En lui préfentant la tragédie de Mariamne.
FILLE de ce guerrier qu'une fage province Eleva juftement au comble des honneurs, Qui fut vivre en héros, en philofophe, en prince Au-deffus des revers, au-deffus des grandeurs ; Du ciel qui vous chérit la fageffe profonde Vous amène aujourd'hui dans l'Empire françois, Pour y fervir d'exemple, et pour donner des lois. La fortune fouvent fait les maîtres du monde; Mais, dans votre maison, la vertu fait les rois. Du trône redouté que vous rendez aimable, Jetez fur cet écrit un coup d'œil favorable : Daignez m'encourager d'un feul de vos regards; Et fongez que Pallas, cette augufte Déefle Dont vous avez le port, la bonté, la fagesse, Eft la divinité qui préfide aux beaux arts.
(*) Marie Leczinska, fille de Stanislas, roi de Pologne, mariée à Louis XV, en 1725.
UOI! le Dieu de la poëfie Vous illumine de fes traits! Malgré la robe, les procès, Et le confeil et fes arrêts, Vous tâtez de notre ambrofie! Ah! bien fort je vous remercie De vous livrer à fes attraits Et d'être de la confrérie.
Dans les beaux jours de votre vie, Adoré de maintes beautés, Vous aimiez Lubert et Silvie; Mais à préfent vous les chantez, Et votre gloire eft accomplie. La Fare, jouflu comme vous, Comme vous rival de Tibulle, Rima des vers polis et doux, Aima long-temps fans ridicule, Et fut fage au milieu des fous. En vous c'est le même art qui brille ; Pallu comme la Fare écrit :
Vous recueillites fon efprit
Deffus les lèvres de fa fille.
Aimez donc, rimez tour à tour :
Vous, la Fare, Apollon, l'Amour,
Vous êtes de même famille.
A MADEMOISELLE LE COUVREUR.
L'HEUREUX talent dont vous charmez la France Avait en vous brillé dès votre enfance; Il fut dès-lors dangereux de vous voir, Et vous plaifiez, même fans le favoir. Sur le théâtre heureusement conduite, Parmi les vœux de cent cœurs empreffés, Vous récitiez, par la nature instruite : C'était beaucoup, ce n'était point assez; Il vous fallut encore un plus grand maître. Permettez-moi de faire ici connaître Quel eft ce Dieu de qui l'art enchanteur Vous a donné votre gloire fuprême ; Le tendre Amour me l'a conté lui-même. On me dira que l'Amour eft menteur : Hélas! je fais qu'il faut qu'on s'en défie : Qui mieux que moi connaît fa perfidie? Qui fouffre plus de fa déloyauté ? Je ne croirai cet enfant de ma vie; Mais cette fois il a dit vérité.
Ce même Amour, Vénus et Melpomène. Loin de Paris fefaient voyage un jour; Ces Dieux charmans vinrent dans un féjour Où vos appas éclataient fur la scène; Chacun des trois, avec étonnement, Vit cette grâce et fimple et naturelle, Qui fefait lors votre unique ornement. Ah! dirent-ils, cette jeune mortelle
Mérite bien que, fans retardement,
Nous répandions tous nos tréfors fur elle.
Ce qu'un Dieu veut se fait dans le moment. Tout auffitôt la tragique Déeffe
Vous infpira le goût, le fentiment, Le pathétique et la délicateffe.
Moi, dit Vénus, je lui fais un présent
Plus précieux, et c'eft le don de plaire; Elle accroîtra l'empire de Cythère ; A fon aspect tout cœur fera troublé,
Tous les efprits viendront lui rendre hommage. Moi, dit l'Amour, je ferai davantage, Je veux qu'elle aime. A peine eut-il parlė, Que dans l'inftant vous devîntes parfaite; Sans aucuns foins, fans étude, fans fard, Des paffions vous fûtes l'interprète : O de l'Amour adorable sujette! N'oubliez point le fecret de votre art.
A Plombières, auguste 1729.
Du fond de cet antre pierreux,
Entre deux montagnes cornues, Sous un ciel noir et pluvieux, Où les tonnerres orageux Sont portés fur d'épaiffes nues,
Près d'un bain chaud, toujours crotté, Plein d'une eau qui fume et bouillonne,
Où tout malade empaqueté, Et tout hypocondre entêté, Qui fur fon mál toujours raifonne, Se baigne, s'enfume et se donne La question pour la santé ; Où l'espoir ne quitte perfonne:
De cet antre, où je vois venir D'impotentes fempiternelles, Qui toutes penfent rajeunir; Un petit nombre de pucelles,
Mais un beaucoup plus grand de celles Qui voudraient le redevenir;
Où par le coche on nous amène De vieux citadins de Nanci, Et des moines de Commerci,
Avec l'attribut de Lorraine,
Que nous rapporterons d'ici.
De ces lieux, où l'ennui foifonne,
J'ofe encore écrire à Paris.
Malgré Phébus, qui m'abandonne,
J'invoque l'Amour et les Ris; Ils connaiffent peu ma perfonne; Mais c'est à PALLU que j'écris ; Alcibiade me l'ordonne, (a) Alcibiade, qu'à la cour
Nous vîmes briller tour à tour, Par fes grâces, par fon courage, Gai, généreux, tendre, volage, Et féducteur comme l'Amour, Dont il fut la brillante image.
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