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CIII. Parmi les perfonnes, en qui il reconnoiffoit un efprit fupérieur, il citoit (149) M. le Prince de Conti mort en 1709. M. le Marquis de Termes ; feu (150) M. Boffuet Evêque de Meaux, (151) le P. Bourdaloue, (152) l'Abbé de Châteauneuf, & M. Dagueffeau; alors Procureur Général, aujour

d'hui Chancelier.

CIV. Malgré le penchant,que M. Defpréaux avoit pour la Satire, il n'a jamais manqué à louer tout ce qui êtoit vraiment loüable. Lorsqu'on lui faifoit quelque lecture, où il rencontroit des traits; la fatisfaction, qu'il en reffentoit, éclatoit dans fes ïeux & dans fes difcours: mais auffi n'êtoit-il pas maître de fe contenir, quand il trouvoit quelque chose de choquant dans un Ouvrage. Je l'ai vu fe lever brufquement de fon fiége au récit, que nous fit (153) l'Abbé de Villiers, d'une petite pièce de Vers,

REMARQUES.

(+49) M. le Prince de Conti] FRANÇOIS-LOUIS de Bourbon. Prince de la Roche-fur-Yon, enfuite Prince de Conti, Fils puine d'Armand de Bourbon, Prince de Conti, & ďAnne-Marie. Martinozzi, Nièce du Cardinal Mazarin, naquit le 30. Avril 1664 & mourut le 22. Février 1709.

(ISO) M. Bonet] Voïés, Tome I. p. 145. PREFACE pour les trois dernières Epitres, REM. 3.

(151) le P. Bourdaloue,] Voïés, Tome I. p. 187. Sat. X. Vers 346. Rem.

(152) l'Abbé de Châteauneuf,] C'eft l'Auteur du Dialogue fur la Mufique des Anciens, imprimé la première fois à Paris en 1725.

in-12.

(153) l'Abbé de Villiers, ] PIERRE de Villiers fortit de l'Ordre des Jéfuites, pour entrer dans celui de Clugni, & fut Prieur de Taurin. Sa démarche, qui fit beaucoup de bruit, ne diminua tien de l'eftime, qu'il s'êtoit acquife. Il fe fit une réputation par fes Sermons & par fes Ecrits, parmi lesquelles fon Poëme de ‚Ï'Art de prêcher eft celui qui le fit le plus connoître. Il y a dans toutes les Poeftes, qui font en affés grand nombre, beaucoup de bonnes chofes, & même quelques-unes d'excellentes. Le refte de fes Ouvrages mérite de l'eftime, quoiqu'ils foient la plupart un peu trop fuperficiels, & que l'Auteur y paroiffe plus occupé du foin d'être ingénieux que de celui d'être folide. I êtoit né l'an 1649. ou 1650, à Cognac en Saintonge, & mourut à Paris

où s'êtoit gliffé le terme de mauvais vent:« Ah! Monfieur, s'écria-t-il, voilà qui mettra en mauvaife > odeur tout vôtre Ouvrages. Il avoit coutume d'appeller cet Abbé, Auteur de l'ART DE PRE CHER, le Matamore de Clugni, parce qu'il avoit l'air audacieux & la parole impérieufe.

CV. Un jour que j'allois voir M. Despréaux, je le trouvai prêt à monter en Carrofle: « Je vais > me dit-il, diner avec des gens qui ont toujours la » bouche coufuë pour louer. Vous n'aurés pas de ,,, peine à croire que ce font (154) l'Abbé Renau

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dot, M. Dacier & fa Femme. En effet ce cou,,ple favant s'imagine que les louanges n'ont êté faites que pour lui. Je leur dis quelquefois en riant: Hé par charité, ne prenés pas tout pour vous; fouffrés que les autres aient du mérite; allés, croïés-moi, le Parnaffe eft affés grand, il y ,,a de la place pour tout le monde. EST LOCUS UNI

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,, CUIQUE Suus,,.

CVI. Je demandois à M. Defpréaux ce qu'il penfoit de Thomas Corneille, Frère du fameux Poëte de ce nom. (155) "C'eft un Homme, difoit-il, ,, emporté de l'enthousiasme d'autrui, & qui n'a jamais pu rien faire de raisonnable: Vous diriés ,, qu'il ne s'eft étudié qu'à copier les défauts de fon Frère, Decipit exemplar vitiis imitabile. J'ai vu re

"

"

REMARQUES.

le 14. d'Octobre 1728. âgé d'environ 80. ans. Il avoit une grande netteté dans l'efprit; & fon Stile, foit en Profe, foit en Vers, eft d'une grande fimplicité. Mais cette fimplicité même dégénère quelquefois en défaut. On remarque en bien des endroits, que l'Auteur l'affectoit; & l'on ne devoit pas dire dans le Morers, que l'Abbé de Villiers êtoit Ennemi de toute affectation.

(154) l'Abbé Renaudot,] Voïés, Tome I. pag. 425. Epit. XII. Vers 1. Rem.

(15) C'eft un Homme, &c.] Voïés dans les Additions au Bolaala Lettre de M. de Fontenelle. Il y répond très-bien à ce que M. Despréaux dit d'outré dans cet Article.

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préfenter fon Comte d'Effex, & le Parterre faire de » grands brouhahas fur ce Vers qui a un fens louche, & qui eft une espèce de galimatias. On vient dire ,, au Comte d'Effex qu'il court rifque d'être con,, damné, quoiqu'innocent, & que toute fon in,,nocence ne l'empêchera pas de laiffer fa tête fur l'échaffaut. Or voici la réponse du Comte:

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,, Le crime fait la honte, & non pas l'échaffaut.

,, On voit bien qu'il a eu en vue ce paffage de TER,, TULLIEN, martyrem facit caufa, non pæna. Mais ce paffage eft-il rendu de manière à être entendu des Hommes? En voici un autre de fon Ariane ,, qui n'eft que trop intelligible. Thefée dégouté d'Ariane en conte à Phédre fa Sœur, & lui propofe de l'enlever. Phédre, après quelques foibles réfiftances, fe rend aux empreffemens de Thefée, en lui remontrant toutefois que fon enlevement va mettre le poignard dans le cœur de fa chère Sœur. Or c'eft ainfi qu'elle s'exprime :

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Je la tuë; & c'eft vous qui me le faites faire.

Voilà, difoit-il, qui donne beau jeu à tous les plai,, fans du Parterre,,. Ah! pauvre THOMAS, Continuoit M. DESPRE AUX, tes Vers comparés avec ceux de ton` Frère aîné font bien voir que tu n'es qu'un CADET DE NORMANDIE.

CVII. M.Defpréaux n'a jamais prétendu(156)préférer Racine à Corneille. Il tenoit entr'eux la balance égale, jugeant de leurs Vers à peu près comme Juvenal a jugé de ceux d'Homère & de VIRGILE: Dubiam facientia carmina palmam. POLIEUCTE lui

REMARQUES.

(156) préférer Racine à Corneille. ] Voïés, Tome II, pp. 400. & 401. Epigr. XXIX, & XXX. La feconde de ces Epigrammes & ce que M. Broffette dit dans la Remarque fur le Vers 4. de la première, démentent formellement ce que M. de Lofme avance ici.

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paroiffoit le chef-d'œuvre du Grand Corneille. Il ne connoiffoit rien au deffus des trois premiers Actes des Horaces; il n'avoit point de termes affés forts pour exalter Cinna, à la réserve des Vers, qui ouvrent la Pièce, dont il avouoit s'être moqué (157) dans fon III. Chant de l'Art Poëtique. La raifon qu'il en donnoit, c'eft qu'ils ne fignifient rien, & fentent trop le Déclamateur. Il êtoit comme tranfporté d'admiration; lorfqu'il récitoit l'imprécation de la Reine Cléopatre à fon fils dans la dernière Scène de Rodogune. Tout ce que Corneille a fait de merveilleux êtoit parcouru du Satirique avec des profufions d'éloges; mais il ne convenoit pas que la Scène de Sertorius avec Pompée eût mérité d'être fi fort applaudie pleine d'efprit, fi vous voulés, mais n'étant pas dans la raison, ni dans la nature; outre qu'il n'y avoit point de comparaifon à faire entre Sertorius, vieux & très-expérimenté Capitaine; & Pompée, qui avoit à peine de la barbe au menton. Au refte il n'êtoit point du tout content de la Tragédie d'Othon, qui fe paffoit toute en raifonnemens, & où il n'y avoit point d'Action tragique. Corneille avoit affecté d'y faire parler trois Miniftres d'Etat, dans le tems,où Louis XIV. n'en avoit pas moins que Galba, c'eft-à-dire, MM. (158) Le Tellier, Colbert & (159) de Lionne. M. Despréaux ne fe cachoit point

REMARQUES.

(157) dans fon III. Chant de l'Art Poëtique.] Vers 29. & 13% Voiés-y les Remarques, Tome II. pag. 68. & 90.

(158) Le Tellier,] MICHEL Le Tellier, Fils de Michel Le Tellier, Confeiller de la Cour des Aides, & de Claude Chauvelin > naquit le 19. Avril 1603. Il fut d'abord Confeiller au Grand Confeil, enfuite Procureur du Roi au Châtelet de Paris en 1631. fept ans après Maître des Requêtes; en 1640. Intendant de l'Armée en Piémont en 1643. Secretaire d'Etat par Commiffion & depuis en titre, & bientôt après Miniftre d'Etat; enfin Chancelier & Garde des Sceaux en 1677. à l'âge de 74. ans. Il mourut le 28. Octobre 169r. dans fa 83. année,

(119) de Lionne.] HUGUES de Lionne, Marquis de Berni, Fils

d'avoir attaqué directement Othon dans ces quatre Vers de fon Art Poëtique.

(160) Vos froids raisonnemens ne feront qu'attiédir Un Spectateur toujours pareffeux d'applaudir, Et qui des vains efforts de vostre Rhétorique Juftement fatigué, s'endort, & vous critique. CVIII. Sur les remontrances de quelques connoiffeurs, M. Defpréaux changea ces deux Vers de fon Epitre VIII. où l'on lifoit:

(161) Le Parnaffe François non exempt de tous crimes, Offre encore à mes Vers des fujets & des rimes.

On lui fit entendre que le premier Vers êtoit durement exprimé, & que d'ailleurs il bornoit trop la miffion d'un Satirique, en la reftreignant à la cenfure des mauvais Auteurs. Pour y fubftituer deux nouveaux Vers, il en fit au moins quarante, & s'en tint à ces deux derniers, dont il paroiffoit fort con

tent:

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Sur fes nombreux défauts, merveilleux à décrire,
Le fiecle m'offre encor plus d'un bon mot à dire.

REMARQUES.

Artus de Lionne, Confeiller au Parlement de Grenoble, depuis Evêque de Gap, & d'Ifabelle Servien, Sœur d'Abel Servien, Miniftre d'Etat, & Surintendant des Finances, fur d'abord premier Commis de fon Oncle à l'âge de dix-huit ans, & donna dès-lors au Cardinal de Richelieu de très-grandes idées de fa capacité pour les Affaires. Dans la fuite il fut Secretaire des Commandemens de la Reine, emploïé dans plufieurs grandes Ambaffades, Miniftre & Secretaire d'Etat pour les Affaires Etrangères, & Grand Maître des Cérémonies des Ordres du Roi. Il mourut le 1. Septembre 1671. âgé de 60. ans.

(160) Vos froids raisonnemens &c.] Art Poët, Chant III. Vers 21. Rem. Tome II. pag. 67.

(161) Le Parnale François &c.] Voiés, Tome I. pag. 372. Epit. VIII. Vers 17. On y a fait ufage dans la Remarque de ce que M. de Lofme dit içi.

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