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II. Page 214. Vers 24.

Et le plus vil Faquin trancher du vertueux. On ne voit pas trop quelle oppofition l'Auteur a voulu mettre entre Vil Faquin & Vertueux. Quelque étendue, que l'on donne à la fignification de ce premier terme, il ne renferme point l'idée d'un Homme aïant beaucoup de Vices; & l'Auteur êtoit conduit par la fuíte de fon difcours à dire, que l'Homme le plus vicieux tranche du Vertueux. III. Page 220. Vers 93.

Ouï, la Justice en nous eft la Vertu qui brille.

La Tranfpofition de ces mots: en nous, qui devroient aller après qui brille; ou du moins, par une Inverfion autorifée, après eft; donne à ce Vers quelque obfcurité. Tout Lecteur fe demande d'abord ce que c'est que la Vertu qui brille; &, fi l'Auteur n'avoit pas pris foin de déveloper fa penfée dans les Vers fuivans celui-ci n'auroit pas êté fort intelligible.

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IV. Page 224. Vers 152. Il demeura long temps au Séjour étoilé.

Ce Séjour étoilé ne me plaît nullement dans un Poëte tel que Defpréaux, & dans un Ouvrage tel que celui-ci. C'eft un Terme du Jargon Poëtique, qu'il faut réferver pour les Genres de Poëfie, où l'on peut fe parer impunément de toutes les Phrases ufées & rebatuës de ce Jargon.

V. Page 226. Vers 189. Le véritable Honneur fur la voute celefte.

Je n'aime pas plus la voute céleste que le Séjour étoilé;furtout,lorfque,comme ici, ces fortes d'Expreffions fe trouvent à la Rime. Elles me paroiffent moins choquantes dans le cours du Vers. On s'apperçoit toujours un peu moins des effets du besoin de la Mefure, que de ceux du befoin, de la Rime.

VI. Page 226. Vers 192.

Il part fans différer, & defcendu des Cieux,
Va par tout fe montrer dans les terreftres lieux.

Ne voilà-t-il pas encore terreftres lieux amenés par la néceffité de rimer avec Cieux! Dans un autre Poëte & dans un autre genre d'Ouvrage, je le répète, je ne releverois pas de femblables bagatelles, que l'on auroit tort de regarder comme des fautes en ellesmême. Mais on ne fauroit nier qu'en certaines places elles ne puiffent quelquefois déplaire; & c'en eft affés pour que la Critique ne dédaigne pas d'y faire attention. Mon deffein ne peut pas être de condamner abfolument le Jargon Poëtique. Il eft fouvent utile; & j'avoue que l'Ode Sublime, le Poëme Epique, & quelques autres genres de Poëfie ne peuvent pas s'en paffer, quoique fouvent ils s'en fervent affés mal-à-propos. Mais quand même je croirois ce Jargon abfolument condamnable, je me garderois bien de le dire. C'eft un égard, que je croirois. devoir aux Poëtes, ou, fi l'on veut, aux Rimeurs de ce tems, à qui les Locutions & les Phrafes prétendues poëtiques, tiennent le plus fouvent lieu de Penfées & d'Images; & qui, par une adreffe peu commune, les font même fervir quelquefois à l'expreffion des Sentimens. Après leur avoir protefté que je ne prétens pas les troubler dans leur poffeffion, je m'imagine qu'on ne trouvera pas mauvais que je propofe ici quelque chofe, qui me paroît propre à don ner au Stile poëtique une régularité, qui ne peut que le rendre plus agréable. Je voudrois donc que l'on eût l'attention d'oppofer Terme propre à Terme propre, & Périphrafe à Périphrafe. Ši je voïois ici Terre oppofée à Cieux, terreftres lieux vis-à-vis de féjour céleste, je pafferois le Jargon, en faveur de la correfpondance des Expreffions.

VII. Page 227. Vers 199.

& dés ce même jour

Avec elle s'envole au céleste Séjour.

19. J'aime beaucoup mieux le célefte Séjour que le Séjour étoilé, qui feroit fort bon en Latin; mais qui dans nôtre Langue eft auffi burlesque que le céleste cintre d'un de nos fameux Ecrivains en Vers, à qui pourtant on peut le pardonner, parce qu'il l'emploïe dans un Ouvrage badin.

2o. C'est encore la Rime qui nous amène ici le céleste Séjour, & douze Vers plus haut nous avions la Voute céleste. Ce qui m'occafionne une obfervation fort fimple, & cependant de quelque importance. Un mot changé dans un Terme complexe n'empêche pas que le Terme ne reste le même quand il fert à rendre la même idée. C'eft donc une répétition défagréable, que je reprens ici. REMARQUES SUR LA XII. SATIRE. I. Page 239. Vers 3.

-aux Rimeurs hazardeux

On ne peut pas plus dire un Rimeur hafar deux, qu'un Rimeur périlleux. Ces deux Adjectifs font de même nature, & ne s'appliquent qu'aux Chofes, & non pas aux Personnes.

II. Page 241. Vers 49.

Mais laiffons-là le tort qu'à fes brillans ouvrages
Fit le plat agrément de tes vains badinages.
Parlons des maux fans fin que ton fens de travers,
Source de toute erreur, fema dans l'Univers:
Et pour les contempler jufques dans leur naissance,
Dès le temps nouveau-né, quand la Toute-puiffance
D'un mot forma le Ciel, l'Air, la Terre & les Flots,
N'est-ce pas toi, voyant le monde à peine éclos

Qui, par l'éclat trompeur d'une funefte pomme,
Et tes mots ambigus, fis croire au premier homme
Qu'il alloit, en goutant de ce morceau fatal
Comblé de tout fçavoir à Dieu se rendre égal ?

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1o. De la manière que ces mots : voïant le monde à peine éclos, font placés dans le huitième Vers, ils y paroiffent poftiches, & n'être là que pour remplir la mefure. Ce qui ne feroit pas, s'ils êtoient précédés du qui par où le Vers fuivant commence. Le feul moïen d'empêcher que de pareils Participes ou plutôt de pareils Gérondifs, ne rendent la Phrafe languiffante, eft de les appuïer fur le Relatif, qui les doit lier, tant au Nominatif qui les précède, qu'au Verbe qui vient ensuite. On peut encore reprendre ici le Qui, comme le rapportant à Monde au lieu de fe rapporter à toi.

2°. Le monde à peine éclos eft ici précisément la même chofe que le temps nouveau-né du fixième Vers.

3°. Le neuvième Vers; qui s'unit néceffairement avec le premier Hémiftiche du dixième, fait un Membre de Phrase un peu trop traînant; & l'on ne peut nier que tout ce morceau ne fe fente de l'âge de l'Auteur, & que les Vers n'en foient faits à force de chercher de quoi les remplir, fans que le Génie s'en foit mêlé.

4. Mais ce ne font là que des bagatelles. Ce qui marque bien plus ici l'affoibliffement du Poëte, c'eft la manière brufque avec laquelle il paffe de L'Equivoque prife dans fa fignification naturelle à l'Equivoque prife dans l'acception vague, dans laquelle il lui plaît de l'emploïer pour toutes les fortes de méprifes de l'Efprit Humain, qui confiftent à prendre une chofe pour une autre. Il falloit ici païer d'Imagination; &, trompant le Lecteur, le conduire avec adreffe du véritable fens du mot

A

d'Equivoque au fens abufif, dans lequel on le vouloit emploïer; enforte que, par la force de l'Ilufion, le Lecteur ne s'apperçût pas qu'on lui donnoit le change; & qu'on ne lui parloit plus de la même chofe. C'eft à quoi l'on peut croire que Defpréaux n'auroit pas manqué dans le tems de fa plus grande force poëtique, pour me fervir de fes propres termes; & c'est une raifon qui peut faire regreter, qu'il n'ait pas compofé trente ans pluftôt cette Satire, dont le Plan, à mon avis, eft très-ingénieux.

5°. En blâmant la Tranfition vicieufe de cet endroit, je dois avertir que c'eft dans toute la Pièce la feule, qui foit répréhenfible.

III. Page 242. Vers 69.

Oui, de tes noirs complots & de ta triste rage,
Le genre humain perdu fut le premier ouvrage.
Et bien que l'homme alors parût fi rabaiffé,
Par toi contre le Ciel un orgueil infensé.
Armant de fes neveux la gigantesque engeance,
Dieu refolut enfin, terrible en sa vangeance,
D'abifmer fous les eaux tous ces audacieux.

1o. Dans le troifième Vers le mot, l'Homme quoique l'Auteur entende par là le premier Homme qu'il a nommé plus haut, ne peut être pris qu'abfolument; parce que le Terme collectif de Genre Humain, placé dans le Vers précèdent, détermine néceffairement ce mot l'Homme, à n'avoir ici que la fignification abfolue, ou collective. Le Genre Humain & l'Homme font donc précisément la même chofe dans ces deux Vers. Il fuit de cette obfervation que dans le cinquième Vers il faut par, fes neveux, entendre les neveux du Genre Humain. Ce qui ne peut former qu'un fens abfurde & ridicule.

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