Page images
PDF
EPUB

Au moins sy lors que tout menace
Ta Grâce nous parlait de paix,
On pourrait s'asseurer de ne périr jamais ;
Mais nous n'entendons plus ta Grâce,
Le mal sur nous au mal se joint,

Sans que tu daignes voir tous ces maux qui nous troublent.

Ah! Seigneur, les briques redoublent,
Mais Moyse ne paroist point.

Où sont donc tes faveurs divines?
Nous quittent-elles sans retour?
Elles seront, ô Dieu, l'objet de notre amour,
Quel fléau que tu nous destines.
Oui, toujours en les implorant,
Nous irons à tes pieds attendre le supplice;
S'il faut périr sous ta justice,
Nous périrons en l'adorant.

Ton couroux veut-il nous éteindre, Nous nous retirons dans ton sein. De nous exterminer formes-tu le dessein, Nous formons celuy de te craindre. Malgré nos maux, malgré la mort,

Nous bénirons les traits que ta main nous appreste : Ce sont les coups d'une tempeste,

Mais ils ramènent dans le port.

Puisse un sy beau retour de zelle
Estre instructif aux ignorants,

Relever les tombez, ramener les errants,
Affermir quiconque chancelle,

Nous rétablir en ta faveur,
Sauver nos ennemis, édiffier nos frères,
Et triompher de nos misères

Par Jésus-Christ, notre Sauveur !
Ainsy soit-il.

Anon. 1698

VIII

APPARENTE FÉLICITÉ DES MÉCHANTS

ÉLISE

Je n'admirai jamais la gloirẻ de l'impie.
Au bonheur du méchant qu'un autre porte envie.
Tous ses jours paraissent charmants :

L'or éclate en ses vêtements;

Son orgueil est sans borne, ainsi que sa richesse ;
Jamais l'air n'est troublé de ses gémissements ;
Il s'endort, il s'éveille au son des instruments;
Son cœur nage dans la mollesse.

UNE AUTRE ISRAELITE

Pour comble de prospérité,

Il espère revivre en sa postérité ;

Et d'enfants à sa table une riante troupe
Semble boire avec lui la joie à pleine coupe.

UNE AUTRE

Pour contenter ses frivoles désirs,
L'homme insensé vainement se consume;

Il trouve l'amertume

Au milieu des plaisirs.

UNE AUTRE

Le bonheur de l'impie est toujours agité ;
Il erre à la merci de sa propre inconstance.
Ne cherchons la félicité

Que dans la paix de l'innocence.

UNE AUTRE

Nulle paix pour l'impie; il la cherche, elle fuit,
Et le calme en son cœur ne trouve point de place.
Le glaive au dehors le poursuit ;
Le remords au dedans le glace.

UNE AUTRE

La gloire des méchants en un moment s'éteint.
L'affreux tombeau pour jamais les dévore.
Il n'en est pas ainsi pour celui qui te craint ;
Il renaîtra, mon Dieu, plus brillant que l'aurore.
Racine. 1689

IX

ROIS, CHASSEZ LA CALOMNIE

Rois, chassez la calomnie :

Ses criminels attentats

Des plus paisibles Etats

Troublent l'heureuse harmonie.

Sa fureur, de sang avide,
Poursuit partout l'innocent.
Rois, prenez soin de l'absent
Contre sa langue homicide.

De ce monstre si farouche
Craignez la feinte douceur :
La vengeance est dans son cœur,
Et la pitié dans sa bouche.

La fraude adroite et subtile
Sème de fleurs son chemin ;
Mais sur ses pas vient enfin
Le repentir inutile.

Racine. 1689

X

ODE TIRÉE DU CANTIQUE D'EZECHIAS

Ésaïe, chapitre xxxviii.

J'ai vu mes tristes journées
Décliner vers leur penchant ;
Au midi de mes années
Je touchais à mon couchant :
La mort, déployant ses ailes,
Couvrait d'ombres éternelles
La clarté dont je jouis;
Et, dans cette nuit funeste,
Je cherchais en vain le reste
De mes jours évanouis.

Grand Dieu, votre main réclame Les dons que j'en ai reçus ; Elle vient couper la trame Des jours qu'elle m'a tissus : Mon dernier soleil se lève : Et votre souffle m'enlève De la terre des vivants, Comme la feuille séchée, Qui, de sa tige arrachée, Devient le jouet des vents.

Comme un lion plein de rage
Le mal a brisé mes os :

Le tombeau m'ouvre un passage
Dans ses lugubres cachots.
Victime faible et tremblante,
À cette image sanglante
Je soupire nuit et jour,
Et, dans ma crainte mortelle,
Je suis comme l'hirondelle
Sous les griffes du vautour.

Ainsi, de cris et d'alarmes
Mon mal semblait se nourrir ;
Et mes yeux, noyés de larmes,
Étaient lassés de s'ouvrir.

Je disais à la nuit sombre :
O nuit, tu vas dans ton ombre
M'ensevelir pour toujours!
Je redisais à l'aurore :

Le jour que tu fais éclore
Est le dernier de mes jours!

« PreviousContinue »