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Prier le ciel pour la jeune âme,
Faire le signe de la croix,
Et quand passa la pauvre femme

Se détourner tous à la fois !

Cependant inclinant la tête,
Au cimetière on arriva.

Une fosse ouverte était prête;
Alors un homme dit: "C'est là !"

Et la fosse n'étant plus vide,

On y poussa la terre. . . . . Et puis

....

Je ne vis plus qu'un tertre humide,
Avec une branche de buis.

Et comme la petite fille,

S'en allant, passa près de moi,
Je l'arrêtai par sa mantille :

"Tu pleures, mon enfant, pourquoi ?"

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"Monsieur, c'est que Julien," dit-elle,
Que j'appelais mon frère, est mort!"
Et voilant sa noire prunelle,

La pauvrette pleura plus fort.

Dovalle?

XXIV

LE CHANT DES CATACOMBES

Hier j'ai visité les grandes Catacombes
Des temps anciens ;

J'ai touché de mon front les immortelles tombes
Des vieux Chrétiens:

LIPP

UNIVER

OF CALIFO

Et ni l'astre du jour, ni les célestes sphères,

Lettres de feu,

Ne m'avaient mieux fait lire en profonds caractères Le nom de Dieu.

Un ermite au froc noir, à la tête blanchie,
Marchait d'abord,

Vieux concierge du temps, vieux portier de la vie
Et de la mort ;

Et nous l'interrogions sur les saintes reliques
Du grand combat,

Comme on aime écouter sur les exploits antiques
Un vieux soldat.

Un roc sert de portique à la funèbre voûte :
Sur ce fronton,

Un artiste martyr dont les anges sans doute
Savent le nom,

Peignit les traits du Christ, sa chevelure blonde
Et ses grands yeux,

D'où s'échappe un rayon d'une douceur profonde
Comme les cieux !

Plus loin, sur les tombeaux, j'ai baisé maint symbole

Du saint adieu !

Et la palme, et le phare, et l'oiseau qui s'envole
Au sein de Dieu,

Jonas, après trois jours, sortant de la baleine,
Avec des chants,

Comme on sort de ce monde après trois jours de

peine

Nommés le temps.

C'est là que chacun d'eux, près de sa fosse prête,
Spectre vivant,

S'exerçait à la lutte, ou reposait sa tête
En attendant!

Pour se faire d'avance au jour des grands supplices Un cœur plus fort,

Ils essayaient leur tombe, et voulaient par prémices Goûter la mort !

J'ai sondé d'un regard leur poussière bénie,
Et j'ai compris

Que leur âme a laissé comme un souffle de vie
Dans ces débris;

Que dans ce sable humain, qui dans nos mains mortelles

Pèse si peu,

Germent pour le grand jour les formes éternelles De presque un dieu !

Lieux sacrés où l'amour, pour les seuls biens de l'âme,

Sut tant souffrir!

En vous interrogeant, j'ai senti que sa flamme

Ne peut périr;

Qu'à chaque être d'un jour qui mourut pour défendre La vérité,

L'Etre Éternel et Vrai, pour prix du temps, doit

rendre

L'Éternité.

C'est là qu'à chaque pas on croit voir apparaitre Un trône d'or,

Et qu'en foulant du pied des tombeaux, je crus être Sur le Thabor!

Descendez, descendez, au fond des catacombes,
Aux plus bas lieux;

Descendez, le cœur monte, et du haut de ces tombes
On voit les cieux !

L'Abbé Gerbet?

XXV

À LA GRÂCE de dieu

Tu vas quitter notre montagne,
Pour t'en aller bien loin hélas !
Et moi, ta mère et ta compagne,
Je ne pourrai guider tes pas.
L'enfant que le ciel vous envoie,
Vous le gardez, gens de Paris;
Nous, pauvres mères de Savoie,
Nous le chassons loin du pays,
En lui disant: Adieu !
À la grâce de Dieu !
Adieu, à la grâce de Dieu !

Ici commence ton voyage!
Si tu n'allais pas revenir !
Ta pauvre
mère est sans courage,
Pour te quitter, pour te bénir !
Travaille bien, fais ta prière,
La prière donne du cœur ;
Et quelquefois pense à ta mère,
Cela te portera bonheur !
Va, mon enfant, adieu!
À la grâce de Dieu !

Adieu à la grâce de Dieu !

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Elle s'en va, douce exilée,

Gagner son pain sous d'autres cieux;
Longtemps, longtemps, dans la vallée,
Sa mère la suivit des yeux.

Mais lorsque sa douleur amère
N'eut plus sa fille pour témoin,
Elle pleura, la pauvre mère !
L'enfant qui lui disait de loin:
Ma bonne mère adieu !

À la grâce de Dieu !

Adieu à la grâce de Dieu!

Gustave Lemoine. 1841

XXVI

LE BONHEUR DU CHRÉTIEN

Que ne puis-je, ô mon Dieu, Dieu de ma délivrance,
Remplir de ta louange et la terre et les cieux,
Les prendre pour témoins de ma reconnaissance,
Et dire au monde entier combien je suis heureux !

Heureux quand je t'écoute et que cette parole
Qui dit soit la lumière ! et la lumière fut,

:

S'abaisse jusqu'à moi, m'instruit et me console,
Et me dit: c'est ici le chemin du salut!

Heureux quand je te parle, et que, de ma poussière, Je fais monter vers toi mon hommage et mon vœu, Avec la liberté d'un fils devant son père,

Et le saint tremblement d'un pécheur devant Dieu.

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