Cependant il advint qu'au sortir des forêts Dont ses rugissements ne le purent défaire. Un animal paît dans nos prés, Beau, grand; j'en ai la vue encor toute ravie. Le Renard, le Loup et le Cheval, F. XII, 17. C'est du séjour des dieux que les abeilles viennent. Des trésors qu'en ce lieu les zéphirs entretiennent. Le Cierge, F. IX, 12. Je vois fuir aussitôt toute la nation Des lapins, qui, sur la bruyère, S'égayaient et de thym parfumaient leur banquet. Les Lapins, F. X, 14. Le quadrupède écume, et son œil étincelle ; Le Lion et le Moucheron, F. II, 9. Le chêne dit un jour au roseau : Le Chêne et le Roseau, F. I, 22. Nous avons cité, avec la plus grande abondance, mais sans épuiser le sujet, ces mille peintures dont parle M. Lafenestre. Toutes confirment son appréciation : « ses petits tableaux champêtres sont aussi justes par la couleur que par le dessin et le plus souvent ses paysages sont bien supérieurs à des tableaux car il en sort de toutes parts des murmures et des voix (1) ». e) La campagne qui inspire au poète de si charmants tableaux (1) G. LAFENESTRE, La Fontaine, p. 168. n'est pas le décor obligatoire de la fable et parfois nous voyons les animaux se détacher sur un fond que l'homme a créé : L'araignée cependant se campe en un lambris La Goutte et l'Araignée, F. III, 8. Lève tes pieds en haut, et tes cornes aussi ; Le Renard et le Bouc, F. III, 5. Afin qu'il fut plus frais et de meilleur débit, Puis cet homme et son fils le portent comme un lustre Le galant fait le mort, et du haut d'un plancher A de certains cordons se tenait par la patte Le Chat et un vieux Rat. F. III, 18. Nous avons vu successivement l'homme et l'animal associés au décor. f) Voici enfin, des exemples où d'un seul coup de pinceau il peint simultanément l'homme, l'animal et le paysage : L'archer Voit le long du sillon une perdrix marcher Le Loup et le Chasseur, F. VIII, 27. Un vieillard sur son âne aperçut, en passant, Un pré plein d'herbe et fleurissant ; Le Vieillard et l'Ane, F. VI, 8. Vues par l'imagination, ces scènes de genre peuvent à l'occasion servir à illustrer une métaphore : La Mort avait raison; je voudrais qu'à cet âge F. BOILLOT La Mort et le Mourant, F. VIII, 1. 7 CHAPITRE V Les Végétaux Termes généraux. Termes dénotant l'espèce. Procédés de description. -— Si nous examinons dans le même détail les sensations visuelles provoquées chez La Fontaine par le monde végétal nous verrons ici aussi sans surprise que leur étendue et leur précision se mesurent aux nécessités de l'intérêt dramatique. Tantôt elles ne sont même pas évoquées, le poète se bornant au minimum possible de représentation objective, employant simplement le terme générique : Certain arbre Les Lunettes, C. IV, 12. Maître Corbeau, sur un arbre perché Le Corbeau et le Renard, F. I, 2. Ces arbres iront assez tôt border le noir rivage Le Philosophe scythe, F. XII, 20. Le troisième tomba d'un arbre Que lui-même il voulut enter; Et pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre, Sur la branche d'un arbre était en sentinelle Le Coq et le Renard, F. II, 15. Pour nous seuls il (l'arbre) ornait les jardins et les champs. L'Homme et la Couleuvre, F. X, 1. s'abstenant même de décrire quand l'intérêt pittoresque de l'affabulation n'y eût rien perdu : Un seul arbre s'offrit, tel encor que l'orage Les deux Pigeons, F. IX, 2. Ces cas sont les plus rares, généralement il nomme l'essence, donnant tout au moins la notion de l'espèce : Toinette par hasard dormait sur la coudrette Les Troqueurs, C. IV, 3. La beauté et le nombre des orangers et des autres plantes qu'on y conserve ne se sauraient exprimer. Psyché, I. L'ormeau. Captivité de Saint-Malc. Nous sommes attroupés trétous dessous l'ormeau Je vous prends sans verd. Il est écrit là-haut qu'au faîte de ce pin, Ou dans quelque forêt profonde? Les deux Perroquets, le Roi et son Fils, F. X, 11. Il se sauve aussitôt et choisit pour asile Le haut d'un pin. Ibidem. Il laisserait debout maint chêne et maint sapin La Forêt et le Bûcheron, F. XII, 16. ceci même quand notre maître des eaux et forêts prend le Pirée pour un homme : Marmenteau (Bois de) Epigr. contre Furetière. La sensation visuelle s'aiguisant nous renseignera sur l'individu qu'un qualificatif ou deux viennent distinguer de ses semblables. Généralement c'est l'âge vénérable des arbres qui retient l'attention de La Fontaine plutôt que leur beauté : Arbres qui ont résisté aux attaques de cent hivers. Ce mont revêtu de chênes aussi vieux que lui, Psyché, II. Présentait aux yeux quelque chose d'effroyable, On abattit un pin pour son antiquité, Vieux palais d'un hibou, triste et sombre retraite Tronc caverneux. Ibidem. Hantaient le tronc pourri d'un pin vieux et sauvage Le Chat et le Rat, F. VIII, 22. L'aigle avait ses petits en haut d'un arbre vieux L'Aigle, la Laie et la Chatte, F. III, 6. Il fait aussi, il va de soi, allusion à leur fraîcheur et à leur beauté, mais plus rarement : Quels amas d'arbres toujours verts Psyché, I. La beauté et le nombre des orangers et des autres plantes qu'on y conserve ne se sauraient exprimer. Deux châtaigniers dont l'ombrage Est majestueux et frais Se couvrent de leur feuillage Ainsi qu'un riche dais. Psyché, I. Point d'amples descriptions: il saisit d'emblée et magistralement le trait caractéristique, la note et ne pousse pas plus avant : |