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4

Vous ne ruminez qu'hécatombes,
Fer, vengeance, nobles efforts,
Et vous soulèveriez leurs tombes,
Pour combattre... ceux qui sont morts.
Jeunes fous, courez aux frontières,
Les cannibales sont Anglais.

Quoi! vous craignez les étrivières !
Et vous n'en voulez qu'aux Français.

5

À tes patrouilles ils résistent,

Ils bravent le frein de la loi ;

Au sein des nuits leurs cris persistent

A souiller l'air autour de toi.

Ils se ceignent d'armes brillantes,
Et ces jeunes efféminés,

De notre jeunesse vaillante,
Menacent les bras mutilés.

6

De nos légions victorieuses
Pusillanimes déserteurs,
Quelles blessures glorieuses
Reçûtes-vous au champ d'honneur ?
Vous vous cachez loin des frontières,
Vous avez fui hors des combats.
Ah! du moins, respectez les mères
De nos intrépides soldats.

7

Ils se disent des patriotes,
Ces vils esclaves des tyrans ;
De leurs égaux fougueux despotes,
Du trône ils sont les partisans.
Le mensonge vit sur leur bouche,
Ils fondent sur lui leurs succès,
Et leur haine impie et farouche,
Brûle de perdre les Français,

8

Vainqueurs du Germain, de l'Ibère,
Conquérants du Wall et du Rhin,
N'avez-vous bravé le tonnerre,
Enduré la glace et la faim,
Que pour voir au sein de la gloire,
Changer vos lauriers en cyprès ?
Ou faudra-t-il que la victoire,
Vous livre encore des Français !

9

N'insultez pas, par votre faste,
Aux maux que vous nous avez faits,
Et d'une méprisable caste,

Ne répétez pas les excès.
N'insultez pas à la patrie,
Aux héros morts pour son salut,
A ceux que la rage ennemie

A blessés, mais n'a pas vaincus.

ΤΟ

O des boudoirs bande insolente,
De débauchés impur amas,
Troupe avilie et fainéante,
Tremblez de voir armer nos bras.
Ne rappelez pas de vos pères
Les trop criminels attentats :
Le peuple arrête sa colère,
Ne l'appelez pas aux combats.

II

Législateurs d'un peuple libre,
Renversez ces audacieux.
Ils veulent rompre l'équilibre
Que la loi fait peser sur eux.
Votre serment est d'être justes,
De maintenir l'égalité,

Et les nôtres, non moins augustes,

De mourir pour la liberté.

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LA GAMELLE PATRIOTIQUE

Savez-vous pourquoi, mes amis,
Nous sommes tous si rejouis?
C'est qu'un repas n'est bon
Qu'apprêté sans façon :

Mangeons à la gamelle,

Vive le son,

Mangeons à la gamelle,

Vive le son du chaudron.

Nous faisons fi des bons repas,

On y veut rire, on ne peut pas.
Le mets le plus friand,
Dans un vase brillant,

Ne vaut pas la gamelle.
Vive le son, etc.

Point de froideur, point de hauteur,
L'aménité fait le bonheur ;

Non, sans fraternité,
Il n'est point de gaîté.
Mangeons à la gamelle,
Vive le son, etc.

Vous qui bâillez dans vos palais
Où le plaisir n'entra jamais,
Pour vivre sans souci,

Il faut venir ici,

Manger à la gamelle.

Vive le son, etc.

On s'affaiblit dans le repos,

Quand on travaille on est dispos.
Que nous sert un grand cœur,
Sans la mâle vigueur

Qu'on gagne à la gamelle.
Vive le son, etc.

Savez-vous pourquoi les Romains
Ont subjugué tous les humains?
Amis, n'en doutez pas,
C'est que ces fiers soldats
Mangeaient à la gamelle.
Vive le son, etc.

Bientôt les brigands couronnés, Mourants de faim, proscrits, bernés, Vont envier l'état

Du plus pauvre soldat

Qui mange à la gamelle.
Vive le son, etc.

Ces Carthaginois si lurons
A Capoue ont fait les capons.
S'ils ont été vaincus

C'est qu'ils ne daignaient plus
Manger à la gamelle.

Vive le son, etc.

Ah! s'ils avaient le sens commun,
Tous les peuples n'en feraient qu'un :
Loin de s'entr'égorger,

Ils viendraient tous manger
À la même gamelle.

Vive le son, etc.

Amis, terminons ces couplets

Par le serment des bons Français.
Jurons, tous mes amis,

D'être toujours unis.

Vive la république !

Vive le son,

Vive la république !

Vive le son du canon!

Despréaux. 1794

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