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profeffion, il fe borne à faire de petits Vers comme ANACREON." Comme Anacréon, repartit le Sati,, rique, & l'avés-vous lu, vous qui en parlés? Savés-vous bien, Monfieur, qu'Horace, tout Horace qu'il êtoit, fe croïoit un très-petit compagnon ,, auprès d'Anacréon? Eh bien donc, Monfieur! fi vous eftimés tant les Vers de vôtre M. le Mar,, quis, vous me ferés un très-grand honneur de mé,, prifer les miens

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REMARQUES.

teur dans fa Préface s'applaudit de n'avoir point déplu dans un sujer que l'on n'avoit pas jusqu'alors assujéti aux regles du Théâtre. Ces deux Pièces portent fon nom, Il y a dans l'une & dans l'autre affés d invention, & l'on peut dire qu'elles ne font pas mal conduites. Mais les Détails en font très-foibles. Le Stile eft peu correct la Verfification eft affés fouvent lâche & dure; & l'Expression eft quelquefois rampante. Il y a pourtant d'affés beaux endroits, fur tout dans Coriolan. L'Abbé Abeille fit depuis d'autres Tragédies, qui parurent fous le nom de La Thuillerie Comédien. On dit qu'une avanture défagréable fut caufe qu'il n'ofa plus mettre fon nom à fes Ouvrages de Théâtre. Une Tragédie de lui, dont j'ignore & le titre & ce qu'elle peut être devenue, commençoit par une Scène entre deux Princefles Securs, dont l'une difoit à l'autre en entrant fur le Théâtre :

Ma Sœur, vous fouvient-il du feu Roi nôtre Père. La feconde Actrice héfitant & cherchant le premier mot de fon Rôle, un Plaifant, qui s'ennuïoit dans le Parterre, répondit pour elle :

Ma foi, s'il m'en fouvient, il ne m'en souvient guère.

Les éclats de rire fufpendirent le commencement du Spectacle; & quand, à diverfes reprifes, on tenta de commencer, la Plaifanterie fut chaque fois répétée en Choeur par tout le Parterre, & les Comédiens furent obligés de donner une autre Pièce. C'eft à cette Avanture, vraie ou fauffe, que M. Olivier de l'Académie de Marfeille fait allufion dans cette Epitaphe, qu'il fit à l'Abbé Abeille, mort le 22. de Mai 1718. dans un âge très-avancé.

Ci git cet Auteur peu fêté,

Qui crut aller tout droit à l'Immortalité :

Mais Ja Gloire & fon Corps n'ont qu'une même bière,

Et lorfqu' Abeille on nommera,

Dame Poflérité dira :

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MA FOI, S'IL M'EN SOUVIENT, IL NE M'EN SOUVIENT GUE'RE. Le Difcours, qu'il prononça pour fa réception à l'Académie eft

LIV. Jamais Homme n'a parlé fur fes Ouvrages avec plus de franchise que M. Defpréaux. Sa IX. Satire, qui paffe pour fon chefd'œuvre, ne fut goûtée que d'un petit nombre de gens avant l'impreffion. M. Defpréaux n'aïant pas trouvé les Auditeurs auffi favorables qu'il devoit fe les promettre, fit la Satire fur l'Homme, qui eut un tout autre fuccès dans les récits; & quoique dans l'ordre de l'impreffion elle foit la VIII. elle a pourtant êté faite après celle adreffée à fon efprit. Toutes deux font d'une fi grande beauté, que c'eft là proprement que s'eft déclaré le grand génie du Poëte, & ces deux Ouvrages ont conftaté fa pleine & entière réputation. Auffi mettoit-il à la tête de fes bons Ouvrages la Satire à fon efprit, comme une Piéce

REMARQUES.

fort fage, aflés bien écrit, & quoique fans élévation ni traits brillans, un des meilleurs de ce genre. Dans différens Recueils de l'Académie, on trouve diverfes Pièces fugitives de fa façon. La plufpart font des Epitres Morales. Je n'ai luë que celle adreflée à M. de Saci de l'Académie Françoife. Elle roule fur l'Amitié. Cette Pièce fut recitée dans l'Affemblée publique du jour de faint Louis en 1704. Elle renferme de fort bonne chofes, quoique la matière n'y foit en quelque forte qu'effeurée. L'Auteur trouve le moien d'y donner au Marêchal de Luxembourg des marques de fa reconnoirfance pour les bienfaits, dont ce Seigneur l'avoit comblé. C'eft peut-être ce qu'il y a de mieux fait dans la Pièce. Il y a dans ce morceau de très beaux Vers, & des fentimens, qui font l'éloge du Coeur du Poëte. Il a fait une autre EPÎTRE fur la Conftance, où la jufteffe n'eft pas ce qui regne le plus, fi l'on peut s'en rapporter à cette Epigramme de l'Abbé de Chaulieu, laquelle ne fe trouve point dans les Editions de fes Oeuvres.

Est-ce Saint Aulaire on Toureille,
Ou tous deux qui vous ont appris
A confondre, mon cher Abeille,
Dans vos très-ennuïeux Ecrits
Patience, Vertu, Conftance.
Apprenés cependant comme on parle à Paris.
Votre longue perseverance

A nous donner de méchans Vers,
C'est ce qu'on appelle, Conftance;
Et dans ceux qui les ont foufferts,
Cela s'appelle, Patience.

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où il avoit trouvé l'art de cacher fon jeu, en ne faifant femblant que de badiner. La Satire fur l'Homme lui paroiffoit écrite avec plus de force, & vraifemblablement plus remplie de traits fublimes. Après ces deux Ouvrages, c'étoit fon Epitre à fes Vers qu'il fembloit le plus eftimer. "Je n'ai point fait, ,,difoit-il, de fi belles, ni de fi juftes Rimes. D'un bout à l'autre je trouve le fecret de me louer à ,, outrance, mais pourtant avec bienféance. C'est ,, un Satirique, qui fait pitié, & qui intérelle tout le monde pour fes Ouvrages & pour fa Personne. Après cela je donne à la Poftérité une image vraie de ma vie & de ma gloire; & je mets fur tout en jour l'amitié ouverte, que j'ai toujours eue pour M. Arnauld,,. (98) Son Epître à M. de Lamoignon ne lui paroiffoit pas inférieure aux précèdentes Pièces, après lefquelles il plaçoit (99) fa Satire à Molière, qui êtoit purement de fon invention; & où il avoit exprimé toutes les bifarreries de la Rime, & de la manière la plus heureuse. Enfuite c'êtoit à (100) fon Equivoque, à laquelle il donnoit le prix; peut-être parce que ce font les derniers enfans, pour qui l'on a le plus d'affection. Voilà les fix Ouvrages, qui tenoient le premier rang dans fon eftime après fon Art Poëtique, qui de l'aveu du Public, & de fon aveu particulier, paffe pour le meilleur de fes Ouvrages.

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LV. Le Roi, fe bottant pour aller à la Chaffe, demandoit à M. Defpréaux, en présence de plufieurs

REMARQUES.

(98) Son Epitre à M. de Lamoignon ] C'est la VI. Tome I. pag.

333

(99) fa Satire à Molière, C'eft la II. Tome I. pag. 43.

(100) Jon Equivoque,] SATIRE XII. Tome I. pag. 239. Il n'eft pas aifé de deviner pour quelle raison M. Defpréaux faifoit tant de cas de cette Satire. Peut-être eft ce parce qu'elle lui paroiffoit celui de fes Ouvrages dans lequel il y a le plus d'invention.

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Seigneurs, quels Auteurs avoient le mieux réuffi pour la Comedie. "Je n'en connois qu'un, reprit le Satirique, & c'eft Molière; tous les autres n'ont fait que des Farces proprement, comme ces vilaines Pièces de Scarron,,. Le Roi demeura penfif & M. Defpréaux, s'appercevant qu'il avoit fait une faute, fe mit à baiffer les ieux auffi bien que tous les autres Courtifans. "Si bien donc, reprit ,, le Roi, que Defpréaux n'eftime que le feul MOLIERE,,. Il n'y a, Sire, auffi que lui qui foit estimable dans fon genre d'écrire. "Je n'eus garde, difoit M. DESPRE AUX, de vouloir (101) rhabiller mon in,, cartade; c'eût êté faire fentir que j'avois êté capable de la faire, M. le Duc de Chevreufe le tira à quartier, en lui difant: "Oh, pour le coup, vôtre ,, prudence étoit endormie,,. Et où eft l'Homme, répondit M. DESPRE'AUX, à qui il n'échappe jamais une fotife? Cependant le Roi, qui voïoit bien que c'êtoit l'abondance du cœur, qui avoit fait parler le Poëte, ne lui en voulut point de mal.

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LVI. M. Defpréaux n'eftimoit point les Vers de (102) Scarron, qu'il trouvoit bas & burlefques à outrance; mais il admiroit fa profe, & la trouvoit parfaite, fur-tout dans fon Roman Comique. Il n'y eut jamais de Stile plus plaisant ni plus varié que

REMARQUES.

(101) rhabiller mon incartade; ] Les Pièces de Scarron avoien fait dans fon tems les délices de la Cour ; & c'est à leur prodigieux fuccès, qu'il faut imputer le bas Comique, dont Molière s'eft vu forcé de faire ufage dans quelques unes de fes petites Pièces. On ne peut amener les Hommes au véritablement bon que par degrés.

(102) Scarron,] PAUL Scarron, fut d'abord Chanoine du Mans, & fe maria dans la fuite. Il perdit tout à coup l'ufage de tous fes Membres à l'âge de 27. ans, en fuite d'une Débauche. Il fe confola de fa difgrace par fes Ouvrages, qui le divertiffoient le premier, quoiqu'il ne fut pas indifférent au profit, qu'il en pouvoit tirer. Il mourut le 14. Octobre 1660. Il avoit époulé Françoija d'Aubigné, qui fut depuis Marquise de Maintenon.

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celui-là. "Scarron, difoit-il, tiroit les plus petites chofes de leur baflefle par la manière noble, dont il les contoit Je ne fais s'il ne m'a pas dit, qu'il avoit eu deffein de continuer le Roman Comique mais je me fouviens qu'il me proposa d'y travailler, & m'offrit même de me donner des Mémoires; ce que je n'eus garde d'accepter.

LVII. Quelques temps après que les Satires de M. Defpréaux eurent paru, Fernando Nugnès, Grand Amiral d'Espagne, vint en France; &, quoiqu'Etranger, goûta parfaitement toutes les beautés d'un Ouvrage, qui faifoit l'attention publique. Auffitôt qu'il fut de retour à Madrid, il envoïa deux livres du meilleur Tabac & une Tabatière de prix à M. Defpréaux, en reconnoiffance du plaifir, que fes Satires lui avoient fait; & M. Defpréaux fit préfent de la Tabatière & du Tabac à M. (103) le Chevalier de Vendôme.

LVIII. Lorfque le Roi d'Efpagne Philippe V. fut arrivé pour la première fois à Madrid, il voulut fe délaffer par quelque lecture agréable, & demanda les Satires de M. Defpréaux: mais, les balots du Prince êtant encore en chemin, M. le Comte d'Ayen, aujourd'hui Maréchal de Noailles, propofa à Sa Majefté d'envoier chés les Libraires de Madrid, où l'on trouva deux Editions des Ouvrages du Satirique.

LIX. L'Enfance de M. Defpréaux fut des plus laborieufes. Il fallut le tailler à l'âge de huit ans,

REMARQUES.

(103) le Chevalier de Vendôme. ] PHILIPPE de Vendôme. Il fut depuis Grand Prieur de France & Lieutenant Général des Armées du Roi. Il poflédoit les Abbaïes de la Trinité de Vendôme, de S. Victor de Marteille,de S. Vigor de Cérili, de S. Honorat de Lereins, de S. Manfui de Toul, & d'Ivri. Quelques années avant fa mort il fe démit du Grand Prieuré de France en faveur de M. le Chevalier d'Orléans, & fe fit appeller le Prince de Vendôme.

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