On prétend que la Jouissance, Qui croyait devoir le nourrir, Jalouse de la préférence,
Guettait l'enfant pour s'en saisir ; Prenant les traits de l'Innocence, Pour berceuse elle vint s'offrir, Et la trop crédule Espérance Eut le malheur d'y consentir.
Un jour advint que l'Espérance, Voulant se livrer au sommeil, Remit à la fausse Innocence L'enfant jusques à son reveil. Alors la trompeuse déesse Donne bonbons à pleine mains: L'Amour d'abord fut dans l'ivresse,
Mais mourut bientôt dans son sein.
Vous me quittez pour aller à la gloire, Mon triste cœur suivra partout vos pas. Allez, volez au temple de mémoire, Suivez l'honneur; mais ne m'oubliez pas.
À vos devoirs comme à l'amour fidèle, Cherchez la gloire, évitez le trépas: Dans les combats où l'honneur vous appelle Distinguez-vous; mais ne m'oubliez pas.
Que faire, hélas ! dans mes peines cruelles, Je crains la paix autant que les combats; Vous y verrez tant de beautés nouvelles Vous leur plairez; mais ne m'oubliez pas.
Oui, vous plairez et vous vaincrez sans cesse ; Mars et l'Amour suivront partout vos pas. De vos succès gardez la douce ivresse, Soyez heureux; mais ne m'oubliez pas.
À nos bosquets rend toute leur parure; Flore est plus belle à son retour; L'oiseau reprend doux chant d'amour : Tout célébre dans la nature
Désir plus vif est toujours près d'éclore ; Jeune et sensible troubadour,
Quand vient la nuit, chante l'amour : Mais il chante bien mieux encore
Cause parfois, cause douleur extrême. Que l'espace des nuits est court Pour le berger brûlant d'amour, Forcé de quitter ce qu'il aime
Sauve les fleurs et rafraichit les belles; Je veux, en galant troubadour,
Célébrer, au nom de l'amour,
Chanter, au nom des fleurs nouvelles, La fin du jour.
Rend aux plaisirs l'habitant du village ; Voyez les bergers d'alentour
Danser en chantant tour à tour:
Ah! comme on aime, après l'ouvrage, La fin du jour.
Rend aux amans et l'ombre et le mystère ; Quand Phébus termine son tour,
Vénus, au milieu de sa cour,
Avec Mars célébre à Cythère La fin du jour.
Rend le bonheur aux oiseaux du bocage; Bravant dans leur obscur séjour
La griffe du cruel vautour,
Ils vont guetter sous le feuillage La fin du jour.
Me voit souvent commencer un bon somme; Et pour descendre au noir séjour,
En fermant les yeux sans retour Je dirai gaiment : c'est tout comme La fin du jour.
Armand Gouffé. 1805
Quand je vois des gens ici-bas Sécher de chagrin ou d'envie, Ces malheureux, dis-je tout bas, N'ont donc jamais bu de leur vie ! On ne m'entendra pas crier Peine, famine, ni misère,
Tant que j'aurai de quoi payer Le vin que peut tenir mon verre.
Riche sans posséder un sou, Rien n'excite ma jalousie ; Je ris des mines du Pérou, Je ris des trésors de l'Asie ;
Car sans sortir de mon taudis, Grâce au seul dieu que je révère, Je vois saphir, perle et rubis Abonder au fond de mon verre.
Tout nous atteste que le vin De tous les maux est le remède, Et les dieux n'ont pas fait en vain Leur échanson de Ganymède. Je gage même que ces coups Que l'homme attribue au tonnerre, Sont moins l'effet de leur courroux, Que du choc bruyant de leur verre.
Chaque jour l'humide fléau
Des cieux ne rompt-il pas les digues? Și les immortels aimaient l'eau, Ils n'en seraient pas si prodigues. Et quand nous voyons par torrent La pluie inonder notre terre, C'est qu'ils rejettent en jurant L'eau que l'on verse dans leur verre.
Le bon vin rend l'homme meilleur ; Car du monarque assis à table, Vit-on jamais le bras vengeur Signer la perte d'un coupable? De son cœur le courroux banni N'obscurcit plus son front sévère: Armé du sceptre, il l'eût puni : Il lui pardonne, armé du verre.
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