Page images
PDF
EPUB

Vaillant et fier sans arrogance,
Et respecter ses ennemis ;
Brutal pour qui fait résistance,
Honnête à ceux qui sont soumis ;
Servir le Roi, servir les Dames,
Voilà l'esprit du Régiment.
Et r'li, et r❜lan,

Nos grenadiers sont bonnes lames,
Et vont toujours tambour battant.

Viens vite prendre la cocarde ;
Du régiment quand tu seras,

Avec respect j' veux qu'on te r'garde :
Le Prince est le chef, et j' sons les bras.
Par le courage on se ressemble;
J'ons même cœur et sentiment.
Et r❜li, et r❜lan,

Droit à l'honneur j'allons ensemble,
Relan tamplan, tambour battant.

La jeune Agnès devint ma femme,
J'étais le maître à la maison :

Au bout d'un mois changeant de gamme,
Elle fut pire qu'un dragon.

Pauvres époux, voyez ma peine,
Si je m'échappe un seul instant.
Et r'li, et r❜lan,

Relan tamplan elle me mène

Relan tamplan, tambour battant.

Favart. 1758

VIII

IAMBES

I

Que promet l'avenir ?-quelle franchise auguste
De mâle constance et d'honneur ?

Quels exemples sacrés, doux à l'âme du juste,
Pour lui, quelle ombre de bonheur ?

Quelle Thémis, terrible aux têtes criminelles ?—
Quels pleurs d'une noble pitié ?

Des antiques bienfaits quel souvenir fidèle ?——
Quels beaux échanges d'amitié

Font digne de regrets l'habitude des hommes ?
La peur blême et louche est leur dieu;

Le désespoir, le fer.

sommes !

Ah!-lâches que nous

Tous, oui tous; adieu terre, adieu !

Vienne, vienne la mort, que la mort nous délivre! Ainsi donc, mon cœur abattu

Cède au poids de ses maux. Non, non puissé-je vivre,

Ma vie importe à la vertu.

Car, l'on est homme enfin; victime de l'outrage,
Dans les cachots, près du cercueil,
Relève plus altier ton front et ton langage
Brillant d'un généreux orgueil.

S'il est écrit aux cieux que jamais mon épée
N'étincellera dans mes mains,

Dans l'encre et l'amertume une autre arme trempée
Peut encor servir les humains.

Justice, vérité, si ma bouche sincère,
Si mes pensers les plus secrets

Ne froncèrent jamais votre sourcil sévère ;
Et, si les infâmes projets,

Si la risée atroce, ou plus atroce injure,
L'encens hideux des scélérats

Ont pénétré vos cœurs d'une longue blessure,
Sauvez-moi. Conservez un bras

Qui lance votre foudre, un ami qui vous venge.
Mourir sans vider mon carquois !

Sans percer, sans fouler, sans pétrir dans leur fange,
Ces bourreaux barbouilleurs de lois,

Ces tyrans effrontés, de la France asservie,
Égorgée.... O mon cher trésor!

O ma plume! fiel! bile! horreur, dieux de ma vie !

Par vous seuls je respire encor !

Quoi !-nul ne restera pour attendrir l'histoire
Sur tant de justes massacrés ?—

Pour consoler leurs fils, leurs veuves et leurs mères ?

Pour que des brigands abhorrés

Frémissent aux portraits, noirs de leur ressemblance,

Pour descendre jusqu'aux enfers

Chercher le triple fouet, le fouet de la vengeance,

Déjà levé sur ces pervers;

Pour insulter leur nom, pour chanter leur supplice... Allons, étouffe tes clameurs ;

Souffre ô cœur, gros de haine, affamé de justice,

Et toi, vertu, pleurs si je meurs.

André Chénier. 1794

2

Quand au mouton bêlant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort;

Pauvres chiens et moutons, toute la bergerie,
Ne s'informe plus de son sort !—

Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine;
Les vierges aux belles couleurs

Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine Entrelaçaient rubans et fleurs,

Sans plus penser à lui le mangent s'il est tendre ! . . .
Dans cet abîme enseveli,

J'ai le même destin. Je m'y devais attendre.
Accoutumons-nous à l'oubli !—

Oubliés comme moi dans cet affreux repaire,
Mille autres moutons comme moi,

Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire,
Seront servis au peuple roi.

Que pouvaient mes amis? oui, de leur main chérie

Un mot à travers ces barreaux,
A versé quelque baume en mon âme flétrie,
De l'or peut-être à mes bourreaux ;
Mais tout est précipice. Ils ont eu droit de vivre.
Vivez amis, vivez contents !—

En dépit de Bavus, soyez lents à me suivre :
Peut-être en de plus heureux temps,

J'ai moi-même, à l'aspect des pleurs de l'infortune,
Détourné mes regards distraits !—

À mon tour, aujourd'hui, mon malheur importune; Vivez amis, vivez en paix.

Id. 1794

3

Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyre,
Anime la fin d'un beau jour,

Au pied de l'échafaud j'essaie encor ma lyre,
Peut-être est-ce bientôt mon tour!-

Peut-être, avant que l'heure en cercle promenée,
Ait posé sur l'émail brillant,

Dans les soixante pas où sa route est bornée,
Son pied sonore et vigilant ;

Le sommeil du tombeau pressera ma paupière;
Avant que de ses deux moitiés,

Ce vers que je commence, ait atteint la dernière,
Peut-être en ces murs effrayés

Le messager de mort, noir recruteur des ombres,
Escorté d'infâmes soldats,

Remplira de mon nom ces longs corridors sombres. Id. 1794

IX

LA MORT DE JEANNE D'ARC

Silence au camp! la vierge est prisonnière;
Par un injuste arrêt Bedford croit la flétrir :
Jeune encore, elle touche à son heure dernière....
Silence au camp! la vierge va périr.

Des pontifes divins, vendus à la puissance,
Sous les subtilités des dogmes ténébreux
Ont accablé son innocence.

Les Anglais commandaient ce sacrifice affreux :

« PreviousContinue »