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die, le 1. de Mai 1671. Il fut destiné d'abord à la Tannerie, mêtier que la Famille de fon Père exerçoit depuis longtems; mais entraîné par fon penchant, il donnoit à la lecture tout le tems, qu'il pouvoit dérober à fon travail manuel; &, le hafard l'aïant pourvu d'un Rudiment, il l'eut bientôt appris par cœur; &, fans autre fecours, il fut parfaitement les premiers Elémens de la Langue Latine, Au commencement de 1685. Dom CHARLES DE SAINT-LE'GER, fon Oncle Maternel, Religieux Bénédictin de l'Abbaïe de Corbie, vint à Montdidier, & fut furpris des progrès de fon Neveu. Quoiqu'au fond ils fussent affés peu confidérables, il les regarda comme une forte de vo. cation particulière, & força fon Beau-Frère à faire quitter la Tannerie à ce jeune Homme, pour l'envoïer au Collège de Montdidier, où des Bénédictins enfeignoient alors le Latin aux Enfans de la Ville. Pendant les dix-huit mois qu'il étudia fous eux, il s'avifa, par une opération de l'efprit, qu'il a toujours depuis regardée lui-même comme prématurée, de comparer la Grammaire Grecque avec la Latine, & fentit combien il eft néceffaire de ne point féparer ces deux Langues, pour acquérir une parfaite intelligence de la feconde. Dans la fuite elles ont toujours êté fon étude principale; & c'eft par la comparaison perpétuelle de l'une & de l'autre, qu'il s'êtoit mis en êtat de ne trouver dans les Auteurs Latins aucune difficulté, qui le pût arrêter. Au mois d'Octobre 1686. il alla continuer fes Etudes au College d'Amiens chés les Jéfuites. Il y paffa deux ans fous le P, Longuemare, qui le volant fe diftinguer des autres Ecoliers par l'avidité d'apprendre & la continuité de l'applica tion, voulut bien lui donner des heures particulières, pour le fortifier dans la connoiffance du Grec.

Ses Humanités êtant achevées, il vint en 1688, à Paris au Séminaire des Trente-Trois. C'eft dans cette Ecole, où fe font formés tant de Gens Savans & d'excellens Eccléfiaftiques, qu'il fit fon Cours de Philofophie, & fes trois années de Théologie. L'étude de ces Sciences lui fervit à fe perfectionner dans fes deux Langues favorites, par la loi, qu'il s'êtoit imposée, d'aller, à mesure qu'il étudioit une matière, chercher dans les anciens Philofophes Grecs ou Latins, & dans les Pères de l'Eglife, ce qu'ils pouvoient avoir dit fur le même fujet. Il fortit des Trente Trois en 1693. & s'alla loger au College de l'Ave-Maria. · L'étude des Langues Orientales y faifoit fon occupation, lorf. qu'en 1694. M. Feydeau de Broue fon Evêque, le fit aller à la Communauté de S. George d'Abbeville, pour en aider les Ecclé haftiques dans l'Etude de la Langue Grecque. Il l'envoïa l'année fuivante, 1695. à celle de S. Valois de Monftreuil fur Mer, pour enfeigner les Humanités & la Philofophie. M. CAPPERONNIER n'y refta qu'un an. L'air de la Mer & le travail exceffif,

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auquel fon emploi l'engageoit, parce qu'il n'avoit pas voulu renoncer à fes Etudes ordinaires, nuifirent à fa fanté. C'eft ce qui l'obligea de revenir à Paris au mois de Septembre 1696.

Il y paffa Maître-ès-Arts, & fe mit Précepteur chés un Particulier, dont il falloit conduire le Fils au Collége. Il ne put s'accommoder d'un genre de vie, qui faifoit une trop forte diverfion à fes études. 11 aima mieux fe contenter du néceffaire le plus étroit; &, quelques Répétitions pouvant le lui fournir, dès le mois de Mai 1697. il prit un logement au Collège du Cardinal Le Moine. La même année il foutint fa Tentative, & fut reçu Bachelier en Théologie. Il entra peu de jours après au Séminaire de S. Nicolas du Chardonnet; & l'année fuivante (1698.) en fortant de ce Séminaire, il alla prendre les Ordres à Amiens; refta quelques mois à Montdidier, & revint à Paris demeurer au College d'Ainville. Il y fit fa Licence, dans laquelle il eut l'honneur d'être fur les Bancs avec M. le Cardinal DE ROHAN & feu M. l'Abbé DE LOUVOIS, qui l'un & l'autre l'ont toujours honoré de leur protection, & de toutes fortes de marques de bienveillance. Feu M. le Cardinal DE POLIGNAC avoit auffi pour lui des bontés toutes particulières; & je fuis témoin, que dans quelques occafions il en a, fur fa fimple demande, obtenu des graces pour des Perfonnes, auxquelles il s'intérefloit.

Des Répétitions de Grec en fort petit nombre, une Chapelle d'un revenu très-modique dans l'Eglife de S. André des Arts, & beaucoup de fobriété, lui faifoient trouver abondamment une fubfiftance telle qu'il la lui falloit ; & lui fournirent de quoi fuffire aux frais de fa Licence, & fe donner les Livres, dont il ne pouvoit abfolument fe paffer. Sa Famille, qui devoir bientôt avoir befoin de fes fecours, n'êtoit pas en êtat de l'aider. Il avoit alors pour Ecolier M. COLLESSON, Profeffeur en Droit qui, devenu fon Ami particulier, voulut entrer dans le détail de fa fituation ; & qui, fouffrant de ne lui point voir d'autres reffources, que celle d'un travail très-pénible, le pria d'accepter fa Table avec un Logement chés lui. M. CAPPERONNIER êtoit timide; il aimoit la folitude, & fur-tout il craignoit d'ê. tre incommode. Ce font des qualités, qu'il a confervées le refte de fa vie. Quelque avantageufes que fuflent les offres, qu'on lui faifoit, il ne les eût pas fans doute acceptées, fi des Amis communs ne l'euffent comme forcé de cèder aux inftances réitérées de M. COLLESSON, chés lequel il alla s'établir le 26. Décembre de l'année 1700.

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Dès le commencement de la fuivante, n'aïant plus à voir qu'à fon entretien, il n'eut rien de plus preffé que de fe démettre du feul Bénéfice, qu'il ait jamais eu, je veux dire, de fa Chapelle de S. André des Arts. Les Charges, qu'il falloit faire acquitter, l'Entretien & les petites Réparations auxquelles

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il falloit pourvoir, lui demandoient des foins; & ces foins lui prenoient un tems, dont il regretoit la perte. Son défintéreffement toucha ceux qui l'avoient obligé de confentir à ce que M. COLLESSON defiroit; & lorfqu'en 1706. M. VIEL, alors Profeffeur de Seconde au Collège du Pieffis, fut pour la première fois Recteur de l'Univerfité, dont M. POUR CHOT êtoit Sindic, ces deux Meffieurs unirent leur crédit à celui que M. BILLET, Profeffeur de Rhétorique au Pleffis, avoit, comme ancien Recseur, pour faire créer à M. CAPPERONNIER une Penfion fur les revenus de la Faculté des Arts, à condition, qu'il veilleroit à la correction des Livres Grecs néceffaires pour les Claffes. Il en témoigna fa reconnoiffance par un petit Poëme Grec, qu'il fit imprimer avec la Traduction, que M. BILLET en fit en Vers Latins. Il a pour titre dans la Traduction : Illuftriffima ACADE MIE PARISIENSI Francorum Regum primogenita Filia, & Literatorum Matri ac Nutrici; atque ampliffimo ejufdem Rectori PETRO VIEL, Gratiarum Adio. M. CAPPERONNIER a fait dans ces tems là plufieurs Pièces en Vers Grecs, que je ne connois point, & dont je me fouviens d'avoir entendu parler avec éloge, lorfque j'êtois au Collége, Il a toujours eu beaucoup de facilité pour écrire en ce genre, quoiqu'il en ait fait très-peu d'ufage; & l'année même, qui précèda fa mort, en fe promenant dans le Jardin de M. DU CHATEL, l'aîné de fes Elèves, chés lequel il logeoit depuis la mort de Madame CROZAT, il mit fur le champ une Epigramme de MARTIAL en Vers Grecs, que l'on a trouvés bien tournés.

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Il demeura dix ans & trois mois chés M. COLLESSON. Pendant ce tems, débaraffé de la pénible inquiétude d'affurer fa fubfiftance fur fon travail, il entreprit de nouvelles Etudes. Obligé de lire avec M. COLLESSON tout ce qui fe trouvoit dans les Auteurs Grecs avoir quelque rapport à la Jurifprudence, il voulut s'inftruire pour lui-même de ce qui fait les fondemens de l'un & de l'autre Droit. Il joignit à cette étude celle de tout ce qui nous refte de l'Antiquité, fur les différentes Sciences & les différens Arts. Il étoit perfuadé que, pour bien entendre les Langues Anciennes, pour les pofféder en un mot il falloit en avoir lu tous les Livres, de quelque matière qu'ils puffent traiter. Ce fut encore durant le même tems, qu'il prit connoiffance de ce que les Bibliothèques de Paris ont de Manufcrits Grecs. Celle du Roi principalement, & celle de M. Colbert lui furent ouvertes ; & pendant quelques années, il y fit les Collations des Manufcrit's les plus précieux. Il n'en eft resté qu'une dans fes Papiers. C'est celle de deux Manufcrits de PLATON, qui font à la Bibliothèque du Roi. Cette Collation contient beaucoup de Variantes, dont quelquesunes font très-importantes, & fervent à faire entendre des Paffages de cet Auteur, qui font inintelligibles, même dans l'Edition

de JEAN DE SERRES. Tout ce qu'il avoit d'ailleurs en ce genre, ne s'eft point trouvé dans fon Cabinet, parce qu'il étoit l'Homme du monde le plus communicatif, & qui fe dépouilloit le plus volontiers de fes Collections en faveur de ceux qui pou voient en faire ufage.

Dom BERNARD DE MONTFAUCON & M. BAUDELOT D'AIRVAL, de l'Académie des Infcriptions & Belles-Lettres, m'ont dit l'un & l'autre plus d'une fois, qu'ils devoient beaucoup à fes lumières; & que, dans la compofition de leurs Ouvrages, il les avoit fouvent aidés de matériaux échapés à leurs recherches. J'ai fu d'ailleurs, que le célèbre M. KUSTER, qui s'êtoit chargé de travailler fur le Tréfor de la Langue Grecque d'HENRI ESTIENNE, à condition que M. CAPPERONNIER l'aideroit, tenoit de lui le même langage. Le P. DE TOURNEMINE, cet illuftre Jéfuite, fi connu par fon amour pour les Lettres & pour ceux qui les cultivoient, n'a prefque pas laiffé paffer une feule des fréquentes, vifites que je lui rendois pendant les premières années de ma jeuneffe, fans me parler de l'eftime particulière, qu'il avoit pour M. CAPPERONNIER, & des grands fecours, je me fers de fes propres termes, qu'il en avoit tirés dans bien des occafions. C'eft de lui que j'ai fu d'abord, qu'en 170. il avoit entrepris, conjointement avec M. DUPIN & M. CAPPERONNIER, une Edition de la Bibliothèque & des autres Ouvrages de PHOTIUS. M. DUPIN s'êtoit chargé de la direction principale de cette Edition; le P. DE TOURNEMINE compofoit la plus grande partie des Notes, & M. CAPPERONNIER faifoit une nouvelle Verfion des Ouvrages déja traduits & devoit traduire ceux qui ne l'avoient pas encore êté. On commençoit d'imprimer; il y avoit même déja cinquante feuilles de tirées, lorfqu'une affaire malheureufe, qui fit perdre à M. DUPIN fa Chaire de Profeffeur Roial, & qui le fit exiler à Châtellerault, fufpendit l'Impreffion. Elle ne fut pas continuée depuis, parce qu'au retour de fon exil, M. DUPIN s'engagea dans une fuite d'Ouvrages, qui ne lui permirent plus de penfer à ce travail; & que, pendant fon abfence, le P. DE TOURNEMINE s'êtoit fait d'autres occupations, qu'il ne pouvoit abandonner. M. CAPPERONNIER lui-même m'a confirmé tout ce récit. J'ajouterai, comme le fachant par moi-même, que le Savant Íéfuite & lui, n'ont jamais perdu de vue ce projet. Le premier m'a fait voir quelques Cahiers écrits de fa main, & contenant les Collections qu'il avoit faites pour fes Notes fur PHOTIUS; & pendant trois ans de fuite, j'ai vu le fecond faire de cet Auteur fa principale étude. Il en collationna les différentes Editions avec les Manufcrits, qui fe trouvoient à Paris. Il en fit copier ce qui n'eft point dans les Imprimés ; & M. le Cardinal DE ROHAN eut même la bonté, dans un de fes Voïages de Rome, d'em

ploïer fon crédit à faire tranfcrire au Vatican deux Manufcrits de PHOTIUS, dont on n'avoit point de Copies en France. Tous ces préparatifs n'ont êté fuivis d'aucune exécution, par la mauvaife volonté d'un Officier de la Bibliothèque Impériale de Vienne, où font deux Ouvrages de PHOTIUS, inconnus au Public, & qui n'exiftent nulle part ailleurs. Le P. DE TOURNEMINE avoit du crédit dans cette Cour, & l'Empereur CHARLES VI, lui-même l'honoroit d'une considération particulière : mais ce Père eut beau faire agir fon crédit, il ne put jamais obtenir une Copie des deux Manufcrits. Celui qui les avoit en fa garde, répondit toujours, qu'il travailloit deflus; qu'il les feroit imprimer inceffamment, & qu'on pourroit enfuite en faire l'ufage, que l'on voudroit. Ces deux Ouvrages font encore à voir le jour; & le P. DE TOURNEMINE & M. CAPPERONNIER font morts l'un après l'autre, en les attendant toujours pour se remettre à leur Edition de PHOTIUS.

Je ne dois pas aller plus loin fans dire " qu'en 1704. M. CAPPERONNIER eut l'honneur de comter M. BOSSUET au nombre de fes Ecoliers pour le Grec. Ce favant Evêque, projetant apparament quelque Ouvrage, pour lequel la parfaite connoiffance des Pères & des Conciles Grecs lui devenoit néceflaire, voulut fe mettre à les lire de fuite dans leur Langue originale. Comme il n'avoit jamais fait d'étude particulière de cette Langue, il fit choix de M. CAPPERONNIER pour lui lever les difficultés, qui pourroient l'arrêter dans l'immenfe lecture, qu'il entreprenoit. Pendant quelques mois que M. CAPPERONNIER eut part à cette lecture, il eut le plaifir de contempler & d'admirer de près toute l'étendue des lumières de ce grand Génie: mais la Mort vint bientôt interrompre le cours d'une fi glorieufe occupation: & le 12. Avril de cette même année, elle priva 1 Eglife de France de fon plus grand ornement, & M. CAPPE RONNIER d'un illuftre Difciple, dont la protection n'eût pas permis, que fes talens fudent inutiles au Public auffi longtems qu'ils l'ont êté. M. BOSSUET n'eft pas le feul Prélat, auquel il ait eu l'honneur de donner des leçons. Dans la fuite, & depuis qu'il fut Profeffeur Roïal, un Evêque refpectable par fes vertus, fe répentant dans un âge avancé, d'avoir négligé la Langue Grecque, qu'il avoit affés bien fue dans fa jeuneffe, voulut s'y remettre, & durant deux Hivers confécutifs que fes affaires l'obligèrent de paffer à Paris, il fe réserva toutes les femaines quelques jours, pour travailler une couple d'heures avec M. CAPPERONNIER, qu'il envoïoit chercher dans fon Caroffe & que même il venoit quelquefois trouver dans fon Cabinet, pour lui faire perdre moins de tems.

M. CAPPERONNIER demeuroit encore chés M. COLLESSON, lorfque l'Univerfité de Bâle (je ne puis pas me rappeller en

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