Oh! qui me rendra mon Hélène Et ma montagne et le grand chêne ! Leur souvenir fait tous les jours
LES PORTRAITS À LA MODE
Toujours suivre avec uniformité Le naturel et la simplicité,
Ne point aimer la frivolité,
C'était la vieille méthode ;
J'ai peuplé Paris de mes Calotins, Je les fais courir après des pantins, J'amuse aujourd'hui leurs goûts enfantins Avec les portraits à la mode.
Valet modeste au service d'un grand, Marquis du bel air soutenant son rang, Marchand qui ne s'élevait pas d'un cran, C'était, etc.
Laquais insolents portant des plumets, Les plus grands seigneurs vêtus en valets, Des fils d'artisans en cabriolets,
Graves magistrats s'occupant des lois, Riches financiers vivant en bourgeois,
Commis sans orgueil dans de hauts emplois, C'était, etc.
Gentils conseillers courant les concerts, Financiers qui tranchent des ducs et pairs, Et petits commis prenant des grands airs, Voilà, etc.
Livrer la jeunesse à de doux loisirs, En sachant toujours régler ses désirs, Mais à soixante ans quitter les plaisirs, C'était, etc.
Des adolescents cassés et tremblants, Des femmes coquettes en cheveux blancs, Et de vieux barbons qui font les galants, Voilà, etc.
L'hermine marquait un savoir profond, La vertu brillait sous un habit long, Et la bourgeoisie était sans façon, C'était, etc.
Je peins l'ignorance en manteau fourré, Je peins le plaisir en bonnet carré, Je peins la roture en habit doré. Voilà, etc.
Le faste n'était que pour la grandeur, Les gens à talent n'avaient point l'ardeur, De vivre comme elle dans la splendeur. C'était, etc.
Dans ce joli siècle colifichet,
Un petit danseur, un tireur d'archet, En phaëton va courir le cachet.
En habit lugubre le médecin
Traitait gravement son art assassin; Une mule composait tout son train, C'était, etc.
Chargés de bijoux plus que de latin, De petits Docteurs ont le ton badin, Et vont dans un char verni par Martin. Voilà, etc.
Avant de rimer, trouver un sujet, Avoir le bon sens pour premier objet, Avec intérêt remplir son projet, C'était, etc.
Sans ces règles là toujours nous brillons Héros des Corneille et des Crébillon, En bel oripeau nous vous habillons,
On vous met en vers à la mode.
Les fameux artistes dans leurs tableaux Savaient exprimer les traits les plus beaux, Le goût conduisait leurs savans pinceaux ; C'était la vieille méthode.
À présent tout est pièces et morceaux, On fait la figure avec des ciseaux,
On nous rend aussi noirs que des Corbeaux, Voilà les portraits à la mode.
TABLEAU DE PARIS À CINQ HEURES
L'ombre s'évapore, Et déjà l'aurore De ses rayons dore Les toits d'alentour; Les lampes pâlissent, Les maisons blanchissent, Les marchés s'emplissent:
On a vu le jour.
De la Villette,
Dans sa charrette, Suzon brouette
Ses fleurs sur le quai,
Et de Vincenne Gros-Pierre amène Ses fruits que traîne Un âne efflanqué.
Déjà l'épicière, Déjà la fruitière,
Saute à bas du lit.
L'ouvrier travaille,
L'écrivain rimaille, Le fainéant bâille, Et le savant lit.
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