarde antiquité.

(1) Mallebranche.

(2) Defcartes.

Dans fa cervelle trop féconde
Il prend, d'un air fort important,
Des dés pour arranger le monde;
Bridoye en aurait fait autant.

Adieu. Je vais chez ma Sylvie :
Un efprit fait comme le mien
Goûte bien mieux fon entretien
Qu'un roman de philofophie.
De fes attraits toujours frappé,
Je ne la crois pas trop fidelle;
Mais, puifqu'il faut être trompé,
Je ne veux l'être que par elle.

EPITRE X X X V.

A MADAME

LA MARQUISE DU CHATELET.

Sur la Calomnie.

ECOUTEZ-MOI, refpectable Emilie :

Vous êtes belle; ainfi donc la moitié
Du genre humain fera votre ennemie:
Vous poffédez un sublime génie ;

On vous craindra : votre tendre amitié
Eft confiante; et vous ferez trahie :
Votre vertu, dans fa démarche unie,
Simple et fans fard, n'a point facrifié

« PreviousContinue »