Page images
PDF
EPUB

quelle année), voulant rétablir chés elle l'Etude du Grec tombée depuis longtems, lui fit offrir, par l'entremise de M. BOIVIN le Cadet, une Chaire de Profeffeur Extraordinaire, avec des honoraires confidérables, non feulement pour tout le tems qu'il feroir en êtat d'enfeigner, mais encore pour toute fa vie Le Magiftrat s'engageoit en même tems, ainfi qu'on avoit fait autrefois à Leide pour le fameux JUSTE LIPSE, à lui laiffer une entière liberté de confcience. Ses Amis, & M. BOIVIN en particulier, qui craignoient de le perdre pour toujours, fe contentèrent de lui faire envisager tout ce que ces offies avoient d'avantageux, & ne le prefsèrent pas beaucoup de les accepter. Lui même ne put s'y réfoudre. Il aimoit la France, & Paris en particulier. Il m'a dit encore une autre raifon de fon refus; c'eft qu'il n'avoit jamais pu fe perfuader qu'il fût convenable, qu'un Eccléfiaftique engagé dans les Ordres facrés, qu'un Membre d'une Faculté Catholique de Théologie, allât, dans la vue d'être un peu plus à fon aife, fe priver pour toute la vie, ou du moins pour très-long tems, de la confolation de partager avec les Fidèles les Exercices publics de fa Religion.

Sa fortune cependant n'êtoit pas brillante à Paris. Elle êtoit bornée aux quatre cens livres de Penfion, qu'il avoit de l'Univerfité. Le dérangement, qu'un incendie & d'autres malheurs avoient caufé dans les Affaires de fa Famille, l'avoient obligé

,

d'y joindre le produit de quelques Répétitions , pour être en état d'envoïer de tems en tems de l'argent à Montdidier. Telle êtoit fa fituation, lorfqu'à la fin de 1710. M. PONTON Fermier Général, auquel il avoit enfeigné le Grec, & que ceux qui l'ont connu, favent avoir êté plus recommandable par les qualités du Cœur & de l'Efprit, que par de grandes richeffes, lui propofa de fe charger de l'Education des trois Fils de M. CROZAT La chose êtoit déja faite de la part des Parens. La confiance, qu'ils avoient en M. PONTON leur Ami particulier, les avoit décidés: mais l'embaras fut de déterminer M. CAPPERONNIER à ne pas refufer ce pofte. On avoit en vain effaïé plus d'une fois de lui faire prendre une Chaire dans l'Univerfité. L'occupation, qu'on lui propofoit, demandoit & plus de peine & plus de tems. La peine le touchoit peu. L'objet du tems êtoit ce qui l'arrêtoit; & d'ailleurs il avoit une forte de répugnance à fe tranfplanter tout-à-coup dans le plus grand monde; lui, qui jufqu'alors n'avoit vécu qu'avec fes Livres. Il fallut que tous fes Amis fe mêlaflent de cette affaire; & plus de deux mois fe pafsèrent fans qu'il pût fe réfoudre. M. COLLESSON, qui le connoiffoit plus à fonds que les autres, le prit eufin par fon endroit fenfible. Il lui fit envifager dans l'occa fion, qui fe préfenroit, des moïens furs d'être plus utile à fa Famille, qu'il n'avoit pu l'être jufqu'alors. Il fe rendit à cette

raifon ; &, fans s'informer même des Conditions, qu'on lui vouloit faire, il alla le 2. de Février 1711. prendre poffeffion de fon nouvel emploi. Six mois après M. & Madame de CROZAT lui témoignèrent le contentement, qu'ils avoient de fes foins & de fon application pour fes Elèves, par un Contrat de cent Pistoles de rente, dont il a joui jufqu'à fa mort. A peine cette Penfion lui fut-elle affurée, qu'il remit à la Faculté des Arts celle qu'il tenoit de fa libéralité. L'Education, qu'il avoit à faire, n'êtoit pas un petit Ouvrage. Les trois Frères êtoient d'un caractère d'efprit abfolument différent ; & M. CAPPERONNIER, perfuadé, comme le font tous ceux qui favent ce que c'eft, qu'il n'y a point de Méthode générale; & que c'est par la connoiffance des Sujets même, que l'on entreprend de former, qu'il faut fe prefcrire celle que l'on doit fuivre, fut obligé de conduire fes trois Elèves au même but par trois routes différentes. L'eftime & l'amitié tendre, dont ils ont depuis païé fes foins, font l'éloge & de la folidité de leur éducation & de la bonté de leur cœur.

[ocr errors]
[ocr errors]

Dès qu'il fut déchargé de ce travail, il ne fongea qu'à fe redonner tout entier à fes Etudes, qu'il n'avoit point difcontinuées. Il êtoit tems pour lui, me difoit-il alors frui partis; & c'êtoit pour commencer à recueillir le fruit de fes travaux, qu'il s'occupoit à mettre en ordre fes différentes Obfervations Philologiques, lorfqu'à la fin de Septembre 1722. il reçut à Tugny, Terre de M. CROZAT en Champagne, la nouvelle de la mort de M. l'Abbé MASSIEU, Profeffeur Roïal en Langue Grecque. La place de Profeffeur Roial êtoit l'unique objet de fon ambition. Depuis qu'il êtoit en êtat de la remplir, il l'avoit, en concurrence & du confentement de M. BOIVIN fon Ami, demandée toutes les fois qu'elle avoit êté vacante; & s'êtoit confolé de ne l'avoir pas obtenue, en voïant qu'on lui préféroit des gens habiles. S'il la devoit manquer encore il êtoit dans la réfolution de ne s'en pas affliger, en confidérant qu'un Homme du mérite de M. BoIVIN, avoit demandé fept fois cette Place inutilement, & ne l'avoit obtenue que la huitième. Comme la Cour alors êtoit à Rheims pour le Sacre du Roi, M. CAPPERONNIER s'y rendit. Ses Protecteurs le préfentèrent au Cardinal Du Bois, & M. le Cardinal DE ROHAN lui fit l'honneur d'appuier fa demande. Le Miniftre le reçut fort bien; lui donna bonne efpérance, & le remit au retour du Sacre, pour terminer l'affaire à Verfailles. Peu s'en fallur que M. CAPPERONNIER n'échouât encore. La Place êtoit demandée par quelqu'un, dont le plus grand mérite, peut-être, êtoit d'être protégé par un Ami particulier du Cardinal Miniftre; & qui, pour le débaraffer d'un Concurrent auffi redoutable pour lui, que M. CAPPERONNIER le devoit être, avoit

fait entendre à fon Protecteur, que c'êtoit un Vieillard ufé par l'Etude, & devenu, par fes infirmités, incapable de fatisfaire aux devoirs d'un Profeffeur Roial. Ce faux expofé ne laiffoit pas d'avoir fait quelque impreffion; mais comme M. CAPPERONNIER n'avoit alors que 51. ans, & qu'il jouiffoit d'une fanté, que deux grandes maladies, effuïées les deux années précèdentes, avoient pluftôt renouvellée qu'affoiblie, il ne fut pas difficile de défabufer le Cardinal, qui fe reffouvint d'ailleurs, que dès le mois de Septembre 1721. tems, où l'on commençoit à croire, que l'Abbé MASSIEU n'iroit pas loin, il avoit promis de s'emploïer à faire donner fa place à M. CAPPERONNIER. Sa promeffe avoit êté l'effet d'un Mémoire affés confidérable, que ce dernier avoit fait à la Campagne, fans Livres, & par le fecours feul de fa Mémoire, fur une matière utile & curieufe, dont il ne paroiffoit pas devoir être fort inftruit. Circonftances, qui firent que le Cardinal Du Bois, en lifant ce Mémoire, n'en fut pas moins furpris que fatisfait. Pendant que M. CAPPERONNIER follicitoit la feule chofe, qu'il eût toujours defirée, je dus à la fituation, où je me trouvois, le bonheur de lui pouvoir, au gré de ma reconnoiffance, être de quelque utiliié. Je n'ai garde, en difant cela, de me vouloir mettre au niveau de fes puiffans Protecteurs: mais on fait que les Grands achèvent quelquefois de fe déterminer par un fentiment de bonté pour qui mérite le moins d'attention. C'eft un caprice du moment, & l'on auroit tort de s'en glorifier. M. CAPPERONNIER fut nommé Profeffeur Roïal le 22. Octobre 1722. & dans le courant du mois de Décembre fuivant, il en commença les fonctions par un Difcours fur l'Ufage & l'Excellence de la Langue Grecque, lequel, conforme au caractère de fon efprit, ne renfermoit que des penfées folides, exprimées dans un Stile fimple, mais élégant & relevé par la Latinité la plus pure.

Ce fut alors qu'il crut devoir abfolument commencer à faire part de fes travaux au Public. Il choifit QUINTILIEN, pour s'annoncer. Il avoit travaillé fur cet Auteur toute fa vie; & M. BURMANN venoit d'en donner une Edition, dont les Savans êtoient peu fatisfaits. Il fe mit donc à disposer la fienne. ANTOINE-URBAIN COUSTELIER S'offrir à l'imprimer. Une application affidue fit que ce grand Ouvrage fût en êtat de paroître en 1725. in-folio, fous ce titre; MARCI FABIT QUINCTILIANI de ORATORIA INSTITUTIONE Libri XII, Totum textum recognovit, pluribus in locis emendavit, felectas variorum Interpretum notas recenfuit, explanavit, caftigavit, novas, quibus difficiliora Quinctiliani loca & antiqua peterum Thecnologia explicatur, adjunxit CLAUDIUS CAPPERONNERIUS Mon-Defiderianus, Licen tiatus Theologus Parifienfis & Regius Græcarum Literarum Profeller. Il eut l'honneur de préfenter ce Livre au Roi. Son Epî,

tre dédicatoire à SA MAJESTE' n'a rien de brillant. Elle expofe avec une fimplicité naïve les fentimens d'un Sujet fidéle, qui s'offre pour la première fois aux ïeux de fon Souverain. Elle eft fuivie d'une Préface adreflée au Cardinal DE FLEURI. Ce travail fut récompenfé par le Roi d'une Penfion de 800. livres fur l'Archevêché de Sens; & le Cardinal Miniftre en envoïa lui-même à M. CAPPERONNIER le Brevet, accompagné d'une Lettre très-obligeante & très-flateufe écrite de fa main. Le QUINTILIEN, qui fut bien reçu de tous les Savans, jouit de la réputation d'un Livre excellent dans fon Genre, malgré les Critiques injurieufes & réitérées du bilieux M. BURMANN, auxquelles M. CAPPERONNIER répondit par quelques Lettres Latines avec toute la modération, qu'il fouhaitoit que l'on gardât dans les Difputes Littéraires. Il ne prit même aucune mefure pour rendre fes Lettres publiques ; & fe contenta d'en faire paffer des Copies jufqu'à M. BURMANN. Le favant M. FALCONNET eft dépofitaire des Originaux.

[ocr errors]

La mort de COUSTELIER arrivée pendant le cours de l'Impreffion du QUINTILIEN, eft caufe que M. CAPPERONNIER n'a rien donné depuis au Public. Il l'avoit trouvé le feul Imprimeur, qui pût lui convenir, le feul, qui marchant fur les pas des ESTIENNES, des PLANTINS, des ELZEVIRS & des VITRE'S, voulût bien fe confacrer principalement à des Livres utiles dans tous les tems, & qui n'avoit entrepris le QUINTILIEN, qu'à condition que M. CAPPERONNIER mettroit de fuite la dernière main à fes autres Ouvrages. Il les vouloit imprimer l'un après l'autre ; & je ne dis ici que ce qu'il m'en avoit dit lui-même.

Le QUINTILIEN n'eft pas la première chose par laquelle M. CAPPERONNIER fe foit fait connoître du Public. On favoit, que dans fa jeuneffe il avoit aidé M. BOIVIN dans fon Edition de NICEPHORE GREGORAS, & qu'il avoit traduit la Difpute de cet Ecrivain avec CABASILAS.

.

En 1719. il avoit fait imprimer chés le même COUSTELIER une Apologie de SOPHOCLE. C'est une Brochure in-8". dans laquelle il jultifie l'Edipe de ce Poëte contre M. DE VOLTAIRE, qui l'avoit cenfuré dans la troifième des Lettres Critiques, qu'il avoit fait imprimer à la fuite de la première Edition de fon Edipe.

En même-tems que le QUINTILIEN S'imprimoit, M. CAPPERONNIER, avoit mis en ordre le refte de fes travaux par rapport à la Rhétorique. Ce devoit être un Volume in folio, qu'il eût donné fous ce titre : ANTIQUI RHETORES LATINI è FRANCISCI PITHAI Bibliotheca olim editi; his nunc accedunt 1". MARTIANI CAPELLE de Nuptiis Philologiæ Liber V. qui de Rhetorica infcribitur. 2°. ISIDORI Etymologiarum Liber II. cui titulas de Rhetorica. 3°. Lexicon Rhetoricum de tropis & figna

ris. 4°. Gracus Hermogenianorum contextus qui nunc primum in lucem prodit ex tribus Regia Bibliotheca manufcriptis. Rhetorum contextus recognovit, pluribus in locis emendavit, allegata Poetarum & Oratorum loca diftinxit, indicavit, difficiliores loquendi formulas brevibus notis explicavit CLAUDIUS CAPPERON

NERIUS &c.

Les Rhéteurs Latins auroient êté fuivis d'une Edition complète de tous les Ouvrages de THEOPHILACTE, Patriarche des Bulgares, dont plufieurs auroient paru pour la première fois. M. CAPPERONNIER avoit fait copier tout ce qui s'en trouve en Manuferit dans différentes Bibliothèques. Il avoit mis le Texte en êtat, & raffemblé les matériaux de fes Notes. Il ne lui reftoit que la Traduction à faire; ce qu'il regardoit comme rien, parce qu'il fe propofoit de la dieter à mesure que l'on imprimeroit; mais par la raifon, que je viens de dire, il abandonna ce projet, comme bien d'autres ; & depuis il a difpofé de ce qu'il avoit de fait, en faveur d'un Bénédictin, qui travailloit fur cet Ecrivain Eccléfiaftique; enforte qu'il n'est resté dans son Cabinet que les Manufcrits de THE'OPHILACTE, qu'il avoit fait copier.

Il fe propofoit de donner enfuite fes Obfervations Philologiques, qui toutes réunies auroient formé plufieurs Volumes in4°. Il explique dans ces Obfervations une infinité de Paffages difficiles des Auteurs Grecs & Latins, & relève en même-tems un nombre prodigieux de fautes commifes par leurs plus célèbres Traducteurs. Un Portefeuille capable de faire lui feul un Volume confidérable, contient des Remarques critiques fur les Traductions de LONGIN par DESPRE'AUX, & de QUINTILIEN par l'Abbé GE'DOYN, & fur la Rhétorique du P. LAMY. Je m'êtois flaté de pouvoir enrichir cette Edition de toutes les Remarques fur LONGIN; mais depuis la mort de leur Auteur un évènement, dont j'ignore dans quels termes je devrois parler ne m'a pas permis d'en avoir communication. C'eft le chagrin d'avoir perdu l'efpérance d'offrir au Public un préfent fi confidérable, qui m'a fait entreprendre ce que j'ai fait fur LONGIN. J'ai voulu, ne pouvant mieux, donner du moins les petites Notes, que M. CAPPERONNIER avoit écrites à la marge de l'Edition de TOLLIUS, & qui font comme les Efquiffes de fes grandes Remarques. Je n'êtois pas en êtat de fuppléer ce qui doit confirmer ces petites Notes. Je l'ai remplacé par des conjeatures, qui ne peuvent fervir qu'à faire regrèter d'avantage ce que je n'ai pas pu donner.

[ocr errors]

Un autre Portefeuille, qui feroit fans peine un Volume in4°. contient encore, fous le titre de Lectiones Synodica, des ObJervations du même genre fur le Texte & les Traductions Lay tines des Conciles Grecs.

« PreviousContinue »