XVII L'IMMORTALITÉ DE L'ÂME Non, ce n'est point un vain système, Dans nos cœurs le grava lui-même La tranquille immortalité, Propice au bon, et terrible au coupable, Du temps, qui sous ses yeux marche à pas de géant, Défend l'ami de la justice, Et ravit à l'espoir du vice Oui vous qui de l'Olympe usurpant le tonnerre Tremblez, tyrans, vous êtes immortels! Et vous, vous du malheur victimes passagères, Eh! quel cœur ne se livre à ce besoin suprême ? Apporte ce besoin d'exister après soi. Un sépulchre à ses pieds et le front dans les cieux, Jusqu'au trône éternel va porter l'espérance Sur l'airain périssable il grave sa mémoire, Et sur ces monuments, témoins de sa victoire, Delille. 1802 XVIII LE VOYAGEUR ÉGARÉ DANS LES NEIGES DU SAINT-BERNARD La neige au loin accumulée En torrents épaissis tombe du haut des airs; Couvre du Saint-Bernard les vieux sommets déserts. Plus de routes, tout est barrière; L'ombre accourt, et déjà pour la dernière fois Sur la cime inhospitalière Dans les vents de la nuit l'aigle a jeté sa voix. À ce cri d'effroyable augure, Le voyageur transi n'ose plus faire un pas; Au bord d'un précipice, il attend le trépas. Là dans sa dernière pensée, Il songe à son épouse, il songe à ses enfants: Cette image a doublé l'horreur de ses tourments. C'en est fait; son heure dernière Un funeste sommeil déjà cherche ses yeux. Soudain, ô surprise! ô merveille! Tandis qu'avec peine il écoute, À travers la tempête un bruit au loin s'entend : Le chien, en aboyant de joie, LE JUIF ERRANT Chrétien, au voyageur souffrant D Sans vieillir, accablé de jours, La fin du monde est mon seul rêve; Toujours, toujours Tourne la terre où moi je cours, Toujours, toujours, toujours, toujours. Depuis dix-huit siècles, hélas ! Et pour survivre au monde ancien Des flots j'ai vu sortir deux mondes. Toujours, etc. Dieu m'a changé pour me punir: Seul, au pied d'arbustes en fleurs, Eh! qu'importe au ciel irrité Pour délasser d'un tel voyage? Que des enfants vifs et joyeux Des murs où je suis né jadis Mais le tourbillon me dit, " Passe ! "Reste debout quand tout succombe; "Tes aïeux ne t'ont point ici "Gardé de place dans leur tombe." Toujours, etc. J'outrageai d'un rire inhumain |