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jour. Du refle ils ont le défaut des précèdens ; ce n'est pas un Abus, qu'ils attaquent : ce ne font point les Vers d'une Satire. Si le Poëte continue ainfi, ce n'eft plus fur le pied d'une Satire, qu'il faudra examiner cette Pièce: mais fur celui d'une Defcription du bruit & des Incommodités de Paris.

une fimple Defcription du bruit

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des Incommodités de PARIS. Oui, Monfieur, c'eft cela. Mais cela même dans la bouche d'un Poëte de mauvaise humeur, qui raffemble tous ces détails, avec un air de ridicule répandu fur les Riches de Paris & fur le total de cette Capitale, n'eft-ca pas une Satire? Il vaut mieux nal, qu'à nous-même. Vous ne parlés en nul endroit de ce Poëte je crois, s'en rapporter à Juvé ni d'Horace les modèles du Poëte François ; & cela eft furpre nant pour un Homme de Lettres, qui fait profeffion de critiquer l'Imitateur de ces deux Poëtes. JUVENAL favoit apparament ce que c'eft que Satire, & il p'a pas dédaigné de faire entrer les Em baras de Rome dans une bonne partie de fa troisième. Ce font ici mêmes objets, mêmes traits, même manière ; & la comparaison ne fauroit faire tort à notre Poëte.

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Quoique le Cenfeur dans tout le tiffu de fa Critique ne paroille pas avoir eu plus d'égard pour le BonSens que pour l'Efprit, c'eft pourtant au Tribunal du premier qu'il cite la VI. Satire, & dans ce Tribunal l'exemple de Juvénal, ou de tout autre, ne juftifieroit pas Defpréaux, s'il avoit mal fait. Il faut donc oublier Juvénal, & ne voir jamais que la VI. Satire en elle-même. Le Poëte y badine au fujet des Embaras de Paris. Eft-ce un fujet de Satire? Non fans doute. Les maux néceffaires ne doivent être, ni cenfurés avec force, hi tournés en ridicule.. Ainfi la Pièce, que nous examinons, n'eft point une Satire par le fonds de fon Sujet ; &, comme je l'ai déja fait entendre plus d'une fois, ce n'eft pas abfolument le Sujet en lui-même, qui conftitue la Satire: mais la manière de le traiter, par laquelle on le rapproche du genre dans lequel on veut écrire, en fe ménageant l'occafion de lancer de tems, en tems des traits Satiriques. Ces fortes de traits font fi peu fréquens dans la Defcription des Embaras de Paris, qu'il faut avouer qu'elle eft moins

une Satire, qu'une Pièce écrite dans le goût de la Satire. Cette réflexion fait tomber, & les Critiques de M. de Muralt, & les Réponses du P. Brumoy. X. Page 98.

Tandis que dans les airs mille cloches émuës
D'un funebre concert font retentir les nuës,
Et fe mêlant au bruit de la grêle & des vents,
Pour honorer les morts, font mourir les vivans :

BRUM. Vous paffés le bruit des Cloches: mais la Grêle vous paroît de trop. De plus le Concert des Cloches ne vous plaît pas. Car fi c'eft un Concert, ce n'eft donc qu'un petit bruit.

MUR. Ladefcription du bruit des Cloches eft bonne, fuppofé qu'il foit fi grand à Paris, que le Poëte ait raifon de le relever. Dr refle, Paris n'eft pas autrement dans un Pais de Grêle & de Vents, la Grêle fur tout femble être ici de trop. Mais quand même il y grêleroit plus fouvent, le bruit des Cloches eft un très-petit inconvenient au prix d'un grand Qrage. Cependant c'est ce petit bruit, ce Concert, qui fait ici le grand mal; & que dès-là il n'étoit point néceffaire de faire accom pagner de la Grêle ou des Vents,

La vérité eft qu'il falloit une Rime à Vivans, où le Poëte en vouloit venir; les Vents font bons à cela, & voilà l'origine de cette Tempête. Elle devoit renforcer le bruit des Cloches pour lui aider à produire une Pointe d'Efprit; s'il eft vrai du moins qu'il y ait de l'esprit à étendre ce bruit, jufqu'à faire mourir les gens.

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Enfin vous croïés que Defpréaux a excité la tempête pour amener les Vents, pour rimer à Vivans & le tout pour faire une pointe d'efprit, s'il eft vrai pourtant qu'il y ait de l'efprit à étendre ce bruit jufqu'à faire mourir les gens. Pour faire évanouir de fi fortes objections, il n'y a, je penfe, qu'à relire & fentir les deux Vers. Si le BonSens émouffe le Goût, tant pis pour qui rafine fur le Bon-Sens. C'eft le moien de tomber dans l'inconvénient, qu'on reproche à Despréaux, & de s'expofer à dire des Minuties. Pardonnés cette Expreffion.

Le P. Brumoy craignoit fans doute de déparer l'Ouvrage, auquel il confentoit que fon Apologie fut jointe; & c'eft uniquement à cette crainte que je puis attribuer une Réponse, qui paroît empruntée à l'Abbé Desfontaines. Le Goût doit applaudir à l'Harmonie des quatre Vers, dont il s'agit; à la

beauté de l'Expreffion; à la vivacité de l'Image. Ses droits ne s'étendent pas plus loin, & ne prescrivent point contre ceux du Bon-Sens. C'eft à ce dernier feul à prononcer fur la Jufteffe. La Critique de M. de Muralt eft vraie dans une partie. Le troisième Vers eft un de ces Vers faits pour la Rime, de ces Frères Chapeaux, que Defpréaux a toujours eu l'adreffe de déguifer, en les faifant marcher devant ceux qu'ils devoient_accompagner. Rétranchés ce Vers & réduifés la Penfée en Profe, vous la trouverés complète. Tandis que mille Cloches émues dans les Airs, faifant retentir les nues d'un concert funèbre, font mourir les Vivans pour honorer les Morts. DESPRE AUX s'eft vu dequoi faire trois Vers; mais il en vouloit encore un; la Grêle & les Vents font venus à son secours; & fon adreffe a fu les emploïer de manière à faire illufion aux gens du meilleur goût. Ce qui n'eft pas, à mon avis, un médiocre talent. J'ajoute que la Grêle & les Vents, c'eft-à-dire les grands Órages ne font pas affés communs à Paris, pour en faire une des Incommodités ordinaires de cette Ville. Ce n'eft pas qu'on ne pût les faire entrer pour quelque chofe dans une Description pareille à celle-ci mais il y falloit apporter quelque précaution; telle à peu près que celle que l'Auteur a prife, lorfqu'il a voulu faire fentir les inconvéniens des grandes Pluies pour ceux qui vont à pied dans les

ruës:

Souvent, pour m'achever, il furvient une pluie.

Le refte de la Critique de M. de Muralt ne mérite aucune réponse.

XI. Page 99.

Encor je benirois la bonté fouveraine

Si le Ciel à ces maux avoit borné ma peine :

MUR. La Bonté fouveraine BRUM. Même réponse, s'il

le Ciel font ici precifément la vous plaît, que ci-deffus. même chofe. Ainfi l'un eft de

trop, ou plutôt ils font de trop tous les deux. Le fujet eft trop petit, pour remonter jusques-là, & il ne faudroit jamais se servir de pareilles Expreffions que férieusement & avec dignité. Le Poëte donne Jouvent lieu dans cette Pièce à lui faire ce reproche: cela ne lui fait pas d'honneur.

L'honneur du Poëte n'a rien à fouffrir des Expreffions, dont il s'agit: mais celui qui les cenfure, courroit rifque du fien, fans cette profeffion, que j'ai dit plus haut qu'il avoit faite tacitement, de méprifer le Bon-Sens. Il eft d'un Homme d'honneur d'être fidèle à fes engagemens. Au refte je ne dois pas oublier de dire qu'il a raifon de faire obferver qu'ici la Bonté fouveraine & le Ciel font la même chose. Ces deux Termes font une Tautologie vicieuse. XII. Page 99.

Mais fi feul en mon lit je pefte avec raison,
C'est encor pis vingt fois en quittant la maison.

MUR. Ces deux Vers font très-peu de chofe, Le premier fur. tout ne dit rien; les Expreffions, fi nôtre Critique doit s'étendre jufques-là, ne valent pas mieux que le Sens.

Pefter en eft une, qui n'eft rien moins que noble.

BRUM. Ces deux Vers font très-peu de chofe. On en convient; mais c'eft une Transition. Il fuffit qu'elle n'ait rien de bien répréhensible en soi.

Pefr vous femble un terme qui n'eft rien moins que noble. Molière ne connoiffoit donc guès'en fert dans fa meilleure Cod'une Perfonne de la Cour. Avec raifon eft mis pour la Rime, dites-vous : & l'on pourroit fouvent faire tomber la Critique fur cela. On n'ignore pas que la Rime coutoit à Defpréaux: mais le foin extrême, qu'il prend de la faire tomber juste & naturellement, devoit au moins le mettre à couvert du reproche général. Il n'y a rien, àvôtre avis, d'Effentiel dans la Pièce. Ne dira-t-on pas la mê

re la nobleffe des termes, lui qui
médie, & qui le met dans la bouche
Pefter avec raifon eft plus
mauvais encore. C'eft la Rime,
qui fait emploier au Poëte ces
termes; c'eft fur les mots,
qui font la Rime, que la Criti-
que tomberoit affes fouvent, fi
on vouloit y faire attention. Mais
au lieu de critiquer fa Pièce par
là, par ce qu'il peut y avoir de
défagréable feulement, comme on
peut lui reprocher d'avoir fait la
Satire de Paris, on voudroit ne

lui relever que les défauts, qui me chose à plus jufte titre de la regardent l'Effentiel, fi du moins Critique?

il y a de l'Effentiel dans fa Pièce.

Comment! Nôtre Suiffe a de l'Efprit! Il manque à fa parole; & j'ai bien peur qu'il ne foit déformais plus attentif à remplir fes engagemens fecrets, qu'à fe renfermer dans les bornes de ceux qu'il a contractés avec le Public. Quoiqu'il en foit, il nous donne ici de l'Esprit, & du plus fubtil. Lui feul s'entend; & tout ce que l'on peut comprendre de cet article,c'eft qu'à fon avis, Pefter avec raifon n'eft pas une Expreffion noble. Le manque de Nobleffe en fait précisément toute la beauté. La Pièce eft dans le Stile de la Satire enjouée, qui ne doit point différer de celui de la Comédie; où les Expreffions les plus familières font prefque toujours les meilleures; où les plus nobles ont befoin d'être amenées avec art pour n'être point déplacées; où la naïveté du Langage doit fe trouver comme dans fon centre. XIII. Page 99.

En quelque endroit que j'aille il faut fendre la preffe
D'un Peuple d'importuns qui fourmillent fans ceffe ;

MUR. Ce dernier Vers eft fi méchant & fi parfaitement inutile, que fi cette Satite en général, ou du moins ce que nous en avons vu jufqu'ici, & la Rime en particulier ne le reclamoient, on le croiroit fuppofé.

BRUM. Ce dernier Vers eft f méchant & fi parfaitement inutile, que fi cette Satire en géné ral, ou du moins ce que nous en avons vu jufqu'ici, & la Rime en particulier ne le réclamoient, on le croiroit fuppofé.... Juf ques ici cette Pièce ne mériteroit pas même d'être critiquée, fi elle n'étoit faite par un Poëte, qui a de la réputation, & qui en a fait de meilleures.

Souffrés, Monfieur, qu'on fufpende un moment vôtre courroux. Voilà des décifions terribles; mais fur quoi fondées ? C'eft (le fecond Vers) une explication du mot Preffe, qui s'explique affés de foi-même.

me? OVIDE n'y entendoit donc même Pensée en trois façons.

Quand cela feroit ainsi, un second Vers, qui embellit une idée, & qui achève la Peinture, doit-il paffer pour un Pléonalrien, lui qui répète fouvent la

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