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LXVI. M. Defpreaux difoit que (115) M. Le Tellier Archevêque de Rheims, l'avoit une fois plus eftimé, depuis qu'il favoit qu'il étoit riche. M. Couftard lui répliqua, (116) "M. de Tonnerre

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seption." Celui à qui j'ai l'honneur de fuccèder, m'avoit infpiré ,, pour lui, & avoit conçu pour moi depuis trente ans, une ami,, tié fi pleine de confiance, que ni les Emplois différens, ni les ,, routes prefque oppofées, ni les longs voïages, ni les abfences fréquentes ne l'avoient jamais affoiblie un feul moment. Que ,, ne m'avoit-il point dit dans les épanchemens de fon cœur ,, pour me marquer fon empreflement à me voir fon Confrère ? , Par combien de reprises avoit-il tâté mon courage, pour tâcher de vaincre ma timidité; & combien de fois m'avoit-il répèté, ,, par je ne fais quel efprit de prophétie, & contre fa modeftie ,, ordinaire, qu'il m'ouvriroit un jour la porte de l'Académie ? Prophétie trop tôt accomplie ! Honneur aflés païé par la mort d'un tel Ami, dont nous regrettons aujourd'hui la perte, & dont je prévoís fans chagrin, que je ne vous confolerai jamais! Le libre aveu, que j'en fais, Meffieurs, ne flate pas moins ,, mon amitié, qu'il bleffe peu mon amour propre. Je ne m'é tendrai point fur les talens de feu M. l'Abbé Boilean. Ils lui ,, avoient acquis parmi vous & dans le monde une réputation, ,, qui vivra dans les fiècles les plus reculés. Je dirai feulement qu'une brillante Imagination accompagnée de fagefle, qu'une Eloquence foutenue d'érudition, & qu'une nobleffe d'Action animée par fon zèle & par les terribles Vérités de l'Evangile, avoient plus d'une fois fait pâlir ces prétendus Efprits forts, qui fe font un mérite de ne pas croire. Mais je ne puis me refufer la confolation de vous faire fouvenir, qu'il n'y eut jamais d'Ami plus officieux, plus attentif à ménager les occasions de faire ,, plaifir, plus ingénieux à les trouver, droit dans toutes fes vuës, religieux dans tous fes devoirs, & doué de moeurs fi douces & fi ,, pures, que la Cour & le Monde n'en avoient jamais altéré l'innocence & l'intégrité

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(11) M. Le Telier] CHARLES-MAURICE Le Tellier, Archevêque Duc de Rheims, premier Pair de France, Commandeur des Ordres du Roi, Docteur & Provifeur de Sorbonne, Confeiller d'Etat ordinaire, & Doïen des Confeils du Roi, né l'an 1642. & mort fubitement le 22. de Février 1710. dans fa 69. année. êtoit recommandable par la vafte étenduë de fes Connoiffances par fon attachement à la plus faine Doctrine, & par fon zèle à maintenir la Difcipline Eccléfiaftique. Il êtoit Fils du Chancelier Le Tellier, & Frère du Marquis de Louvois, Miniftre & Secretaire d'Etat.

(116) M. de Tonnerre] FRANÇOIS de Clermont Tonnerre, Evêque &Comte de Noïon, Pair de France, Commandeur des Ordros

,, Evêque de Noïon vous auroit auffi plus eftimé, ,, s'il vous eût crû Gentilhomme » F'avois, répondit M. DESPRE AUX, de quoi les contenter tous deux.

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LXVII. Il y avoit dans (117) Sarrazin, difoit M. Defpréaux, la matière d'un excellent Efprit, mais la forme n'y êtoit pas. Il louoit fort deux Vers de ce Poëte dans une Ode adreffée à M. d'Anguien, où Sarrazin s'excufe de le louer.

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Car je n'ai qu'un filet de voix,
Et ne chante que pour Silvie.

LXVIII. Homère êtoit la belle paffion de M. Defpréaux. Il en revenoit toujours à lui. "C'est un Poëte, difoit-il, que les Graces ne quittent "point. Tout ce qu'il écrit eft dans la nature, & d'un feul mot il vous fait connoître un Homme. Uliffe arrive dans la caverne du Ciclope. Poliphème ,, ne fait qu'une bouchée de deux de fes Compa"gnons. Uliffe lui préfente à boire: Voilà de bon vin, dit le CICLOPE. Va, mon ami, je te mangerai Le dernier,,.

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LXIX. Ce que M. Defpréaux eftimoit le plus dans Homère; c'eft le talent, qu'il a d'exprimer noblement les plus petites chofes. "C'est là, di,, foit-il, où confifte l'art; car les grandes chofes

REMARQUES.

du Roi, l'un des Quarante de l'Académie Françoife, dont il a fondé le Prix de Poëfie, mourut le 15. Février 1701. âgé de 72. ans. Ce Prélat êtoit Homme d'efprit & de mérite, mais il trop loin le ridicule entêtement de la Naiflance.

porta

(117) Sarrazin, ] On n'entend pas trop ce que M. Defpréaux ea dit ici. Qu'est-ce que c'eft que cette forme, qui manquoit chés Sarrazin à la matière d'un excellent efprit. SARRAZIN écrivoit de génie avec une facilité, qui n'êtoit égalée que par fa parefle. Peutêtre fes Ouvrages paroifloient-ils trop peu travaillés à M. Def préaux. C'est en effet le reproche, qu'on leur peut faire légitimement. Voïés, Tome II. pag. 176. Rem.

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,, fe foutiennent affés d'elles-mêmes Il citoit à ce propos une Chanfon ancienne, dont l'Auteur lui êtoit inconnu, mais dont il admiroit le naturel. La charmante Bergère,

Ecoutant fes difcours,
D'une main ménagère

Alloit filant toujours';
Et, doucement atteinte
D'une fi tendre plainte,
Fit tomber par trois fois

Le fufeau de fes doigts.

LXX. M. Defpréaux difoit que (118) Saint-Amand s'êtoit formé du mauvais de Regnier, & (119) Benferade du mauvais de Voiture. Le même Benferade êtoit fi fort accoutumé à la Pointe, que même en mourant il en fit une. "C'eft un Homme mort, difoient les Médecins à fa Garde; cependant con,,tinués à lui faire manger de la Poule bouillie,,. Pourquoi du Bouilli, dit BENSERADE, puifque je fuis frit?

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LXXI." On m'accufe, difoit M. Defpréaux. ,, de ne rien louer de ce qu'a fait Scudéri; voici ,, pourtant deux beaux Vers, que je suis étonné qui foient de lui:

"

,, Il n'eft rien de fi doux pour des Cœurs pleins de gloire, ,, Que la paisible nuit qui fuit une victoire.

,, Je loue, continuoit-il, jusqu'à M. Perrault, quand

REMARQUES.

(118) Saint-Amant s'étoit formé du mauvais de Regnier, ] Cela ne doit s'entendre que des Ouvrages Satiriques de Saint. Amant. Au fujet de ce Poëte, voïés, Tome I. pag. 35. Sat. I. Vers 97. Rem. & Tome III. v. Ref. Crit. REM. 2.

(119) Benferade] Voïés, Art Poët, Chant IV. Vers 200. Rem. Tome II. p. 264.

99

il eft louable. Eft-ce bien lui, qui a fait ces fix Vers, que je trouve à la fin (120),d'une Préface de fes Parallèles?

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Ils devroient ces Auteurs demeurer dans leur Grec,

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Et fe contenter du respect

De la Gent qui porte férule.

D'un favant Traducteur on a beau faire choix :

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C'eft les traduire en ridicule,

,, Que de les traduire en François,,.

On voit bien qu'il vife un peu à M. Dacier, mais a-t-il tout le tort? Il s'en faut bien que M. Dacier écrive auffi agréablement que fa femme. M. Dacier eft toujours fec & décifif. (121) Il croit avoir raifon dans l'explication qu'il donne à ce paffage

REMARQUES.

(120) d'une Préface de fes Parallèles?] De la Préface du Tome I. (121) Il croit avoir raifon dans l'explication &c.] La manière dont il avoit traduit cet endroit (de l'ART POETIQUE) Difficile eft propriè communia dicere, donna lieu à une difpute littéraire, dont je n'ai trouvé aucun veftige dans les différens Auteurs, qui one compofé l'Eloge de M. Dacier. Ce Savant avoit traduit ainfi: Il eft très-mal aifé de traiter proprement & convenablement ces caractères, qui font à tout le monde, & que tout le monde peut inventer Cette Paraphrafe rend elle... le vrai fens d'Horace ? C'eft ce qui êtoir en queftion. M. le Marquis de Sevigné foutint la négative; M. Dacier défendit fa traduction. La querèle engagée, on confentit de prendre un Juge capable de décider: ce fut M. de Harlai, le Confeiller d'Etat. Les deux Parties produifirent leurs Mémoires ou Factums refpectifs, dont on fit part au Public en 1697. C'eft un petit Volume in-12. à qui l'on jugea à propos de donner pour ti tre... (DISSERTATION Critique fur l'Art Poëtique d'HORACE, CÀ l'on donne une idée générale des Pièces de Théâtre, & où l'on examine fi un Poëte doit préférer les Caractères connus aux Caractères inventés.) Il y a dans ce Recueil... trois Factums de M. de Sevigné, & deux de M. Dacier. Le premier foutient, que dans le paffage d'Horace contefté, le Poëte qui dans cet endroit donne les règles de la Tragédie, entend par le mot communia, des Sujets connus & communs tirés de quelques actions éclatantes,... & préfère ces Sujets à ceux qui font nouveaux & de l'invention du POETE. Jamais, felon lui, on n'a dit qu'une chose, qui n'a point êté entenduë, soit communs,

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d'Horace, Difficile eft propriè communia dicere; cependant c'est un paffage, qui fe doit entendre naturellement. Il est difficile, dit HORACE, de traiter des fujets, qui font à la portée de tout le monde d'une manière, qui vous les rende propres; ce qui s'appelle s'approprier un fujet par le tour, qu'on y donne. M. Defpréaux prétendoit avoir trouvé la folution de ce paffage dans Hermogène, & difoit

REMARQUES.

l'on

M. Dacier prétend au contraire, que les Sujets communs font les Sujets inventés, que c'est ce qu'Horace a entendu, & ce qu'il a du entendre par le mot communia. HORACE, dit-il, donne des préceptes pour les Caractères, qui font le fondement du Poème Dramatique & du Poème Epique. Ces Caractères font de deux fortes, ou inventés, ou connus. Ces derniers ne doivent point être changés. Il faut fuivre ce qui en a toujours êté dit. Ceux que l'on invente doivent être propres, c'est-à-dire, convenables. Dans les premiers on ne doit chercher que la vraisemblance; dans les derniers ou veut trouver la jufteffe, la convenance, la conformité. Il répréfente enfuite combien il eft difficile de former des CARACTE'RES NOUVEAUX. Difficile eft propriè communia dicere. Voilà le fens de ces paroles. Ce n'eft point là donner au mot communia une fignification étrangère. C'eft la première idée de ce terme, M. Dacier convient, que commun fignifie aujourd'hui ce qui eft rebatu, ce qui a été dit mille fois. Mais il veut perfuader que chés les Anciens il fignifioit, ce qui n'eft à perfonne en particulier. D'où il conclut, que les Sujets communs font donc, dans le fens d'HORACE, les Sujets que invente; & que depuis qu'ils font INVENTE'S, ils ceffent d'être COMMUNS, ils deviennent publics, & que c'est pour cela qu'ils font appellés par HORACE, Publica materies.... M. de Sevigné... fans le piquer-d'érudition, combatit avec beaucoup de force les principes & les conféquences de fon Adverfaire dans fes trois Fatums, où il fe défend avec une politefle aimable, où il raille avec beaucoup de fineffe, & où il fait fentir beaucoup de génie. Il reproche à M. Dacier de donner toujours fes idées particulières pour autant de décifions, & de répèter fans ceffe qu'il a prouvé fon fentiment, lors même qu'il n'a pas paru comprendre l'êtat de la queftion. Cela me fait fouvenir, dit-il, de cet Ecrivain, qui avoit entrepris de prouver qu'il y avoit trente-deux Héréfies dans le Livre de La Fréquente Communion. Au commencement de fon Ouvrage, il difoit, comme nous le prouverons ci-deffous: & à la fin il difoit : comme nous l'avons prouvé ci-deflus ; fans que ni ci-deffous, ni ci-deffus, il y eût la moindre chose démontrée ni prouvée. Pour faire fentir à fon Antagonille le ridicule de fon interprétation du mot communia, M. de Sevigné lui dit ailleurs: "Si M, Dacier êtoit parvenu à connoî

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