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́tif avec l'Adjectif, qui vient de précèder; & par là ces deux mots ne peuvent pas faire fur moi l'impreffion d'une Image. J'en trouve une à la vérité dans fondre fur les raifins: mais l'impreffion en eft foible, parce que je fuis occupé du foin d'y joindre I'Image, ou plutôt le trait, qui doit réfulter du mot bourdonnans, afin d'avoir l'Image entière & telle qu'elle eft dans la nature. Or toutes les fois que vous m'obligés de réunir les différents traits, qui doivent former l'Image; c'eft à peu près pour moi la même chofe, que fi vous ne m'en offriés aucune.

X.

La XII. Satire eft le fruit de la vieilleffe d'un Grand Poëte & d'un Homme de bien. Un Caprice bifarre (a) en infpira le projet au Poëte: la Religion en dicta les principaux détails à l'Homme de bien.

On retrouve dans ce dernier Ouvrage de Def préaux ce qui fait le mérite de fes autres Satires. Il y peint avec force; il y badine avec agrément. C'eft à ce double coin que toutes fes Poëfies font frappées; & le mépris que des Critiques, tels que ce tems en produit en abondance, affectent de témoigner pour la XII. Satire, en fait bien moins la cenfure, que celle de leur Jugement & de leur Goût.

A ce début ne penfera-t-on pas que mon deffein eft de mettre cette Pièce au même rang que la II. la VII. la VIII. & la IX. Satires? J'aurois tort de le laiffer croire. La XII. Satire, très-fupérieure à la XI. n'eft inférieure, à mon avis, à pas une des fix, que je n'ai point nommées, & qui font toutes très-dignes de leur Auteur.

De ces fix, la X. avec tous fes défauts, eft fans contredit la meilleure, & la XII. a fur elle l'avantage d'être faite fur un Plan régulier & rempli

(a) Avertiffement fur la XII. Satire, Tome I. page 250.

de manière, qu'on ne trouvera peut-être pas dans toute la Pièce un mot, qui n'entre néceflairement dans l'exécution de ce Plan. C'eft le plus vafte que Defpréaux ait jamais embraffé. Je ne prétens pas qu'il en ait parcouru toute l'étendue. Il avoit 69. ans, quand il commença cette Pièce, & plus de 71. quand il acheva d'y mettre la dernière main. A cet âge, & furtout accablé d'infirmités, on a peu de reffources du côté de l'Imagination; on eft prefque toujours réduit au feul Bon-Sens. C'eft donc ici le Bon-Sens, qui doit dominer. Il y domine en effet; de forte cependant qu'en y regardant de près, on verra dans cet Ouvrage plus d'Imagination, que dans aucun autre de nôtre Poëte. Mais il faut dire tout; c'eft dans la création & dans l'arrangement du Plan, que l'Imagination regne. Le Bon-Sens s'eft chargé de l'exécution. De là vient qu'on y voit moins de traits frapans, que dans la X. Satire: mais on y trouve plus de jufteffe dans les Idées, plus de correction dans le Stile, plus d'exactitude dans la Verfification, quoiqu'elle foit un peu languiffante en certains endroits & quelquefois un peu dure. J'explique ce que je viens de dire par rapport aux Idées. La jufteffe n'en eft que rélative au fens, dans lequel le Poete prend le mot d'Equivoque. La Définition, qu'il en fait dans fon Avertiffement (a), êtant une fois admife elle donne,généralement parlant, à toutes les Idées de la Pièce la forte de jufteffe, qui leur eft néceffaire; &, fi par hafard quelques-unes n'en avoient pas fuffifamment, ce ne feroit pas un reproche à faire à l'Auteur, fa Satire n'eftant, comme il le dit lui-même, (b) qu'un pur jeu d'efprit, où il feroit ridicule d'exiger une précifion géometrique de penfées & de paroles.

(a) Avertissement fur la XII, Satire, Tome I. page 250, (b) Ibid. page 223.

J'oubliois un autre avantage de la XII. Satire fur la X. & fur la plufpart des Poëfies de l'Auteur. C'est que toutes les Tranfitions, à la réferve de celle que j'ai cenfurée ci-devant dans la Remarque II. font d'autant plus heureufes, qu'elles font moins recherchées. Une matière le conduit, comme par la main, à la matière, qui vient enfuite; & même il feroit difficile de trouver rien de plus adroit que la manière, dont il paffe du Faux Zèle, qui produit toutes les horreurs des Guerres de Religion, aux abfurdités de la Morale relâchée. Le ridicule de la Probabilité lui fournit une Tranfition auffi fine que naturelle.

REFLEXIONS CRITIQUES fur les EpÎTRES de DESPRE'A UX.

Nous avons remarqué, (1) dans les Réflexions fur les Satires, la différence qu'il y a entre les Satires, que Defpréaux a compofées dans fa jeuneffe, ou dans un âge plus avancé. Ses Epitres different auffi entre elles, & ne font pas également foutenues; cependant les dernières, qu'il a compofées êtant fort vieux, confervent beaucoup de vigueur & de netteté, fans doute (2) à caufe des Sujets qui roulent fur la Morale. Les leçons d'un Homme

REMARQUES.

(1) dans les Réflexions fur les Satires,] L'Auteur dit : dans la douzième Réflexion.

(2) à caufe des Sujets, qui roulent fur la Morale. ] Nôtre Critique donne une fauffe raifon de la bonté des dernières Epitres de Def préaux, La XII. ne doit point être l'objet de fes réflexions. A l'exception des trois adreflées au Roi, les autres ont pour objet quelques points de Morale; & les dernières n'ont fur les premiè

de bien, font plus auftères fur le déclin de l'âge : mais elles font plus naïves. (3) Il les donne avec plus de nobleffe, parce qu'il les fent avec plus de force; au lieu que (4) le chagrin d'un Vieillard devient cauftique dans la Satire, & fon enjoûment

REMARQUES.

res aucun avantage à cet égard. La X. à proprement parler, ne renferme aucune leçon; & la XI. qui roule fur un fonds moral, n'eft, à la bien prendre, qu'un pur badinage. Ainfi l'on peut dire avec vérité que l'âge n'a rien fait gagner chés Defpréaux à la Morale, & que c'eft principalement dans fes premières Epitres, qu'il a fu la traiter.

(3) Il les donne avec plus de nobleffe, &c.] Tout ce que le Critique dit des avantages, que l'on a dans la Vieilleffe, pour parler de Morale, ne mérite aucune attention. Il n'eft ni généralement ni même ordinairement vrai, que la Vieilleffe procure ces avan. tages. Elle fait fentir plus vivement le prix des Vérités de la Morale ; elle en fait parler avec plus d'énergie, avec plus de force d'un ton plus perfuafit & plus perfuadé, fi je puis m'exprimer ainfi: mais elle ne donne point la nobleffe, que l'on n'auroit point eue dans un âge plus jeune ; &, loin qu'elle ajoute quelque chofe à celle que l'on avoit autrefois, il n'eft que trop conftant qu'elle la diminue. Les dernières Poëfies de Defpréaux, comparées aux premières, en fourniflent la preuve ; &, felon l'ordre de la Nature, il en doit être ainfi. La Nobleffe du Stile, car il ne s'agit ici que de celle-là, n'eft point une chofe qui s'acquière. C'eft un préfent de la Nature, que le travail perfectionne : mais qui dépend bien plus de l'Imagination que du Jugement. Cette Noblefe a des degrés, & ne fe maintient au plus haut qu'autant que l'Imagination conferve tout fon feu. Quand celle-ci fe refroidit, l'autre s'abaifle infenfiblement. Je ne dirai pas dans la même proportion. L'habitude, qui tient lieu d'une feconde Nature, s'oppose à fon entière dégradation. Jeune, on écrivoit avec toute la Noblesse imaginable: Vieux, on écrit encore avec quelque Noblesse.

(4)) le chagrin d'un Vieillard &c.] La caufticité, naturelle aux Vieillards, peut fort bien n'être pas un Vice pour la Satire. Elle fait le principal mérite de Perfe & de Juvenal, qui ne font ordinai. rement ingénieux, qu'à proportion de ce qu'ils font cauftiques. D'ailleurs la lecture d'Horace fait affés connoître que fes Satires ne font pas des Ouvrages de fa Jeuneffe. Son Enjoument eft il puéril? Eft il déplacé? Je veux qu'il n'ait rien fait en ce genre dans une auffi grande vieilleffe que Despréaux, qui mit fin à l'âge de plus de 71. ans à fa XII. Satire, qu'il fut trois ans à corriger: mais fi l'enjoûment de fes premiers Ecrits êtoit venu du fonds de fon tempérament, & non de la réflexion, auroit-on eu droit de lui reprocher, qu'il avoit dans fa vicilleffe un enjoûment déplacé ? Les raits enjoués font plus rares dans fes derniers Ecrits, que dans les

puéril , parce qu'il eft ordinairement déplacé. Jė ne parle point ici de la dernière Epître ; parce qu'elle traite un fujet, auquel il ne me convient pas de toucher. Mais les onze autres, qui font à nôtre portée, peuvent fans témérité être examinées à fond..

Les Sujets en font partagés entre la Morale, la Critique & la Louange. La Morale en eft belle, la Critique judicieufe: mais la Louange n'y eft pas bien maniée par tout. Les trois Epitres adreffées au Roi Louis XIV. contiennent des traits hardis & des Expreffions flateuses mêlées à quelques fautes de jugement. La IV. qui eft la plus pompeufe pour l'Harmonie des Vers, (5) eft auffi la moindre pour le projet. La Fiction du Rhin n'eft point amenée. Ce n'eft pas une raison de traiter un évènement d'une manière fabuleufe, parce qu'il paroît incroïable. L'exorde de cette Epitre fent la Déclamation, auffi bien que la fin, qui eft ennuïeufe par le jeu de mots, qui en fait le dénoûment; & ce dernier Vers:

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Je t'attens dans deux ans aux bords de l'Hellefpont jette Despréaux dans le ridicule,qu'il avoit reproché aux Poëtes médiocres:

REMARQUES.

autres; mais ils n'y font pas plus puérils; & fa XII, Satire ellemême, dont les détails, marquent fi bien le déclin de fon Génie Poëtique, en même tems que le Plan en eft peut-être l'idée la plus enjouée qu'il ait jamais eue: fa XII. Satire, dis-je, n'a rien qui foit aui puéril, que les deux derniers Vers de la définition de la Sageffe dans la VIII. Satire. Ainfi nôtre Censeur pouvoit fupprimer cet entallement de réflexions, par lequel il commence. Elles font mal liées l'une à l'autre; elles portent à faux; & l'application, qu'on effaieroit d'en faire à Despréaux, n'auroit jamais aucune julteffe.

(5) eft auffi la moindre pour le projet. ] Il eft vrai que cette Epitre n'a rien d'ingénieux dans fon projet. La Defcription du Paslage du Rhin eft un Morceau détaché, qui ne fe trouve enclavé dans cette Epitre, que parce que le Poëte l'a voulu.

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