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dre ennuïeufe, & peu digne de l'Auteur, qu'on n'y fauroit reconnoître.

On peut dire la même chose de la XII. Satire, dont les Vers font encore moins coulans. Ces deux Pièces font fentir combien l'âge avoit fait baisler l'efprit de Defpréaux. Quoiqu'on y trouve encore du bon fens, (9) on n'y voit rien de cette jufteffe & de cette précifion, qui caractérise les Ouvrages, qu'il a compofés, êtant plus jeune, fur tout depuis l'âge de trente ans jufqu'à quarante, où la folidité & la force des pensées font foutenues de toutes les graces de la vivacité & du tour d'ef prit.

REMARQUES.

falloit fe técrier : mais fur ce qu'elle pêche contre une forte de bienséance, à laquelle les Auteurs doivent toujours s'aflujétir. Comment Defpréaux n'a-t-il pas vu qu'il choquoit cette bienfeance, en amenant fur la Scène le bon Roi Saturne dans l'instant même qu'il venoit d'y faire paroître les Chretiens, l'Evangile, la Pénitence. C'eft pêcher contre le bon-fens, que d'unir dans le même Ouvrage le langage du Chriftianifme à des Fictions tirées de la Religion Païenne.

(9) on n'y voit rien de cette jufteffe de cette précision, &c.] Il eft certain, que la Satire de l'Equivoque eft le plus foible Ouvrage de nôtre Auteur, & qu'en bien des endroits elle manque de précifion; c'est-à-dire, (car le terme eft équivoque, ainfi que j'ai pris foin d'en avertir ailleurs), que le tour d'Expreffion, que l'Elocu-, tion en eft fouvent allongée, & n'a prefque jamais rien de cette heureufe concifion, qui met tant de force & de vivacité dans les premiers Ouvrages de Defpréaux. On peut faire le même reproche à la plus grande partie de la X. Satire plus légitimement encore qu'à la XI. Si l'on prend ici le mot de précision dans fon véritable feus, le reproche n'a pas tout à fait autant de juftice. Defpréaux emploie dans fa XII. Satire des Expreffions convenables aux Penfées & celles-là même qui les peuvent rendre le mieux. Il refte à favoir fi ces Penfées ont réellement de la juftefle; & l'on peut dire qu'elles ont toute celle que peut avoir un Ouvrage, qui n'eft dans fa totalité qu'un jeu d'efprit, & qui ne doit pafler que pour une déclamation purement allégorique. L'Auteur de ces Réflexions de voit avoir fait celle que je viens d'annoncer, & prendre garde à ne fe pas contredire. Après avoir dit, qu'on trouve encore du bon fens dans la XII. Satire, il ne pouvoit pas accufer cette Pièce de manquer de jufteffe, puifque celle-ci ne diffère du bon-fens, que comme l'effet diffère de la caufe.

Tome V.

Τ

(10) La Satire contre les Femmes tient, pour ainfi dire, le milieu entre les Pièces excellentes & les Ouvrages médiocres de ce Poëte. Inférieure aux Satires, qui la précèdent, la Poëfie en eft moins exacte & moins légère, le Stile moins noble, & la Narration plus confufe. Quelques Portraits font chargés de circonftances étrangères au fujet, tels que ceux de la Dévote, de la Coquette & de l'Avare. Ce dernier furtout donne dans l'excés par cette longue hiftoire qui eft hors de place, d'un Stile trivial & bas depuis ce Vers, (11) Mais, pour bien mettre ici leur craffe en tout fon luftre Il faut &c.

(12) L'Auteur auroit mieux fait de fuivre le confeil de Racine, de retrancher cette addition & même toute l'Hiftoire, qui eft peu intéreffante pour les perfonnes de goût. A ces défauts près la Pièce

REMARQUES.

(10) La Satire contre les Femmes &c.] 1°. Cette Satire ne tient point le milieu entre les Pièces excellentes & les Ouvrages médiocres du Poëte. Je la crois inférieure, à bien des égards, à la XII. Satire.

2. Il eft vrai que la Verfification en eft quelquefois moins exacte & moins légère, que celles des Pièces qui la précèdent.

3. Si le Stile a moins de nobleffe, ce n'eft pas un reproche à lui faire. La nature de l'Ouvrage demandoit uniquement un Stile familier anobli, c'eft-à-dire, le langage de la Converfation des Honnêtes Gens; & l'on pourroit même reprocher à Despréaux de s'être quelquefois élevé plus qu'il ne l'auroit du.

4°. Je n'entens point ce que l'Auteur de ces Réflexions veut dire, en accufant la Narration d'être plus confuse dans la X. Satire, que dans les précèdentes. Ce qui s'y trouve de Narration a toute la nobleffe poffible, mais il y faudroit un peu plus de rapidité.

5°. Enfin, quant aux Portraits chargés de circonfiances étrangères au fujet, j'ai détruit d'avance cette accufation, par ce que j'ai dit ci-deffus dans la Remarque 6.

(11) Mais, pour bien mettre ici &c. ] Satire X. Vers 309. Tome I. page 186.

(12) L'Auteur auroit mieux fait de fuivre le confeil de Racine, &c.] Defpréaux n'eft pas auffi blâmable, & le confeil de Racine n'êtoit pas auffi bon, qu'on le voudroit faire croire.

a des beautés, qui la mettent au deffus des deux autres, qui la fuivent. Il y a quantité de traits hardis; (13) la plufpart des Tranfitions en font heureufes; & l'on y trouve des penfées & des fentimens, qui font dignes de l'Auteur.

Les autres Satires de Defpréaux découvrent mieux fon génie & fon caractère, & le font voir tel qu'il eft; Ami du Vrai, connoiffant la Nature, dont il fuit la fimplicité. Ennemi déclaré du vice & du mauvais goût, il attaque l'un avec force, & l'autre avec difcernement; fans fortir jamais des bornes de la modeftie & de la retenue. La modération règle fon enjoument, & le fel affaifonne toujours fa plaifanterie. Il y a pourtant de la différence entre ces Pièces, la I la IV. la V. & la VI. ne font pas du prix de la II. de la III. & de la VII. (14) qui paroiffent plus originales, & où l'Art fe découvre moins, quoiqu'elles foient plus travaillées. La I. a beaucoup de vivacité & de feu. Le projet, qui en eft ingénieux, eft tiré de Juvénal. L'exécution ne la cède point à celle du Poëte Latin, & paroît même plus diverfifiée. Je ne fais pourquoi Def préaux a voulu ajouter à la fin le Portrait d'un

REMARQUES.

(13) la plupart des Tranfitions en font heureuses; ] BROSSETTE & beaucoup loué les Tranfitions de la X, Satire, & l'Auteur de ces Réflexions y joint fon fuffrage. Pour le premier on pourroit dire. qu'il a fait fa charge. A l'égard du fecond, qui fait voir du goût & du fens, je m'étonne de ce qu'il dit en cet endroit. En général Defpréaux n'eft point heureux en Tranfitions. Je l'ai déja fait remarquer quelque part; & j'ofe dire, que de toutes fes Pièces de Poefte, la X. Satire eft celle qui pêche le plus par cet endroit.

(14) qui paroiffent plus originales, &c.] La II. & la VII, Satires paroiffent & font véritablement originales. Pour la III, elle ne l'est que dans quelques traits de détail. Son ensemble eft une Copie, quelquefois même un peu fervile, du Repas d'Horace, & très-inférieure à bien des égards à celle qu'en a faite Regnier, que Delpréaux copie même en quelques endroits.

Athée, qui n'eft point amené à propos. (15) Il au roit mieux fait de finir par ce Vers:

Où tout me choque, enfin où je n'ose parler.

La Pièce n'y auroit rien perdu & la chute en êtoit plus belle.

La II. adreffée à Molière eft un modèle de bon fens & de régularité, tout y eft jufte & fuivi. Cette Pièce peut aller de pair avec les plus belles d'Horace, ainfi que la III. qui eft plus remarquable par l'enjoûment. Le ridicule y eft découvert d'une manière vive & délicate. Il me femble que (16) la Satire d'Horace, qui traite le même fujet, ne l'égale pas en beauté. (17) La IV. & la V. de Despréaux font les moindres des neuf premières. L'Art y pa

REMARQUES.

(15) Il auroit mieux fait de finir par ce Vers: &c. ] C'est le Vers 136. de la Sat. I. Tome I. page 39. La chute auroit fans doute êté fort heureufe, ainfi qu'on le dit ici; mais il n'en faut pas conclure, que les vingt-fix Vers qui fuivent, foient de trop, & que le Portrait d'un Athée ne foit point amené à propos. Il l'eft, autant qu'il eft néceffaire dans une Satire. Mais il y a de mauvais Vers dans ce Portrait. Ils ont choqué nôtre Critique; & par un défaut d'attention, il s'en eft pris au tout de ce qui lui déplaisoit dans une partie. Enfin ce même Morceau pèche réellement par les endroits que Segrais a remarqué. Voïès, l'Extrait du Šegraisiana,

N. VI.

(16) la Satire d'Horace.. ..ne l'égale pas en beauté. ] Cela peut paller pour très-vrai. Mais celle de Regnier, quoique pleine de défauts, la furpaffe cependant de beaucoup à cet égard.

(17) La IV. & la V. de Defpréaux font les moindres des neuf premières. &c.] 12. La IV. eft fans contredit la moindre de toutes. Ce n'eft, pour ainsi dire, qu'un foible Effai de ce que l'Auteur autoit pu faire fur le plus beau deflein de Satire qu'il y ait jamais

cu.

2o. La v. a des défauts & même confidérables. Elle n'eft cependant point au-deffous de la I. ni de la VI.

3. L'Art ne fe fait pas plus voir dans ces deux Satires, que dans la III. ou dans la VII. & les Imitations n'y font pas plus fenfibles qu'ailleurs; elles le font même bien moins que dans la I. & la III. dont les plans font entièrement pris de Juvénal & d'Ho

race.

4°. Le Stile de la IV. & de la V. Satires a de la douceur, qui

roit, & les Imitations y font fenfibles. Le Stile en eft plus rude & moins fuivi, & les pensées moins liées entre elles. (18) Quoique la VI. n'ait pas beaucoup de force, la fimplicité du Stile & de la Verfification, lui donnent beaucoup de mérite. Tout y eft pris du fonds du Sujet, & préfente une Image fenfible de l'Embaras, qu'il veut décrire.

(19) L'Auteur des Lettres fur les Anglois & fur les François, a fait une mauvaise Critique de cette Satire. 11 prétend que le Poëte n'a pas entendu fa matière, & qu'il s'en devoit prendre au Luxe, & non pas au bruit que font les Ouvriers, les Cloches & les Animaux, qui felon lui, ne font pas des fujets de Satire. Si Defpréaux avoit voulu parler des caufes de l'Embaras, qui fe trouve dans une grande Ville, le Luxe y auroit pu entrer, parce qu'il occafionne quelquefois la foule & le tumulte : mais il ne s'agiffoit que de faire voir la caufe de fa mauvaife humeur fur les Incommodités, qu'il trouvoit à Paris, & dont il n'avoit pas les moïens de fe garantir par un Equipage, & par une Maison éloignée du bruit. Eft-il en effet un honnête Homme

REMARQUES.

peut s'allier avec la force que les Sujets demandoient ; & je ne fais pas ce que l'Auteur entend en le difant plus rude que celui des autres Satires. Quand il ajoute, que ce Stile eft aufli moins fuivi; je crois que cette Expreffion eft là pour rendre une autre idée que celle qu'elle préfente, ou, pour parler plus jufte, elle tient la place d'une autre Expreffion, qui rendroit une Idée, au lieu qu'elle n'en rend aucune.

5. Il faut convenir que les Penfées font moins liées dans ces deux Satires, qu'elles ne le font ailleurs. C'eft le défaut de la fin de la IV. & de la V. entière.

(18) Quoique la VI, n'ait pas beaucoup de force, &c. ] Il êtoit inutile de faire cette obfervation. La force feroit un défaut dans un Ouvrage, qui ne demandoit qu'une fimplicité naïve, & relevée de tems en tems de quelques ornemens, pour éviter la Monotonie, & foutenir l'attention du Lecteur.

(19) L'Auteur des Lettres &c. ] M. de Muralt. Je rendrai comte des Critiques de ce Philofophe Suiffe, & des Rponfes du P. Brumei.

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