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XXXVI

L'ANNIVERSAIRE

Hélas! après dix ans je revois la journée
Où l'âme de mon père aux cieux est retournée.
L'heure sonne ; j'écoute . . . O regrets; ô douleurs!
Quand cette heure eut sonné, je n'avais plus de

père :

On retenait mes pas loin du lit funéraire :

On me disait : " il dort ;" et je versais des pleurs.
Mais du temple voisin quand la cloche sacrée
Annonça qu'un mortel avait quitté le jour,
Chaque son retentit dans mon âme navrée,
Et je crus mourir à mon tour.

Tout ce qui m'entourait me racontait ma perte :
Quand la nuit dans les airs jeta son crêpe noir,
Mon père à ses côtés ne me fit plus asseoir,
Et j'attendis en vain à sa place déserte
Une tendre caresse et le baiser du soir.

Je voyais l'ombre auguste et chère
M'apparaître toutes les nuits;

Inconsolable en mes ennuis,

Je pleurais tous les jours, même auprès de ma mère.
Ce long regret, dix ans ne l'ont point adouci :
Je ne puis voir un fils dans les bras de son père,
Sans dire en soupirant: "j'avais un père aussi !"
Son image est toujours présente à ma tendresse.
Ah! quand la pâle automne aura jauni les bois,
O mon père, je veux promener ma tristesse
Aux lieux où je te vis pour la dernière fois.

Sur ces bords que la Somme arrose J'irai chercher l'asile où ta cendre repose; J'irai d'une modeste fleur

Orner la tombe respectée,

Et, sur la pierre encor de larmes humectée,
Redire ce chant de douleur.

Millevoye. 1792?

II

PATRIOTIC AND WARLIKE SONGS

I

BALLADE

En une grant fourest et leé*
N'a gaires que je cheminoye,
Où j'ay mainte beste trouvée ;
Mais en un grant parc regardoye,
Ours, lyons et liepars veoye,
Loups et renars qui vont disant
Au povre bestail qui s'effroye :
Sà, de l'argent; sà, de l'argent.

La brebis s'est agenoillée,
Qui a respondu comme coye: ‡
J'ay esté quatre fois plumée
Cest an-ci; point n'ay de monnoye.
Le buef et la vache se ploye.
Là se complaingnoit la jument;
Mais on leur respont toutevoye :
Sà, de l'argent; sà, de l'argent.

* Wide, Lat. latus.

+ Il n'y a guères.

‡ Quiet.

Où fut tel paroule trouvée
De bestes trop me merveilloye.
La chievre dist lors: Ceste année
Nous fera moult petit de joye ;,
La moisson où je m'attendoye
Se destruit par ne sçay quel gent;
Merci, pour Dieu, et va ta voye !
Sà, de l'argent; sà, de l'argent.

La truie, qui fut désespérée,
Dist: Il fault que truande* soye
Et mes cochons; je n'ay derrée
Pour faire argent.-Ven de ta soye,
Dist li loups; car où que je soye
Le bestail fault estre indigent;
Jamais pitié ne toi n'aroye :
Sà, de l'argent; sà, de l'argent.

Quant celle raison fut finée,
Dont forment † esbahis estoye,
Vint à moi une blanche fée
Qui au droit chemin me ravoye

En disant se Dieux me doint‡ joye,
Ces bestes vont à court souvent ;
S'ont ce mot retenu sans joye:
Sà, de l'argent; sà, de l'argent.

· Eustache Deschamps. 13-?

* Truant, beggar.

t Fortement.

‡ Donne.

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Wui! hui! hui! et Ho! ho! ho! Il est mort Wervic,

Wui! hui! hui! et Ho! ho! ho! Et en terre enclos.

Cestoit ung Rollant,
Tant avoit de vantises,
Mais n'estoit qu'enffant,
Quant aux entreprises.
Il a pau gaigniet
D'honneur et de bruyt.
Il en est payet
De sanglante nuyt.

Par son grant engien,
A prins alianche

Au grand terrien

Puissant Roy de Franche,

* Très tard.

F

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