Je l'ai vu couvert de lauriers; Car les héros les plus infignes Se laiffent voir très-volontiers A nous, fefeurs de vers indignes. Il ne traînait point après lui L'or et l'argent de cent provinces, Superbe et tyrannique appui De la vanité des grands princes; Point de ces efcadrons nombreux, De tambours et de hallebardes; Point de capitaine des gardes, Ni de courtifans ennuyeux. Quelques lauriers fur fa perfonne, Deux brins de myrte dans fes mains, Etaient fes atours les plus vains ;
Compofaient toute fa couronne. Je fais que vous avez l'honneur, Me dit-il, d'être des orgies De certain aimable prieur, Dont les chansons font fi jolies, Que Marot les retient par cœur, Et que l'on m'en fait des copies. Je suis bien aife, en vérité, De cette honorable accointance; Car avec lui, fans vanité, J'ai quelque peu de reffemblance. Ainfi que moi, Minerve et Mars L'ont cultivé dès fon enfance; Il aime comme moi les arts Et les beaux vers par préférence : Il fait de la dévote engeance
Comme moi faire peu de cas : Hors en amour, en tous les cas Il tient comme moi fa parole; Mais enfin, ce qu'il ne fait pas, Il a, comme moi, la v.... J'étais encor dans mon été, Quand cette noire déité, De l'Amour fille dangereuse,
Me fit du fleuve du Léthé Paffer la rive malheureuse. Plaise aux Dieux que votre héros Pouffe plus loin fes deftinées, Et, qu'après quelques trente années, Il vienne goûter le repos Parmi nos ombres fortunées!
En attendant, fi de Caron Il ne veut emplir la voiture, Et s'il veut enfin tout de bon Terminer la grande aventure, Dites-lui de troquer Chambon Contre quelqu'once de mercure.
QUAND du fommet des Pyrénées,
S'élançant au milieu des airs,
La Renommée à l'univers
Annonça ces deux hyménées (*)
(*) La double alliance entre les maisons de France et d'Espagne.
Par qui la Difcorde eft aux fers,
Et qui changent les destinées,
L'ame de Richelieu descendit à sa voix
Du haut de l'Empyrée au fein de fa patrie. Ce redoutable génie
Qui fefait trembler les rois, Celui qui donnait des lois A l'Europe affujettie, A vu le fage du Bois, (1) Et pour la première fois A connu la jalousie.
Pourfuis; de Richelieu mérite encor l'envie. Par des chemins écartés
Ta fublime intelligence, A pas toujours concertés,
Conduit le fort de la France. La Fortune et la Prudence
Sont fans ceffe à tes côtés.
Alberon pour un temps nous éblouit la vue; De ses vastes projets l'orgueilleuse étendue Occupait l'univers faifi d'étonnement. Ton génie et le fien difputaient la victoire; Mais tu parus, et fa gloire
S'éclipfa dans un moment.
Telle, aux bords du firmament,
(1) M. de Voltaire était jeune lorfqu'il fit cette épître; Fontenelle, la Motte, alors les deux premiers hommes de la littérature, ont loué du Bois avec autant d'exagération. Il avait à leurs yeux le mérite réel d'aimer la paix, la tolérance, et la liberté de penser, et de n'être jaloux ni de la réputation ni des talens. Avant de condamner ces éloges, il faut se transporter à cette époque, où le fouvenir du père le Tellier inspirait encore la terreur.
Dans fa courfe irrégulière,
Une comète affreufe éclate de lumière;
Ses feux portent la crainte au terreftre féjour; Dans la nuit ils éblouiffent,
Et foudain s'évanouiffent
Aux premiers rayons du jour.
A M. DE LA FALUERE DE GENONVILLE,
CONSEILLER AU PARLEMENT, ET INTIME AMI DE L'AUTEUR,
NE me foupçonne point de cette vanité
Qu'a notre ami Chaulieu de parler de lui-même; Et laiffe-moi jouir de la douceur extrême
De t'ouvrir avec liberté
Un cœur qui te plaît et qui t'aime. De ma muse, en mes premiers ans,
Tu vis les tendres fruits imprudemment éclore ; Tu vis la calomnie, avec fes noirs ferpens,
Des plus beaux jours de mon printemps Obfcurcir la naiffante aurore.
D'une injufte prison je fubis la rigueur; (1) Mais, au moins de mon malheur
Je fus tirer quelque avantage;
J'appris à m'endurcir contre l'adverfité,
(1) Voyez dans le volume de Poëmes la pièce intitulée la Bastille.
Et je me vis un courage
Que je n'attendais pas de la légèreté,
Et des erreurs de mon jeune âge.
Dieux! que n'ai-je eu depuis la même fermeté! Mais à de moindres alarmes
Mon cœur n'a point résisté.
Tu fais combien l'amour m'a fait verfer de larmes. Fripon, tu le fais trop bien, Toi dont l'amoureuse adreffe M'ôta mon unique bien : Toi dont la délicateffe,
Par un fentiment fort humain, Aima mieux ravir ma maîtreffe, Que de la tenir de ma main.
Tu me vis fans scrupule en proie à la tristesse; Mais je t'aimai toujours, tout ingrat et vaurien; Je te pardonnai tout avec un cœur chrétien, Et ma facilité fit grâce à ta faiblesse. Hélas! pourquoi parler encor de mes amours? Quelquefois ils ont fait le charme de ma vie ; Aujourd'hui la maladie
En éteint le flambeau peut-être pour toujours. De mes ans paffagers la trame eft raccourcie; Mes organes laffés font morts pour les plaifirs; Mon cœur eft étonné de fe voir fans défirs. Dans cet état il ne me refte
Qu'un affemblage vain de fentimens confus, Un préfent douloureux, un avenir funeste, Et l'affreux souvenir d'un bonheur qui n'eft plus. Pour comble de malheur je fens de ma pensée Se déranger les refforts;
Mon efprit m'abandonne, et mon ame éclipsée
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