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maladie de l'âme. On le compare à ces Humeurs, qui font enfler le corps; & l'on trouve qu'il produit dans l'âme des effets pareils à ceux que ces Humeurs font dans le corps. Pareils, c'est-à-dire, autant que l'Imagination fuppofe qu'il peut y avoir de la reffemblance entre les chofes corporelles & les chofes fpirituelles.

REMARQUES SUR LA I. SATIRE

I. Page 28. Vers 34.

Que George vive ici, puifque George y sçait vivre ;
Qu'un million comptant par fes fourbes acquis,
De Clerc, jadis Laquais, a fait Comte & Marquis.
Que Jacquin vive ici, dont l'adreffe funefte
A causé plus de maux que la guerre & la peste, &c.

C'eft une Règle effentielle de nôtre Sintaxe, que les Relatifs doivent toujours fuivre immédiatement les Termes, auxquels ils fe rapportent. Je dis les Termes & non les Subftantifs, parce que dans les Termes Complexes, l'Adjectif joint avec un Subftantif, eft cenfé ne faire avec lui qu'un feul mot. L'Homme favant & célèbre, qui vient de parler. Cette Phrafe eft dans la Règle. Il n'en eft pas de même de celles-ci: Que George vive ici, puifque George y fçait vivre, qu'un million comptant &c. Que Jacquin vive ici dont l'adresse &c. Le Relatif ne peut jamais être féparé par un Verbe de fon Terme de rapport. Mais, comme il eft fouvent néceffaire de les féparer, foit à caufe de la fuite des Idées, foit pour l'Harmonie; il s'eft introduit dans nôtre Langue un ufage, par lequel on rentre dans la Règle. Cet ufage eft d'inférer dans la Phrase le Pronom perfonnel, & de le placer immédiatement avant le Relatif. Ainfi les deux Phrafes en queftion feroient exactes, s'il y avoit dans l'une: Que George

George vive ici, puifque George y fçait vivre, LUI qu'un million &c. Que Jacquin vive ici, LUI dont Padreffe &c. Cet ufage eft une Règle, dont je ne crois pas que nos Poëtes fe puiffent difpenfer. Il eft vrai qu'il y a foixante ou quatre-vingts ans, on ne fe conformoit pas à cette Règle avec autant de fcrupule, que l'on s'y conforme aujour d'hui.

II. Page 32. Vers 74.

On le verra bien-toft pompeux en cette Ville,

Pompeux eft pour les chofes & non pour les per fonnes. On dit une Fête pompeufe, un Stile pompeux mais on ne dit pas un Homme pompeux s úne Reine pompeufe.

III. Page 35. Vers 95. Ceffons donc d'afpirer à ce prix tant vanté.

Ce tant au lieu de fi n'eft plus d'ufage, & ne doit plus paroître aujourd'hui que dans le Stile Marotique, ou dans le Stile Badin & Familier: IV. Page 36. Vers 106.

Il en revint couvert de honte & de rifée;

Couvert de honte eft une Expreffion jufte; mais je ne crois pas que l'on puiffe dire: couvert de risée; parce que la rifée eft quelque chofe qui fe paffe hors de fon objet. On fert de rifée aux autres, on eft la rifée des autres, on devient la rifée des autres, on s'expofe à la rifée des autres. J'ajoute, qu'à l'exception d'un petit nombre de Phrafes confacrées, le mot rifée n'eft guères d'ufage. J'ajoute encore , que par la même raifon, qu'on ne fauroit dire: couvert de rifée; on ne peut pas dire non plus: couvert d'eftime, couvert de mépris.

V. Page 36. Vers 111.

Et l'Esprit le plus beau, l'Auteur le plus poli,
Pourquoi n'avoir pas dit: Et le plus bel Efprit?
Deux raifons femblent l'exiger.

Tome V

V

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1°. Les Adjectifs, dont la terminaison est double, comme bel & beau, nouvel & nouveau, s'emploient dans la première terminaison, quand leurs Subftantifs commencent par une Voïelle; & l'ufage veut qu'ils les précèdent. Bel Homme, & non pas Homme beau; Nouvel an & non pas An nouveau. Cette Règle d'Ufage a lieu dans les degrés de Comparaifon comme dans le Pofitif. On dit Pierre est un plus bel Homme, & non pas un Homme plus beau que Paul. C'est le plus bel Homme, & non pas l'Homme le plus beau que j'aie vu. J'avoue pourtant, que beaucoup de nos Poëtes fe difpenfent de la Règle pour le Superlatif; ce qui fait, que par rapport à cette première raison, je n'ai garde de condamner nôtre Auteur.

2°. Bel Efprit eft une Expreffion confacrée au Pofitif & dans les Degrés de comparaison; &, comme l'Ufage ne permet pas d'altérer ces fortes d'Expreffions, il femble que fous ce point de vuë on peut fort bien condamner ici Defpréaux.

Au refte je dois avertir, que le Stile ou Badin ou Marotique, n'eft point fujet à toutes ces fortes de Règles de l'Ufage moderne. Je le fais obferver une fois pour toutes, & je m'épargnerai déformais l'ennui de le répèter.

VI. Page 39. Vers 139.

Qui pourroit les fouffrir? Et qui, pour les blamer
Malgré Muse & Phebus n'apprendroit à rimer?

Il faudroit en Profe: n'apprendroit pas à rimer. Je crois pourtant qu'on peut quelquefois fupprimer la feconde Négation, fur-tout dans les Phra fes interrogatives. Hors de-là la Règle oblige, en Vers comme en Profe; & ce Vers-ci pêcheroit certainement contre la Sintaxe :

On cût beau l'en preffer; il n'y voulût entendre.

VII. Page 39. Vers 141.

Non, non; fur ce fujet pour écrire avec grace, L'Inverfion eft trop dure, pour que la liberté, que l'on accorde aux Poëtes à cet égard, puiffe la juftifier.

VIII. Page 40. Vers 150,

Ainfi parle un elprit qu'irrite la Satire,
Qui contre fes défauts croit être en feureté,
En raillant d'un Cenfeur la trifte austerité ;

Qui fait l'homme intrepide, & tremblant de foibleffe
Attend pour croire en Dieu que la fiévre le preffe.

Je prens de ces Vers, qui s'entendent très-bien, l'occafion d'expofer quelques Règles de nôtre Sintaxe, dont l'observation eft néceffaire pour la clarté du Stile.

1o. A la rigueur, la Tranfpofition du Nominatif eft une faute en Profe, toutes les fois qu'elle n'eit pas néceflaire ; & dans le fond elle n'eft jamais néceffaire, que quand il y a dans la Phrafe un Relatif, qui fe rapporte à ce Nominatif. Il faut alors que le Nominatif aille après fon Verbe, en conféquence de la Règle, qui défend de féparer le Relatif de fon Terme de rapport. Ce feroit exemple, pécher contre la Sintaxe que de dire: Ceft ce que CICE'RON a remarqué, qui dans fon Oraifon &c. Il faut dire : C'est ce qu'a remarqué CiCE'RON, qui &c.

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2o. Ce que la nature du Relatif exige à l'égard du Nominatif du Verbe, l'Ufage le permet pour l'Harmonie: c'est-à-dire, que l'on peut tranfpofer le Nominatif, toutes les fois qu'en le laillant à fa place, on feroit une Phrafe, qui choqueroit l'Oreille.

3°. Voilà les deux Règles de cette espèce de Tranfpofition par rapport à la Profe, dans laquelle elle eft toujours un défaut, quand elle n'eft pas

néceffitée par la première Règle, ou juftifiée par la feconde. De ce que la Profe peut tranfpofer le Nominatif, pour rendre la Phrafe plus harmonieufe, les Poëtes, dont le droit eft d'étendre les Priviléges de la Profe, fe font attribué le pouvoir de mettre le Nominatif à la place, qui leur eft la plus commode, ou pour la mesure du Vers, ou pour la Rime. Et quoiqu'ils paroiffent à cet égard avoir toute liberté, cette liberté n'eft pourtant point fans bornes. Ils doivent s'aflujétir à la Règle que voici.

42. Lorfque dans une Phrase il y a plusieurs Relatifs, qui fe rapportent au Nominatif placé dans le premier membre de la Phrase, il ne faut point tranfpofer les Nominatifs, qui fe rencontrent dans les autres Membres de cette Phrase, parce que ces Nominatifs tranfpofés, précèdant immédiatement. des Relatifs appartenans au premier Nominatif, il 'eft impoffible qu'il n'y ait quelque chofe de louche dans le cours de la Phrase, & qu'il n'en réfulte quelque embaras pour le Lecteur. Ainfi parle un Efprit, qu'irrite la Satire, Qui contre les défauts croit être en feureté, En raillant d'un Cenfeur la triste austérité : Qui fait l'Homme intrépide &c.

Voilà trois Relatifs, dont le premier fe rapporte au mot Efprit, & les deux autres s'y rapportent auffi par le fens; mais la mauvaise Transpofition du mot La Satire, eft caufe que c'eft à ce mot que la Sintaxe rapporte ces deux autres Relatifs. Il eft vrai qu'à la moindre attention, la fuite du fens fait difparoître toute ambiguité; parce qu'il n'eft pas poffible que l'on veuille dire de la Satire, qu'elle fait l'Homme intrépide. Mais avant que d'arriver à ce troifième Relatif, il faut avoir paflë par le fecond; & ce fecond Relatif peut fort bien, avec le NOMINATIF la Satire, former un fens qui

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