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À qui devrons-nous le plus ?
C'est à notre maître,
Qui, se croyant un abus,
Ne voudra plus l'être.
Ah! qu'il faut aimer le bien
Pour, de Roi, n'être plus rien !
J'enverrais tout paître, ô gué !
J'enverrais tout paître !

Le Chevalier Delisle. 1779

XXXVI

VIVE LA LIBERTÉ

-Mon cher ami... vive la liberté! --Ah! d'en jouir, monsieur, je n'ai pas le cou

rage...

-Comment! que dis-tu là?... Vive la liberté! -Hélas! monsieur, je manque et de place et d'ouvrage.

-Oui, mais, mon cher ami, vive la liberté!
-En soldat déguisé, malgré moi volontaire,
J'ai sur mes pieds passé la nuit entière . . .
-Cela n'est rien: vive la liberté !

--Mourant de peur, de froid, chargé d'une giberne,
D'un sabre, d'un fusil, j'ai gardé la lanterne . . .
-Mais aussi, pense donc . . . vive la liberté !

- Dans un libelle affreux, monsieur, l'on me déchire. -Oh! c'est égal... Vive la liberté !

-On m'a volé; partout j'ai couru pour le dire; J'ai demandé justice, et l'on n'a fait qu'en rire . . . Mais aussi, quel bonheur... Vive la liberté !

—J'ai tout perdu; mais, grâce au sénat que j'honore, Bien plus que l'an dernier, il faut payer encore. -C'est vrai; mais malgré ça ... vive la liberté ! —Mais, monsieur, je n'ai plus ni pain, ni sou, ni maille,

Et, sur ma foi, je crois qu'ils ne font rien qui vaille...

-Oui; mais, mon cher ami... vive la liberté! —Allons, puisqu'il le faut : vive la liberté !

Actes des Apôtres. 179–

XXXVII

LES INCONVÉNIENTS DE LA FORTUNE

Depuis que j'ai touché le faîte
Et du luxe et de la grandeur,
J'ai perdu ma joyeuse humeur :
Adieu bonheur !

Je baîlle comme un grand seigneur..
Adieu bonheur !

Ma fortune est faite.

Le jour, la nuit, je m'inquiète ;
La chicane et tous ses suppôts
Chez moi fendent à tout propos;
Adieu repos !

Et je suis surchargé d'impôts;

Adieu repos !

Ma fortune est faite.

Toi dont la grâce gentillette
En me ravissant la raison,
Sut charmer ma jeune saison,
Adieu Suzon!

Je dois te fermer ma maison;
Adieu Suzon !

Ma fortune est faite.

Pour le plus léger mal de tête
Au poids de l'or je suis traité,
J'entretiens seul la Faculté.
Adieu santé !

Hier trois docteurs m'ont visité;
Adieu santé !

Ma fortune est faite.

Mais je vois en grande étiquette
Chez moi venir ducs et barons.
Lyre, il faut suspendre tes sons;
Adieu chansons!

Mon Suisse annonce, finissons!
Adieu chansons!

Ma fortune est faite.

Désaugiers. 18—

XXXVIII

ÉPITAPHE D'UN ÉGOÏSTE

Ci-gît Paul, qui, vivant sans faire bien ni mal, N'aima rien que lui seul, et n'eut point de rival. P. L. Verdier. 18

XXXIX

ÉPITAPHE D'UN PRÉLAT

Ci-gît un bon prélat, intrigant s'il en fut,
Qui s'occupa de tout, hormis de son salut.

B. D. L. M. 18

XL

CONTRE FORLIS

-Quoi! c'est toi, cher Forlis? Ma surprise est

extrême !

Que fais-tu, seul, assis près de ce peuplier?

-Je m'entretiens avec moi-même.
-Oh! comme tu dois t'ennuyer!

T-A. Fumelo. 18

XLI

SUR UN MÉDECIN

"Mes malades jamais ne se plaignent de moi," Disait un médecin d'ignorance profonde.

—Ah! repartit un plaisant, je le crois ; Vous les envoyez tous se plaindre en l'autre monde. François (de Neufchâteau). 18

XLII

CONTRE MAUPOU

Louis voulait être Titus ;
Mais Maupou voulait le contraire,
Car il comptait pour jours perdus
Tous ceux qu'il passait sans mal faire ;
Et le coquin n'en passait guère !

Anon.

17

XLIII

LA LORGNETTE

Lorsque je suis au Luxembourg,
Je prends ma lorgnette et je lorgne.
En lorgnant, j'y vis l'autre jour
Un boiteux qui riait d'un borgne;
Ce borgne riait à son tour
De certain bossu gros et court,
Qui, grâce à son malin génie,
Faisait rire une compagnie
Des quiproquos d'un pauvre sourd.
A cinq ou six pas je m'avance,
Je rencontre un petit chanteur;
Il riait d'un maître de danse,
Qui riait aussi d'un acteur.
Un peu plus loin, je vois paraître
Un homme dont la pesanteur
Marquait assez un géomètre.
Il montrait au doigt un auteur
Songeant alors à quelque mètre.

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