Heureux lorsque ton jour, ce jour qui vit éclore Ton œuvre du néant et ton Fils du tombeau, Vient m'ouvrir les parvis où ton peuple t'adore, Et de mon zèle éteint rallumer le flambeau.
Heureux quand sous les coups de ta verge fidèle, Avec amour battu, je souffre avec amour ; Pleurant, mais sans douter de ta main paternelle, Pleurant, mais sous la croix, pleurant, mais pour un jour.
Heureux, lorsque, attaqué par l'ange de la chute, Prenant la croix pour arme et l'agneau pour sauveur, Je triomphe à genoux, et sors de cette lutte
Vainqueur, mais tout meurtri, tout meurtri, mais vainqueur.
Heureux, toujours heureux! J'ai le Dieu fort pour père,
Pour frère Jésus-Christ, pour conseil l'Esprit-Saint! Que peut ôter l'enfer, que peut donner la terre À qui jouit du ciel et du Dieu trois fois saint?
A toi, mon Dieu, mon éternel appui, Ce chant du soir ira secret et tendre: Heureux est-il, lorsque, comme aujourd'hui, Toi seul l'inspire et toi seul peux l'entendre. Oh! dans ton sein laisse-moi me cacher ! Le monde impur n'osera m'y chercher.
Il est si doux de sentir dans son cœur S'évanouir les terrestres pensées :
Comme un brouillard, dont le soleil vainqueur Absorbe enfin les bandes dispersées.
Toute légère et plus heureuse encor L'âme s'en va vers son divin trésor.
L'un après l'autre, ainsi que des réseaux Restés au pied du ramier que s'envole, Pesants soucis, regrets, chagrins nouveaux, Tombent de l'âme, au vent de ta Parole ; N'as-tu donc pas tout fait, tout accompli? De qui te croit le destin est rempli.
Aussi, mon Dieu, mon Sauveur bien aimé, Avec cette heure, ah! prends à toi ma vie ! Dans les débris ton bon grain a germé ; Que l'eau du ciel ne lui soit point ravie ! Mon âme a soif et cherche ton esprit : C'est le désert que ton regard fleurit.
Malgré la mort, malgré la vie, Je veux te suivre et t'adorer. Malgré moi-même et ma folie, Je me sens vers toi soupirer.
Tu me retiens, tu me captives, Quand je m'égare ou me distrais. A travers mes larmes furtives, Quand je suis seul, tu m'apparais.
L'éclair, sondant la nuit profonde, Est moins perçant que ton regard; L'orbe riant du vaste monde M'embrasse moins de toute part.
L'oiseau qui seul se fait entendre, Quand la nuit tout dort sous les bois, M'appelle d'une voix moins tendre Que dans mon cœur ne fait ta voix.
Elle me dit: "Je t'aime, écoute ! En moi tu peux tout retrouver. Pourquoi me fuir? pourquoi ce doute? Hors moi qui peut donc te sauver?
"Je t'aime plus qu'on n'aime un frère. Tu sais ma demeure et mon nom. Brise le nœud qui m'est contraire, Et jamais ne me redis : non!
"Ne me crains plus. Sois-moi fidèle. Je vais sans cesse à ton côté :
Mais, pour me suivre, garde une aile, Car j'habite l'Éternité."
Sous ton voile d'ignominie,
Sous ta couronne de douleur, N'attends pas que je te renie, Chef auguste de mon Sauveur ! Mon œil, sous le sanglant nuage Qui me dérobe ta beauté, A retrouvé de ton visage L'ineffaçable majesté.
Jamais dans la sainte lumière, Jamais dans le repos du ciel, D'un plus céleste caractère Ne brilla ton front immortel; Au séjour de la beauté même, Jamais ta beauté ne jeta
Tant de rayons qu'au jour suprême Où tu gravis sur Golgotha.
Vous qui d'extase et de prière Remplissez vos jours infinis, Adorant le Fils dans le Père, Aimant le Père dans le Fils, Anges, aux palais de la gloire, Vous semblait-il plus radieux Que sur ce bois expiatoire Et sous la colère des cieux ?
Son supplice aujourd'hui consomme Cette grandeur née au saint lieu,
Et l'opprobre du Fils de l'homme Est la gloire du Fils de Dieu. "Je suis amour," a dit le Père ; Et, quittant le divin séjour, Jésus-Christ vient dire à la terre: 66 Je suis son Fils, je suis amour."
Il est amour, il est Dieu même, Le Dieu par qui Dieu nous bénit, Le Dieu qu'on voit, le Dieu qu'on aime, Dieu par qui l'homme à Dieu s'unit. Où donc est la gloire sublime Plutôt qu'en ce terrible lieu Où mon Dieu se fait ma victime, Où je trouve un frère en mon Dieu ?
L'amour est la grandeur suprême, L'amour est la gloire du ciel, L'amour est le vrai diadème Du Très-Haut et d'Emmanuel. Loin de moi, vision grossière De grandeur et de dignité ! Comme au ciel, il n'est sur la terre Rien de grand que la charité !
Amour céleste, je t'adore!
Mon esprit a vu ta grandeur; Il te connaît, mon cœur t'ignore ; Viens remplir, viens changer mon cœur. Clarté, joie et gloire de l'âme,
Paradis qu'on porte en tout lieu,
Viens, dans ce cœur qui te réclame,
Fleurir sous le regard de Dieu !
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