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N'ayant à vous offrir, pour expier mon crime,
Que cette maigre, sèche et mourante victime,
Quelle immense bonté pour elle vous avez
Si vous la recevez !

O le don précieux! la magnifique offrande !
Quel présent je vous fais! que ma ferveur est
grande!

Et qu'il en est bien temps, quand déjà tout perclus,
Le monde n'en veut plus!

Cependant, mon Sauveur, en cet état funeste,
C'est tout ce que je puis, et tout ce qui me reste,
Avec mille regrets d'avoir songé si tard

À ce triste départ.

M'y voilà parvenu, la force m'abandonne,

Je pâlis, je succombe, et tout mon corps frissonne, Ma fin sans doute approche, et de peur d'expirer Je n'ose respirer.

Ah! voici le moment que mon âme appréhende : Au secours, mon Sauveur! permettez que je rende Et mes derniers soupirs et mes derniers abois

Au pied de votre croix.

Patrix. 1670 ?

VI

TRADUCTION DU PSAUME XLVI

Que Dieu nous est propice à tous !
Il est seul notre force, il est notre refuge,
Il est notre soutien contre le noir déluge
Des malheurs qui fondent sur nous.

La terre aura beau se troubler :

Quand nous verrions partout les roches ébranlées, Et jusqu'au fond des mers les montagnes croulées, Nous n'aurions point lieu de trembler.

Que les eaux roulent à grand bruit,

Que leur fureur éclate à l'égal du tonnerre, Que les champs soient noyés, les montagnes par terre,

Que l'univers en soit détruit :

Leur fière impétuosité

Qui comble tout d'horreurs, comble Sion de joie,
Et ne fait qu'arroser, alors que tout se noie,
Les murs de la Sainte Cité.

Dieu fait sa demeure au milieu,

Dieu lui donne un plein calme en dépit des orages; Et dès le point du jour contre tous leurs ravages, Elle a le secours de son Dieu.

On a vu les peuples troublés,

Les trônes chancelants pencher vers leur ruine :
Dieu n'a fait que parler, et de sa voix divine
Ils ont paru tous accablés.

Invincible Dieu des vertus,

Que ta protection est un grand privilège!

Quels que soient les malheurs dont l'amas nous assiège,

Nous n'en serons point abattus.

Venez, peuples, venez bénir

Les prodiges qu'il fait sur la terre et sur l'onde ;
La guerre désolait les quatre coins du monde,
Et ce Dieu l'en vient de bannir.

Il a brisé les arcs d'acier,

Tous les dards, tous les traits, tous les chars des

gendarmes,

Et jeté dans le feu, pour finir vos alarmes,
Et l'épée et le bouclier.

Calmez vos appréhensions,

Voyez bien qu'il est Dieu, qu'il est l'unique maître, Et que malgré l'enfer sa gloire va paraître

Parmi toutes les nations.

Encore un coup, Dieu des vertus, Que ta protection est un grand privilège ! Quels que soient les malheurs dont l'amas nous

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Notre cœur, ô Dieu ! te réclame,
Nos cris implorent ton secours ;
Regarde au triste estat qui consume nos jours,
Vois l'amertume de notre âme ;

Connois nos maux, viens les guérir.

Viens nous tirer, Seigneur, d'un affreux précipice, Et jette ton regard propice

Sur des pécheurs prêts à périr.

Nos pauvres tribus fugitives,

Tes autels par tout renversez,

Tous tes flambeaux éteints, tes troupeaux dispersez Tant de milliers d'âmes captives,

Des consciences dans l'effroy,

Des sentiments forcés, des cœurs dans les allarmes,
Des yeux tousjours baignés de larmes,
Sont des voix qui crient à toy.

Nos filles dans les monastères,
Nos prisonniers dans les cachots,

Nos martyrs dont le sang sè repand à grands flots,
Nos confesseurs sur les gallères,

Nos malades persécutez,

Nos mourans exposez à plus d'une furie,

Nos morts traisnez à la voirie,

Te disent nos calamitez.

C'est de ta Grâce un privilége

Que le droit de fléchir les cœurs ;

Mais on veut l'usurper à force de rigueurs
Par un attentat sacrilége.

Au lieu de persuasion

L'on prétend à grands coups forcer la conscience.

On fait faire à la violence

De ton esprit la fonction.

Quelles plaintes assez amères

Sur nos enfans infortunez !

Victimes des péchés de ceux dont ils sont nez,
Arrachés du sein de leurs mères,

Et qui, dans ce destin fatal,

Immolés à l'erreur par des mains inhumaines,

Du péché reçoivent la peine,

Avant que d'en faire le mal.

Naistre dans cet état funeste,
Vivre allarmé, troublé, tremblant,
Mourir dans les horreurs d'un remors accablant,
Prélude du courroux céleste;
Craindre l'enfer après la mort,

Ou d'un Dieu dans son cœur étouffer toute idée,
Pour vivre et mourir en athée,
O Dieu! quel déplorable sort.

Malheureux état où nous sommes,
On nous charge d'un joug de fer,
On nous ferme le ciel, on nous ouvre l'enfer,
Sans respect de Dieu ny des hommes.

Objets d'un injuste couroux,

Nous sentons les ardeurs d'un feu que rien n'apaise On nous jette dans la fournaise :

Oh! si l'ange étoit avec nous !

Hélas nous avions espérance,

Malgré le cours de nos malheurs, Qu'une paix favorable arresteroit nos pleurs Et finiroit notre souffrance.

Nos péchés ne l'ont pas permis.

Mais, irritant ton bras armé contre nos crimes,
Ils nous ont laissés pour victimes
Aux fureurs de nos ennemis.

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