Un seul vieillard résiste encore: Lautrec court lui servir d'appui ; C'était le vieux père d'Isaure. Lautrec est blessé près de lui.
Hélas! sa blessure est mortelle. Il sauve Alphonse et va périr. Le vieillard fuit; Lautrec l'appelle, Et lui dit avant de mourir : “Cruel père de mon amie,
"Tu ne m'as pas voulu pour fils! "Je me venge en sauvant ta vie : "Le trépas m'est doux à ce prix.
"Exauce du moins ma prière;
"Rends les jours de Clémence heureux : "Dis lui qu'à mon heure dernière
'Je t'ai chargé de mes adieux;
Reporte lui ces fleurs sanglantes, "De mon cœur le plus cher trésor, "Et laisse mes lèvres mourantes "Les baiser une fois encor."
En disant ces mots il expire. Alphonse, accablé de douleur, Prend le bouquet et s'en va dire À sa fille l'affreux malheur. En peu de jours la triste amante Dans les pleurs terminant son sort, Prit soin d'une main défaillante, D'écrire un testament de mort.
Elle ordonna que chaque année, En mémoire de ses amours, Chacune des fleurs fut donnée Aux plus habiles troubadours. Tout son bien fut laissé par elle, Pour que ces trois fleurs fussent d'or. Sa patrie, à son vœu fidèle,
Observe cet usage encor.
Jeune, j'aimai—le temps de mon bel âge, Ce temps si court, l'amour seul le remplit ; Quand j'atteignis la saison d'être sage, Toujours j'aimai—la raison me le dit. Puis l'âge vient, et le plaisir s'envole, Mais mon bonheur ne s'envole aujourd'hui, Car j'aime encore, et l'amour se console; Rien ne pourrait me consoler de lui.
Madame d'Houdetot. 18-?
SUR LA MORT D'UNE JEUNE FILLE
Son âge échappait à l'enfance;
Riante comme l'innocence,
Elle avait les traits de l'Amour.
Quelques mois, quelques jours encore,
Dans ce cœur pur et sans détour Le sentiment allait éclore. Mais le ciel avait au trépas Condamné ses jeunes appas; Au ciel elle a rendu sa vie, Et doucement s'est endormie. Sans murmurer contre ces lois Ainsi le sourire s'efface;
Ainsi meurt sans laisser de trace
Le chant d'un oiseau dans les bois.
CONSEILS À DÉLIE
Crois-moi, jeune Délie, Profitons des beaux jours;
L'aurore de la vie
Appartient aux Amours; Vainement la Sagesse Condamne nos soupirs, Notre amoureuse ivresse Vaut bien ses froids plaisirs.
Si l'amour est un songe, Prolongeons le sommeil ; Jouissons du mensonge Sans penser au réveil; Et, puisqu'avec le rêve S'enfuit notre bonheur, Avant qu'il ne s'achève, Mourons dans notre erreur.
CHANT DU BARDE DANS ARIODANT
Femme sensible, entends-tu le ramage De ces oiseaux qui célèbrent leurs feux? Ils font redire à l'écho du rivage:
Le printemps fuit, hâtez-vous d'être heureux.
Vois-tu ces fleurs, ces fleurs qu'un doux Zéphire Va caressant de son souffle amoureux ?
En se fanant elles semblent te dire :
Le printemps fuit, hâtez-vous d'être heureux.
Moments charmants d'amour et de tendresse, Comme un éclair vous fuyez à nos yeux; Et tous les jours perdus dans la tristesse Nous sont comptés comme des jours heureux.
ÉLOGE DE L'EAU
Il pleut, il pleut enfin !
Et la vigne altérée
Va se voir restaurée,
Par ce bienfait divin!
De l'Eau chantons la gloire:
On la méprise en vain ; C'est Peau qui nous fait boire
Du vin, du vin, du vin.
C'est par l'eau, j'en conviens, Que Dieu fit le déluge, Mais ce souverain juge
Mit les maux près des biens: Du déluge, l'histoire,
Fait naître le raisin:
C'est l'eau qui nous fait boire
Du vin, du vin, du vin.
Du bonheur je jouis Quand la rivière apporte, Presque devant ma porte, Des vins de tous pays; Ma cave et mon armoire, Dans l'instant, tout est plein! C'est l'eau qui me fait boire Du vin, du vin, du vin.
Par un temps sec et beau, Le meunier du village Se morfond sans ouvrage, Et ne boit que de l'eau ; Il rentre dans sa gloire Quand l'eau vient au moulin; C'est l'eau qui lui fait boire Du vin, du vin, du vin.
S'il faut un trait nouveau, Mes amis, je le guette; Voyez à la guinguette Entrer mon porteur d'eau ;
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