Je ne sais par quel vertigo, Ou quelle suffisance extrême, Narcisse, en se mirant dans l'eau, Devint amoureux de lui-même. Moi, fort souvent je suis atteint De cette risible chimère,
Mais c'est lorsque je vois mon teint Pourpré par le reflet du verre.
Dieu du vin, dieu de l'univers, Toi qui me fis à ton image, Reçois ce tribut de mes vers: Et, pour couronner ton ouvrage, Fais, jusqu'à mes instants derniers, Que dans ma soif je persévère, Et qu'à ma mort mes héritiers Ne puissent m'arracher mon verre.
Désaugiers. 18
MADAME DENIS
Quoi! vous ne me dites rien? Mon ami, ce n'est pas bien; Jadis c'était différent;
Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en. ... J'étais sourde à vos discours,
Et vous me parliez toujours.
Mais m'amour, j'ai sur le corps Cinquante ans de plus qu'alors; Car c'était en mil sept cent; Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en An premier de mes amours, Que ne duriez-vous toujours!
MADAME DENIS
C'est de vous qu'en sept cent un Une anguille de Melun M'arriva si galamment!
Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en.... Avec des pruneaux de Tours Que je crois manger toujours.
MONSIEUR DENIS
En mil sept cent deux, mon cœur Vous déclara son ardeur: J'étais un petit volcan!
Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en.... Feu des premières amours, Que ne brûlez-vous toujours!
On nous maria, je crois, À Saint-Germain-l'Auxerrois. J'étais mise en satin blanc; Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en... Du plaisir charmants atours, Je vous conserve toujours.
MONSIEUR DENIS
Comme j'étais étoffé!
MADAME DENIS
Comme vous étiez coiffé!
Habit jaune en bouracan; Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en....
MADAME DENIS
Et culotte de velours Que je regrette toujours. Comme, en dansant le menuet, Vous tendites le jarret!
Ah! vous alliez joliment!
Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en.... Aujourd'hui nous sommes lourds!
MONSIEUR DENIS
On ne danse pas toujours.
[Lui offrant une prise de tabac.
Demain songez, s'il vous plaît, À me donner mon bouquet.
(Tenant la prise de tabac sous le nez). Quoi! c'est demain la Saint-Jean?
Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en.... Époque où j'ai des retours
Qui me surprennent toujours.
MADAME DENIS
Oui, jolis retours, ma foi! Votre éloquence avec moi Éclate une fois par an;
Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en....
Encor votre beau discours
Ne finit-il pas toujours.
Elle était bien jolie, au matin, sans atours, De son jardin naissant visitant les merveilles, Dans leur nid d'ambroisie épiant ses abeilles, Et du parterre en fleurs suivant les longs détours.
Elle était bien jolie, au bal de la soirée, Quand l'éclat des flambeaux illuminait son front, Et que de bleus saphirs ou de roses parée De la danse folâtre elle menait le rond.
Elle était bien jolie, à l'abri de son voile Qu'elle livrait, flottant, au souffle de la nuit,
Quand pour la voir de loin, nous étions là sans bruit, Heureux de la connaître au reflet d'une étoile.
Elle était bien jolie; et de pensers touchants D'un espoir vague et doux chaque jour embellie, L'amour lui manquait seul pour être plus jolie ! . . . Paix! . . . voilà son convoi qui passe dans les champs ! ... Ch. Nodier. 183-
STÉPHANIE
Bijoux et dentelles, Parures nouvelles,
A quoi servent-elles ? Prends, elles sont là. Ce luxe éphémère M'était nécessaire,
Pourquoi?... pour te plaire ; Je te plais sans ça. Qu'importe le reste? Oui, je te l'atteste, Si, simple, et modeste, Tu me trouves bien, Ta seule tendresse Fera ma richesse; Ta seule tendresse Fera tout mon bien.
Je suis riche, et beaucoup ; Car l'amour, oui, l'amour tient lieu de tout.
Serviteurs à gage,
Dans un bon ménage, Sont un esclavage, Je m'en passerai.
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