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jet de la rifée publique, & qu'il ne fe peut jamais relever de cette funefte chute. (47) Le goût de la vieille Cour n'eft pas un rempart bien ferme....

Vous n'êtiés point encore en âge de lire, lorfque (48) le premier Volume du Mercure GaTant fut imprimé. Cela me fait croire que vous n'avés point de connoiffance de deux faits, que l'on y trouve. Voici le premier. Bien des gens font des applications de la Comédie des Femmes Sçavantes; & une querèle de l'Auteur, il y a environ huit ans, avec un Homme de Lettres, qu'on prétend être réprésenté par M. Triffotin, a donné lieu à ce qui en eft publié mais M. de Molière s'eft fuffiJamment juftifié de cela par une Harangue, qu'il fit au Public deux jours avant la première répréfentation de fa Pièce. Et puis ce prétendu Original de cette agréable Comédie, ne doit pas s'en mettre en peine, s'il eft auffi fage & auffi habile homme, qu'on le dit;& cela ne fervira qu'à faire éclater d'avantage fon mérite, en faisant naître l'envie de le connoître, de lire fes Ecrits, & d'aller à fes Sermons. ARISTOPHANE ne détruifit point la réputation de Socrate, en le jouant dans une de Jes Farces, & ce grand Philofophe n'en fut pas moins eftimé dans toute la Grèce.

Voici l'autre fait. M. l'Archevêque de Paris, Directeur de l'Académie Francoife, la mena ces jours paffés à Versailles, pour remercier le Roi de l'honneur, qu'il a fait à cette illuftre & fpirituelle Compagnie, d'en vouloir prendre la place de Protecteur, qu'avoit feu M. le Chancellier... M. Dangeau... qui eft auffi de l'Académie, traita magnifiquement ce

REMARQUES.

(47) Le goût de la vieille Cour &c.] Nos Neveux en pourront dire autant de ce Siècle.

(48) le premier Volume du Mercure Galant ] Il parut en 1672.

:

Prélat avec tous les Académiciens fes Confrères. M. Cotin n'étoit point de ce nombre, de peur, dit-on, qu'on ne crût qu'il s'étoit fervi de cette occafion, pour Je plaindre au Roi de la Comédie, qu'on prétend que M. de Molière ait faite contre lui: mais on ne peut croire qu'un Homme, qui eft fouvent parmi les premières perfonnes de la Cour, & que MADEMOISELLE honore du nom de fon Ami, puiffe être cru l'objet d'une fi fanglante Satire. Le Portrait en effet, qu'on lui attribue, ne convient point à un Homme, qui a fait des Ouvrages, qui ont eu une approbation auffi géné rale que fes Paraphrafes fur le Cantique des Cantiques. Je ne parle point de fes Oeuvres Galantes, dont il y a plufieurs Editions. Ce font des jeux, où il s'amufoit avant qu'il fit la profeffion, qu'il a embraffée, avec autant d'aufterité qu'on fait qu'il la fait

maintenant.

Je crois qu'on fe trompe, quand on dit qu'une querèle de Molière avec l'Auteur répréfenté fous le nom de Triffotin a donné lieu aux applications. Bien des gens ont cru que ce fut plutôt la querèle qu'eut Menage avec Cotin au fujet de Mademoiselle de Scudéri. Vous en trouverés le détail dans un petit Livre intitulé (49) La Ménagerie, que l'Abbé Cotin dédia à Mademoiselle. C'est une Pièce très-piquante & affés ingénieufe....

La Théoclée de l'Abbé Cotin, ou La vraye Philofophie des Principes du Monde, n'eft pas un bon Livre, n'en déplaife à l'Abbé de Villeloin. Ses Oeuvres galantes font en leur espèce beaucoup meilleures. Il y a trop peu de nerfs dans cet Ouvrage Philofophique, & trop de paroles. Le Dialogifme,

REMAR Q O E S.

(49) La Menagerie, ] L'Edition, dont je me fers Haye, 1666. de 37. pages in-12. BAYLE.

eft de La

que l'Auteur emploie, eft une fource continuelle d'inutilités.

Ses Sermons, (50) au dire de M. Perrault, qui y avoit affifté, fans y être au large, contentoient tout l'Auditoire. Je m'en rapporte à ce qui en eft, & je pense que vous en faites autant: mais fi vous n'avés pas lu cet endroit des Parallèles, vous ferés bien de le lire. Vous verrés des circonftances fort fingulières de la Vie de l'Abbé Cotin. On l'y repréfente grand Grec & habile dans les Langues Orientales. Si vous joignés à cela ce que Richelet en a dit, vous ne manquerés pas de faire attention à la période, où il le fait d'une humeur un peu trop-coquette pour un Abbé ; car il fréquentoit fans ceffe les Femmes. Il n'en aimoit, il est vrai, que l'efprit & la converfation, dans la pensée, où il étoit, qu'elles polifoient les mœurs. Je ne doute pas que Richelet, en parlant ainfi, ne fe fondât fur la Préface, où Cotin expofe que l'heureux commerce qu'il avoit eu avec les aimables perfonnes du Beau-Sexe, dès fes jeunes ans, & qui dure encore aujourd'hui, avec joie, ne lui laiffe rien à fe reprocher.... Je dois leur rendre ce témoignage, continue-t-il, que leurs innocentes faveurs ont adouci tout le chagrin de ma vie, m'ont mis en état de me paffer plus aisément de ce qu'on appelle Fortune. Ce n'eft pas que j'aie reçu jamais des Dames les plus magnifiques aucun de ces avantages, que les Ambitieux & les Avares appellent des biens effentiels: mais c'eft qu'en fervant des Perfonnes illuftres, comme on fait la Vertu, pour elles-même, mes fervices ont fait mon plaifir & ma récompenfe. Les Femmes de qualité ont poli mes mœurs, & cultivé mon efprit; &, comme je

REMARQUES.

(50) an dire de M. Perrault,] Voiés, LETT. DE PERR. Rem, 6. Tome II. page 305.

ne leur ai jamais eu d'obligation pour ma fortune, ja n'ai jamais fouffert auprès d'elles de fervitude ni de contrainte, & n'ai point eu d'attachement que trèsvolontaire. Avec la douceur de la vie, j'ai confervé, parmi les plus dangereufes, la raison & la liberté.

Voilà un très-beau modèle à propofer à ceux qui, comme Cotin, veulent fréquenter fans ceffe les Femmes: il n'en aimoit que l'efprit & que la converfation; il n'y cherchoit qu'à polir fes mœurs....

Mais afin de pouvoir comprendre que cette inclination à coqueter, s'êtant renfermée dans de telles bornes n'eft point une tache fur la vie de l'Abbé Cotin, il faudroit favoir qu'il n'a point prêché. Or où eft l'homme, qui puiffe en prétendre caufe d'ignorance, après la Satire de M. Defpréaux? Puis donc qu'on ne fauroit féparer fa qualité de Prédicateur d'avec celle de Galant, il eft impoffible de ne pas trouver en lui un grand défordre. Un Prédicateur affidu auprès des Femmes, & qui fe met fur le pied de Bel-Efprit & de Faifeur de Madrigaux, eft bien-aife qu'elles le voient en Chaire, & qu'elles admirent fon éloquence; & pour cet effet il les avertit qu'il prêchera un tel jour. Il n'oublie pas de dire qu'il redoute leurs oreilles délicates, & de fe recommander à leur indulgence. On lui rend bientôt fon encens; on lui jure qu'on fera charmé des beautés de fon Sermon. Les Complimens fe renouvellent deux ou trois fois de part & d'autre. Ce fera, fi vous voulés, la clôture d'un long entretien fur des bagatelles de Galanterie. On va l'entendre, & l'on voit que de la même bouche, d'où fortent journellement mille Fleurettes, il détaille les plus févères Maximes & les plus profondes Verités de la Religion. Quel effet peuvent-elles faire? Il va voir bien-tôt fes Amies, & débute par les remercier de leur attention. Les coups d'encenfoir commencent de part & d'autre

par rapport à l'Homélie: & peu après on entre dans les converfations ordinaires. Quel mélange! Quelle difparate!

L'ordre veut fans doute qu'un Abbé prenne le parti d'opter. S'il fe mêle de Prédication, il doit renoncer aux Poëfies & aux Vifites galantes, & s'il n'y veut pas renoncer, il faut qu'il s'abftienne de la Chaire. Elle demande la gravité des Mœurs, & le tient quitte de la politeffe, qui s'acquiert auprès des Femmes. (51) M. Baillet, fuivant ce principe, a bien fait fentir les irrégularités de l'Abbé

Cotin....

Je ne fai fi la mémoire de Cotin fera jamais réhabilitée. J'en doute un peu; car les traits, dont M. Defpréaux l'a percé, font tournés d'une manière que tout le monde les fait par cœur, & les applique à tout propos. Cela fomente & perpétue la prévention, de forte qu'on ne fera guère difpofé à examiner les Ouvrages de Cotin, ou à leur rendre juftice, quand même ils mériteroient au fonds quelques éloges; & en le voïant tout couvert de plaies, comme le Déiphabe de Virgile, on ne s'ecriera point:

(52) Quis tam crudeles optavit fumere pœnas? Cui tantum de te licuit?

(53) Quelle étrange fureur

D'un pareil attentat pût concevoir l'horreur ?

X. (54) Je commence par (l'endroit de vôtre Lettre) où vous m'apprenés que mon Dictionnaire

REMARQUES.

(1) M. Baillet] Voïés, Extrait des Mélanges Hifloriques, N. VI. p. 167.

(52) Quis tam] VIRGILE, Eneide, Liv. VI. Vers for. (3) Quelle étrange fureur] SEGRAIS, Traduction de l'Eneid. (54) Je commence &c.] Oeuvres Div. Tome IV, Lettre CCXVII. & M. Marais, Avocat au Farlement,

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