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ne foit pas abfolument abfurde. On pourroit croire que ce terme la Satire eft une Perfonification, pour dire les Poëtes Satiriques; & dans ce cas les trois premiers Vers offriroient ce fens : Ainfi parle un Efprit qu'irrite la Satire, laquelle croit être en fureté contre fes défauts, en raillant l'austérité de ceux qui la blâment. Il eft vrai qu'en lifant la fuite, on verroit que ce fens ne peut pas fubfifter; & c'est là même ce qui feroit l'embaras du Lecteur. Il faudroit qu'il donnât une nouvelle attention à la Phrase totale , pour s'affurer du véritable fens des trois premiers Vers. Or toute Phrase, fur laquelle le Lecteur intelligent eft obligé de revenir, pour la bien entendre, eft une Phrafe défectueufe. Si l'Auteur avoit dit :

Ainfi parle un Efprit, que la Satire irrite,

Qui contre fes défauts &c.

Tous les Relatifs fe rapporteroient fans aucun embaras au NOMINATIF un Efprit. Au refte, le fens des Vers de Defpréaux fe préfente fi naturellement, qu'il fauve l'irrégularité de la Conftruction du premier Vers; & je ne m'y fuis arrêté que pour infifter fur une Règle effentielle & trop communément négligée.

5. Je ne fais pas fi l'expreffion eft bien nette dans le fecond Vers. Il me femble, qu'au lieu de contre fes défauts il auroit fallu fur fes défauts. Si le Poëte avoit voulu dire de quelqu'un, qu'après avoir travaillé longtems à fe corriger de fes défauts, ce quelqu'un croit être en êtat de ne plus craindre qu'ils lui faffent faire des fotises; fon Expreffion feroit très-jufte, s'il difoit en parlant d'un tel Homme:

Qui contre fes défauts croit être en feureté. Mais il s'agit de quelqu'un, qui, voulant conferver en paix fes défauts, en dépit des traits de la Sa

tire, dont il eft irrité, croit pouvoir fe procurer cette paix, qu'il cherche, en raillant la trifte autorité de ceux qui le cenfurent. L'Auteur veut dire que cet Homme croit fe mettre en fureté contre ceux qui l'attaquent, en les raillant eux-même de leur auftérité. Cet Homme n'a rien à démêler avec fes défauts, qu'il aime; mais feulement avec ceux qui les cenfurent. Il croit qu'il fera tranquille fur le comte de fes défauts, pourvu qu'il tourne en ridicule la févérité de ceux qui les blâment. Il falloit donc fur fes défauts, & non pas: contre fes défauts.

IX. Page 41. Vers 156.

Car de penfer alors qu'un Dieu tourne le monde,
Et regle les refforts de la machine ronde.

19. Ces deux Vers riment à l'Hémiftiche, c'eft une faute, qu'il faut foigneufement éviter, & qui ne peut être excufée que dans le cas d'un Vers heureux, ou d'une Expreffion unique, que l'on perdroit, en ne fachant pas à propos fe mettre audeffus de la Règle. Rien ne peut excufer ici la faute, que je reprens.

29. Dieu tourne le Monde eft une Expreffion peu noble, pour ne pas dire, plate.

3°. Le fecond Vers n'eft qu'une répétition froide de ce que l'Hémiftiche précèdent avoit fuffifament exprimé; ce qui le rend très- languiffant. Ajoutés que le Terme de Machine ronde pour fignifier l'Univers, ne doit guères avoir place que dans le Burlefque & dans les autres Genres, qui peuvent, fans s'avilir, emploïer les Termes bas & les Locutions triviales.

REMARQUES SUR LA II, SATIRE.

I.

Quoique la IX. Satire foit réellement le plus par

fait Ouvrage de Defpréaux; on ne fauroit nier qué la II. ne lui faffe pour le moins autant d'honneur. Je dis pour le moins, parce que le fujet de la IX. Satire ouvre par fon plan une vafte carrière à la Plaifanterie ; & qu'on fent, en la lifant, que l'Auteur s'eft prefcrit des bornes à lui-même ; & qu'il pouvoit s'étendre beaucoup plus, fans rifquer d'être trop long. Il n'en eft pas de même du fujet de la II. Il eft fi ftérile qu'il femble d'abord devoir être épuisé, dans une vingtaine de Vers; & l'on s'étonne que l'Auteur ait êté jufqu'à cent fans perdre de vue fon fujet, & fans fe permettre le moindre écart. C'eft le premier avantage de cette Pièce fur celle à laquelle je la compare. Un fecond avantage, qu'elle a fur cette autre Pièce, c'eft qu'elle eft totalement de l'invention de l'Auteur & pour le plan & pour l'exécution; au lieu que le fujet de la IX. Satire n'eft au fond que celui de la VII. exécuté fur un Plan absolument différent; & que le fujet de cette dernière eft emprunté d'Horace, au moins pour l'idée. Enfin un avantage de la II. Satire fur prefque toutes les autres; c'est qu'elle eft écrite & verfifiée avec toute l'exactitude poffible.

II. Page 43. Vers 7.

On diroit, quand tu veux, qu'elle te vient chercher.
Jamais au bout du vers on ne te voit broncher;
Et fans qu'un long détour t'arreste ou t'embarasse,
A peine as-tu parlé, qu'elle mefme s'y place.

C'eft de la Rime qu'il s'agit. N'y a-t-il pas un Pléonafme dans le troifième Vers; & le fens de l'un des deux Verbes n'eft-il pas renfermé dans l'autre ? On n'eft arrêté, lorfque l'on cherche une Rime. que par l'embaras de la trouver; & l'on n'eft embarallé, que parce qu'en la cherchant on ne la trouve

pas d'abord, & que par conféquent on eft arrêté jufqu'à ce qu'on l'ait trouvée.

III. Page 47. Vers 63.

Mon cœur exempt de foins, libre de paffion,
Sçait donner une borne à son ambition ?

Quoique l'Ufage foit de dire, au FIGURE' des bor nes, donner des bornes à quelque chofe: on ne doit pas faire un crime aux Poëtes de mettre le Singulier au lieu du Pluriel dans ces fortes de Phrafes parce qu'autrefois c'êtoit une chose indifférente; & que d'ailleurs comme l'on dit au PROPRE mettre une borne, & mettre des bornes, on peut bien laiffer aux Poëtes la liberté d'emploïer au Figuré ce que l'Ufage & la Raifon autorifent au Propre.

IV. Page 49. Vers 91.

Mais un Efprit fublime, en vain veut s'élever
A ce degré parfait qu'il tâche de trouver :
Et toujours mécontent de ce qu'il vient de faire,
Il plaift à tout le monde, & ne fçauroit fe plaire.
Et Tel, dont en tous lieux chacun vante l'efprit,
Voudroit pour fon repos n'avoir jamais écrit.

1. L'Et, qui commence le troifième Vers me paroît inutile; & je crois que fans lui la Phrafe auroit & plus de correction & plus de vivacité. Ce qui rend encore cet Et plus choquant, c'eft que le cinquième Vers commence auffi par un Et.

2o. Ce qui va fuivre paroîtra peut-être une Chicane. Je ne laifferai pas de l'écrire, parce qu'au fonds mon deffein eft moins de hafarder ici des décifions, que de propofer des doutes. Les deux derniers des Vers, que l'on vient de lire, ne forment à la rigueur avec les quatre autres, qu'une feule Période à trois Membres. Le fujet, dont on parle dans les quatre premiers Vers,eft un Esprit Sublime; & ce Terme complexe, remplacé dans le quatrième Vers

par le Pronom IL, eft le Nominatif de tous les Verbes de cette Période. Il fuit de cette observation que le Pronom indéfini TEL du cinquième Vers fe rapporte à ce Terme un Esprit Sublime; qu'il en eft en quelque forte un fuppléant, & qu'il équivaut à Tel Efprit fublime. Je demande à préfent ce que c'eft que cette portion de Phrase; Et Tel Efprit Sublime dont chacun en tous lieux vante l'efprit. Au refte, en faifant cette queftion, je ne prétends pas condamner Defpréaux. On voit fuffifamment que tel par Et Tel, il a voulu dire: Et Tel Auteur, Poëte; & fi je fais remarquer que fa Phrase n'eft pas affés exacte, c'eft parce qu'il s'en pourroit trouver de pareilles, dont le véritable fens ne se préfenteroit pas d'abord auffi bien.

REMARQUES SUR LA III. SATIRE,

I. Page 5. Vers 3.

Et ce vifage enfin plus pafle qu'un Rentier,

La Phrafe n'eft correcte qu'à la faveur d'une Ellipfe Il faudroit à la rigueur: Et ce vifage plus pâle que celui d'un Rentier. De pareilles Ellipfes feroient-elles condamnables dans les Vers; & ne pourroit-il pas même arriver quelquefois qu'elles euffent bonne grace dans une Profe oratoire ?

II. Page 52. Vers 11.

quelque longue pluye inondant vos vallons, A-t-elle fait couler vos vins & vos melons ?

1o. Je ne me fouviens pas où j'ai vu ce dernier Vers cenfuré mais la Critique en eft juste. Si l'on dit de la Vigne qu'elle coule, qu'elle a coulé; cela ne fe dit pas & ne peut pas fe dire des Melons, efpèce de Légume, dont les Pluies empêchent la maturité, mais qu'elles font d'ailleurs profiter &

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