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UN ENFANT

De Barra, De Viala le sort nous fait envie ;
Ils sont morts, mais ils ont vaincu.

Le lâche accablé d'ans n'a point connu la vie !
Qui meurt pour le peuple a vécu.

Vous êtes vaillans, nous le sommes :
Guidez-nous contre les tyrans ;

Les républicains sont des hommes,
Les esclaves sont des enfans.

CHŒUR DES ENFANS

La république, etc.

UNE ÉPOUSE

Partez, vaillans époux; les combats sont vos fêtes;
Partez, modèles des guerriers;

Nous cueillerons des fleurs pour en ceindre vos têtes:
Nos mains tresseront vos lauriers ;
Et, si le temple de mémoire

S'ouvrait à vos mânes vainqueurs,
Nos voix chanteront votre gloire,
Nos flancs porteront vos vengeurs.

CHŒUR DES ÉPOUSES

La république, etc.

UNE JEUNE FILLE

Et nous, sœurs des héros, nous qui de l'hyménée Ignorons les aimables nœuds;

Si, pour s'unir un jour à notre destinée,

Les citoyens forment des vœux,

Qu'ils reviennent dans nos murailles
Beaux de gloire et de liberté,

Et que leur sang, dans les batailles,
Ait coulé pour l'égalité.

CHOEUR DES JEUNES FILLES.

La république, etc.

TROIS GUERRIERS

Sur le fer devant Dieu, nous jurons à nos pères,
À nos épouses, à nos sœurs,

À nos représentans, à nos fils, à nos mères,
D'anéantir les oppresseurs;

En tous lieux, dans la nuit profonde,
Plongeant l'infâme royauté,

Les Français donneront au monde
Et la paix et la liberté.

CHŒUR GÉNÉRAL

La république, etc.

Joseph Chénier. 1794

XIII

LE VAISSEAU LE VENGEUR

ODE

Au sommet glacé du Rhodope,

Qu'il soumit tant de fois à ses accords touchants, Par de timides sons le fils de Calliope

Ne préludait point à ses chants.

Plein d'une audace Pindarique,

Il faut que des hauteurs du sublime Hélicon,
Le premier trait que lance un poëte lyrique
Soit une flèche d'Apollon.

L'Etna, géant incendiaire,

Qui d'un front embrasé fend la voûte des airs,
Dédaigne ces volcans dont la froide colère
S'épuise en stériles éclairs.

A peine sa fureur commence :

C'est un vaste incendie et des fleuves brûlants.
Qu'il est beau de courroux, lorsque sa bouche im-

mense

Vomit leurs flots étincelants!

Tel éclate un libre génie,

Quand il lance aux tyrans les foudres de sa voix ;. Telle à flots indomptés sa brûlante harmonie Entraîne les sceptres des rois.

Toi que je chante et que j'adore,

Dirige, ô Liberté ! mon vaisseau dans son cours. Moins de vents orageux tourmentent le Bosphore Que la mer terrible où je cours.

Argo, la nef à voix humaine

Qui mérita l'Olympe et luit au front des cieux,
Quel que fût le succès de sa course lointaine,
Prit un vol moins audacieux.

Vainqueur d'Éole et des Pléiades,

Je sens d'un souffle heureux mon navire emporté ; Il échappe aux écueils des trompeuses Cyclades, Et vogue à l'immortalité.

Mais des flots fût-il la victime,

Ainsi que le Vengeur il est beau de périr :

Il est beau, quand le sort vous plonge dans l'abîme, De paraître le conquérir.

Trahi par le sort infidèle,

Comme un lion pressé de nombreux léopards,
Seul au milieu de tous, sa fureur étincelle;
Il les combat de toutes parts.

L'airain lui déclare la guerre ;

Le fer, l'onde, la flamme entourent ses héros.
Sans doute ils triomphaient; mais leur dernier

tonnerre

Vient de s'éteindre dans les flots.

Captifs, la vie est un outrage :

Ils préfèrent le gouffre à ce bienfait honteux.
L'Anglais, en frémissant, admire leur courage;
Albion pâlit devant eux.

Plus fiers d'une mort infaillible,

Sans peur, sans désespoir, calmes dans leurs combats,
De ces républicains l'âme n'est plus sensible
Qu'à l'ivresse d'un beau trépas.

Près de se voir réduits en poudre,

Ils défendent leurs bords enflammés et sanglants.
Voyez-les défier et la vague et la foudre,
Sous des mâts rompus et brûlants.

Voyez ce drapeau tricolore,

Qu'élève en périssant leur courage indompté ; Sous le flot qui les couvre, entendez-vous encore Ce cri, "vive la liberté !"

Ce cri . . . . c'est en vain qu'il expire, Étouffé par la mort et par les flots jaloux ; Sans cesse il revivra répété par ma lyre ; Siècles, il planera sur vous !

Et vous, héros de Salamine,

Dont Thétis vante encor les exploits glorieux,
Non, vous n'égalez point cette auguste ruine,
Ce naufrage victorieux.

P. D. E. Le Brun. 1794

XIV

COMPLAINTE SUR LA MACHINE
INFERNALE

Chantons le récit fidèle
De plus horrible attentat,
Exercé contre l'État,

Rue Nicaise, au Carrouzelle.

De ce fait la vérité

Fait frémir l'humanité.

Une machine infernale,
De nouvelle invention,
Fit, par son explosion,
Un dégât que rien n'égale,
Renversant aux environs,
Les hommes et les maisons.

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