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Que les soirs d'hiver sont charmants
Lorsqu'une famille assemblée
Sait, par divers amusements,
Égayer, égayer la veillée.

Assis près de sa bien aimée,
Voyez le paisible Lapon;
Lorsque la neige à gros flocon
Tombe sur sa hutte enfumée,
Autour du feu dans son réduit
La famille entière assemblée
Semble trouver six mois de nuit
Trop courts, trop courts pour la veillée.

J'aime surtout une soirée

Où l'on parle de revenants,

Alors qu'on entend tous les vents

Souffler autour de la contrée.

À ces récits intéressants

Toute la troupe emerveillée,

Tremble, écoute et voudrait long-temps

Prolonger, prolonger la veillée.

C'est au hameau, dans une étable,

Qu'on se rassemble chaque soir,

Les vieilles ont le dévidoir,

Les vieux ont le broc sur la table;
Les jeunes garçons amoureux
Des fillettes de l'assemblée,

Abrègent par des chants, des jeux,
De l'hiver, de l'hiver la veillée.

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XIII

LES BOSSUS

Depuis longtemps je me suis aperçu
De l'agrément qu'on a d'être bossu.
Polichinelle en tous lieux si connu,
Toujours chéri, partout si bien venu,
Qu'en eût-on dit s'il n'eut été bossu?

Loin qu'une bosse soit un embarras,
De ce paquet on fait un fort grand cas;
Quand un bossu l'est derrière et devant,
Son estomac est à l'abri du vent,
Et ses épaules sont plus chaudement.

On trouve ici des gens assez mal nés
Pour s'aviser d'aller leur rire au nez:
Ils l'ont toujours aussi long que le bec
De cet oiseau que l'on trouve à Quebec ;
C'est pour cela qu'on leur doit du respect.

Tous les bossus ont ordinairement
Le ton comique et beaucoup d'agrément.
Quand un bossu se montre de côté,
Il règne en lui certaine majesté,
Qu'on ne peut voir sans en être enchanté.

Si j'avais eu les trésors de Crésus,
J'aurais rempli mon palais de bossus.
On aurait vu près de moi, nuit et jour,
Tous les bossus s'empresser tour à tour,
De montrer leur éminence à ma cour.

Dans mes jardins, sur un beau piédestal,
J'aurais fait mettre un Ésope en métal,
Et par mon ordre, un de mes substituts
Aurait gravé près de ses attributs :
Vive la bosse, et vivent les bossus !

Concluons donc, pour aller jusqu'au bout,
Qu'avec la bosse on peut passer par tout,
Qu'un homme soit ou fantasque ou bourru,
Qu'il soit chassieux, malpropre, malvêtu,
Il est charmant, pourvu qu'il soit bossu.
Santeul. 174-

XIV

LE BON TEMPS

Chacun vivait joyeusement
Selon son état, son ménage,
L'on pouvait partout sûrement,
Labourer dans son héritage,
Si hardiment que nul outrage,
Nul chagrin, n'eussent été faits
Sous peine d'encourir dommage.
Hélas! le bon temps que j'avais !

De paix et de tranquillité,
Lors on était en sauvegarde !
Justice avait autorité.

De nul danger on n'avait garde.
Près du riche, l'âme gaillarde,
Fier, quoique pauvre, je marchais,
Sans redouter la hallebarde.
Hélas! le bon temps que j'avais !

Il n'était en cette saison,

De loger par fourriers, nouvelles :
Ni chez nous mettre garnison;
Mais faire chère des plus belles.
Prendre à deux mains grandes bouteilles,
Manger bien chaud, boire bien frais,
Et chanter sous les vertes treilles.
Hélas! le bon temps que j'avais !

Hé! croyez-vous qu'il faisait bon
En ces beaux près, à table ronde,
À voir le beau, le gras jambon,
La sauce en écuelle profonde,
Deviser de Margot la blonde;
Et puis danser sous la saulsais,
Il n'était autre joie au monde.
Hélas! le bon temps que j'avais !

Du temps du feu roi trépassé,
On ne volait point par la ville.
Je n'étais point éclaboussé
Par des gens d'humeur incivile.
Les sergents, trottant à la file,
Ne demandaient point où j'allais,
Je marchais, gai, libre et tranquille.
Hélas! le bon temps que j'avais !

Martial d'Auvergne. 14—

XV

LA MÈRE BONTEMPS

La mère Bontemps

S'en allait disant aux fillettes :
Dansez mes enfants,

Tandis que vous êtes jeunettes;
La fleur de gaité

Ne croit point l'été ;

Née au printemps comme la rose,
Cueillez-la dès qu'elle est éclose,

Dansez à quinze ans,

Plus tard il n'est plus temps.

À vingt ans, mon cœur

Crut l'amour un Dieu plein de charmes ;

Ce petit trompeur

M'a fait répandre bien des larmes ;

Il est exigeant,

Boudeur et changeant;

Fille qu'il tient sous son empire

Fuit le monde, rève et soupire;

Dansez à quinze ans,

Plus tard il n'est plus temps.

Les jeux et les ris

Dansèrent à mon mariage;

Mais bientôt j'appris

Qu'il est d'autres soins en ménage :

Mon mari grondait,

Mon enfant criait,

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