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Vous qui manquez de charité,
Tremblez à ce supplice étrange.
Ce n'est point sa divinité,
C'est l'humanité que Dieu venge.
Toujours, toujours

Tourne la terre où moi je cours,
Toujours, toujours, toujours, toujours.

Béranger?

XX

L'ÉTERNITÉ

C'en est fait hélas ! de la vie.
L'inflexible fleuve des ans,
Qui sur ses ondes tout charie
M'arrache mon dernier printemps.
Bientôt s'achève ma carrière ;
Je dois abandonner mes jours,
Et déjà sous la froide pierre,
Je me sens glisser pour toujours.
Tel est au jour un éphèmere.
Tel est l'homme à l'éternité
Une vapeur, une chimère,
Un souffle dans l'immensité.
Le jour finit, la nuit commence,
Je vois déjà l'obscurité ;
Et dans l'abîme du silence,

Je reconnais l'Éternité.

H. Westerlinck?

XXI

TOUT PASSE

Que t'importe, mon cœur, ces naissances de rois, Ces victoires qui font éclater à la fois

Cloches et canons en volées,

Et louer le Seigneur en pompeux appareil ;
Et la nuit, dans le ciel des villes en éveil,
Monter des gerbes étoilées ?

Porte ailleurs ton regard sur Dieu seul arrêté !
Rien ici-bas qui n'ait en soi sa vanité:

La gloire fuit à tire d'aile.

Couronnes, mitres d'or, brillent, mais durent peu ;
Elles ne valent pas le brin d'herbe que Dieu
Fait pour le nid de l'hirondelle !

Hélas! plus de grandeur contient plus de néant ! La bombe atteint plutôt l'obélisque géant

Que la tourelle des colombes.

C'est toujours par la mort que Dieu s'unit aux rois; Leur couronne dorée a pour faîte sa croix,

Son temple est pavé de leurs tombes.

Quoi! hauteur de nos tours, splendeur de nos palais,
Napoléon, César, Mahomet, Périclès,

Rien qui ne tombe et ne s'efface!
Mystérieux abîme où l'esprit se confond!
À quelques pieds sous terre un silence profond,

Et tant de bruit à la surface!

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XXII

LES PETITS ORPHELINS

L'hiver glace les champs, les beaux jours sont passés.

Malheur au pauvre sans demeure!

Loin des secours il faut qu'il meure ;

Comme les champs alors tous les cœurs sont glacés.

De l'an renouvelé c'était la nuit première ;
Les mortels revenant de la fête du jour,
Hâtaient leur joie et leur retour ;

Même un peu de bonheur visitait la chaumière.

Au seuil d'une chapelle assis,

Deux enfants, presque nus et pâles de souffrance, Appelaient des passants la sourde indifférence, Soupirant de tristes récits.

Une lampe à leurs pieds éclairait leurs alarmes,
Et semblait supplier pour eux.

Le plus jeune, tremblant, chantait baigné de larmes ;
L'autre tendait sa main aux refus des heureux."

"Nous voici deux enfants, nous n'avons plus de mère :

"Elle mourut hier en nous donnant son pain. "Elle dort où dort notre père.

"Venez; nous avons froid, nous expirons de faim.

"L'étranger nous a dit: Allez, j'ai ma famille,
"Est-ce vous que je dois nourrir?—
"Nous avons vu pleurer sa fille,
"Et pourtant nous allons mourir ?"

Et sa voix touchante et plaintive
Frappait les airs de cris perdus :
La foule, sans les voir, s'échappait fugitive;
Et bientôt on ne passa plus.

Ils frappaient à la porte sainte,

Car leur mère avait dit que Dieu n'oubliait pas.
Rien ne leur répondait que l'écho de l'enceinte,
Rien ne venait que le trépas.

La lampe n'était pas éteinte,

L'heure, d'un triste accent, vint soupirer minuit ; Au loin, d'un char de fête on entendit le bruit, Mais on n'entendit plus de plainte.

Vers l'église portant ses pas,

Un prêtre, au jour naissant, allant à la prière,
Les voit, blanchis de neige et couchés sur la pierre,
Les appelle en pleurant. . . . . Ils ne se lèvent pas.

Leur pauvre enfance, hélas! se tenait embrassée,
Pour conserver sans doute un reste de chaleur ;
Et le couple immobile, effrayant de pâleur,
Tendait encor sa main glacée.

Le plus grand, de son corps couvrant l'autre à moitié, Avait porté sa main aux lèvres de son frère, Comme pour arrêter l'inutile prière,

Comme pour l'avertir qu'il n'est plus de pitié.

Ils dorment pour toujours, et la lampe encor veille ! On les plaint on sait mieux plaindre que secourir. Vers eux de toutes parts les pleurs viennent s'offrir ; Mais on ne venait pas la veille.

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LE CONVOI D'UN ENFANT

Un jour que j'étais en voyage
Près de ce clos qu'un mur défend,
Je vis deux hommes du village
Qui portaient un cercueil d'enfant.

Une femme marchait derrière,
Qui pleurait, et disait tout bas
Une lente et triste prière,
Celle qu'on dit lors d'un trépas.

Point de parents, point de famille !
Je ne vis, le long du chemin,
Qu'une pauvre petite fille

Cachant des larmes sous sa main.

Elle suivait la longue allée

Qui conduit au champ du repos,
Et paraissait bien désolée,

Et dévorait bien des sanglots.

Ainsi marchant, quand ils passèrent
Au pied de ce grand peuplier,
Ceux qui travaillaient s'arrêtèrent,
Et je les vis s'agenouiller,

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