Mon âme est dans les ténèbres, Mes sens sont glacés d'effroi : Écoutez mes cris funèbres,
Dieu juste, répondez-moi. Mais enfin sa main propice A comblé le précipice
Qui s'entr'ouvrait sous mes pas : Son secours me fortifie,
Et me fait trouver la vie Dans les horreurs du trépas.
Seigneur, il faut que la terre Connaisse en moi vos bienfaits: Vous ne m'avez fait la guerre Que pour me donner la paix. Heureux l'homme à qui la grâce Départ ce don efficace
Puisé dans ses saints trésors, Et qui, rallumant sa flamme, Trouve la santé de l'âme
Dans les souffrances du corps !
C'est pour sauver la mémoire De vos immortels secours, C'est pour vous, pour votre gloire, Que vous prolongez nos jours. Non, non, vos bontés sacrées Ne seront point célébrées Dans l'horreur des monuments : La mort, aveugle et muette, Ne sera point l'interprète
De vos saints commandements.
Mais ceux qui de sa menace, Comme moi, sont rachetés, Annonceront à leur race Vos célestes vérités.
J'irai, Seigneur, dans vos temples Réchauffer par mes exemples Les mortels les plus glacés, Et, vous offrant mon hommage, Leur montrer l'unique usage Des jours que vous leur laissez.
7. B. Rousseau. 1710
Inspire-moi de saints cantiques; Mon âme, bénis le Seigneur ; Quels concerts assez magnifiques, Quels hymnes lui rendront honneur? L'éclat pompeux de ses ouvrages, Depuis la naissance des âges, Fait l'étonnement des mortels. Les feux célestes le couronnent, Et les flammes qui l'environnent Sont ses vêtements éternels.
Ainsi qu'un pavillon tissu d'or et de soie,
Le vaste azur des cieux sous sa main se déploie.
Il peuple leurs déserts d'astres étincelants. Les eaux autour de lui demeurent suspendues; Il foule aux pieds les nues
Et marche sur les vents.
Fait-il entendre sa parole?
Les cieux croulent, la mer gémit, La foudre part, l'aquilon vole, La terre en silence frémit. Du seuil des portes éternelles Des légions d'esprits fidèles A sa voix s'élancent dans l'air : Un zèle dévorant les guide, Et leur essor est plus rapide
Que le feu brûlant de l'éclair.
Il combla du chaos les abîmes funèbres;
Il affermit la terre, en chassa les ténèbres.
Les eaux couvraient au loin les rochers et les monts; Mais au son de sa voix les ondes se troublèrent,
Et soudain s'écoulèrent
Dans leurs gouffres profonds.
Les bornes qu'il leur a prescrites Sauront toujours les resserrer. Son doigt a tracé les limites Où leur fureur doit expirer. La mer, dans l'excès de sa rage, Se roule en vain sur le rivage Qu'elle épouvante de son bruit. Un grain de sable la divise : L'onde approche, le flot se brise, Reconnaît son maître, et s'enfuit.
Les troupeaux dans les champs vont chercher leur
L'homme dans les sillons cueille sa nourriture;
L'olivier l'enrichit des flots de sa liqueur;
Le pampre coloré fait couler sur sa table Ce nectar délectable,
Charme et soutien du cœur.
Le souverain de la nature A prévenu tous nos besoins ; Et la plus faible créature
Est l'objet de ses tendres soins. Il verse également la sève Et dans le chêne qui s'élève,
Et dans les humbles arbrisseaux : Du cèdre voisin de la nue
La cime orgueilleuse et touffue Sert de base aux nids des oiseaux.
Le daim léger, le cerf et le chevreuil agile S'ouvrent sur les rochers une route facile. Pour eux seuls de ces bois Dieu forma l'épaisseur, Et les trous tortueux de ce gravier aride
Pour l'animal timide
Qui nourrit le chasseur.
Le globe éclatant qui dans l'ombre Roule au sein des cieux étoilés, Brilla pour nous marquer le nombre Des ans, des mois renouvelés. L'astre du jour, dès sa naissance, Se place dans le cercle immense
Que Dieu lui-même avait décrit ; Fidèle aux lois de sa carrière, Il retire et rend la lumière
Dans l'ordre qui lui fut prescrit.
La nuit vient à son tour; c'est le temps du silence. De ses antres fangeux la bête alors s'élance, Et de ses cris aigus étonne le pasteur. Par leurs rugissements les lionceaux demandent L'aliment qu'ils attendent
Des mains du Créateur.
Mais quand l'aurore renaissante Peint les airs de ses premiers feux, Ils s'enfoncent pleins d'épouvante Dans les repaires ténébreux. Effroi de l'animal sauvage, Du Dieu vivant brillante image, L'homme paraît quand le jour luit. Sous ses lois la terre est captive; Il y commande, il la cultive Jusqu'au règne obscur de la nuit.
Privés de tes regards célestes, Tous les êtres tombent détruits, Et vont mêler leurs tristes restes Au limon qui les a produits. Mais par des semences de vie, Que ton souffle seul multiplie, Tu répares les coups du temps; Et la terre toujours peuplée, De sa fange renouvelée Voit renaître ses habitants.
Lefranc de Pompignan. 1742 ?
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