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faire accroire que je fuis le Savant, qui parle d'un ton doux. Ce font chofes cependant que Molière défavouoit. Mais le Triffotin de cette même Comédie eft l'Abbé Cotin; jufques-là que Molière fit acheter un de fes habits pour le faire porter à celui qui faifoit ce Perfonnage dans fa Pièce. La Scène où Vadius fe brouille avec Triffotin, s'eft paffée véritablement chés (21) M. B...... Ce fut M. Def préaux, qui la donna à Molière.

(22) Molière joua d'abord Cotin fous le nom de Tricotin, que plus malicieufement, fous prétexte de mieux déguifer, il changea depuis en Triffotin, équivalent à trois fois fot. Jamais Homme, excepté (23) Montmaur, n'a tant êté turlupiné que le pauvre Cotin. On fit en 1682. peu de tems après fa mort, ces quatre Vers.

Savés-vous en quoi Cotin

Diffère de Triffotin?

Cotin a fini fes jours,

Triffotin vivra toujours.

A l'égard de Vadius, le Public a êté perfuadé que c'êtoit Ménage; & Richelet, aux mots s'adreffer & reprocher, ne l'a pas diffimulé.

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REMARQUES.

avoit introduit Ménage chés Madame de Rambouillet. Ce dernier allant voir cette Dame après la première Répréfentation des Femmes Sçavantes, où elle s'êtoit trouvée; elle ne put s'empécher de lui dire: Quoi! Monfieur vous fouffrirés que cet impertinent de Molière nous joue de la forte? ME'NAGE ne lui fit point d'autre réponse que celle-ci : Madame, j'ai vu la Pièce ; elle es , parfaitement belle. On n'y peut rien trouver à redire & à critiquer,,. (21) M. B......] Cette Lettre initiale fignifieroit-elle Boi lean? Dans le Bolaana N. XIX. il eft dit, que la Scène originale de celle de Vadius & de Trifotin s'êtoit paflée entre l'Abbé Cotin & Gilles Boileau.

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(22) Molière &c.] C'eft une Addition de M. de La Monnoie. (23) Montmaur, &c.] Voïés, Tome I. page 31. Sat. I. Vers 80. Rem.

XV. (24) La Scène des Plaideurs de M. Racine, où Chicanneau fe brouille avec cette Comteffe, qui prétend qu'il a dit à tort qu'il falloit la lier;" eft arrivée de la même manière qu'on la rapporte, chés M. Boileau le Greffier. Chicanneau êtoit M. le Président de L..... Je ne fais point qui êtoit la Comteffe: mais j'ai fu autrefois fon nom; & il me fouvient feulement que lorsqu'on la joua pour la première fois, on avoit confervé à celle qui la répréfentoit fur le Théâtre un habit de rofe fèche & un mafque fur l'oreille, qui êtoit l'ajuitement or dinaire de cette Comteffe.

XVI. M. Defpréaux a déclaré plus d'une fois que fi dans le tems qu'il fit imprimer fa Poëtique, les Rondeaux de Benferade euffent paru; il n'auroit eu garde de parler de lui avec éloge (25) à la fin du IV. Chant, comme il a fait.

XVII. M. Boileau Defpréaux êtoit un jour chés M. le Premier Préfident (de Lamoignon) à Bâville. Il y avoit-là des Cafuiftes, qui foutenoient hardiment, qu'un certain Auteur connu avoit eu raifon de faire un Livre exprès pour prouver que nous n'êtions point obligé d'aimer Dieu; & que ceux qui foutenoient le contraire avoient tort, & impofoient un joug infuportable au Chretien, dont Dieu l'avoit affranchi par la nouvelle Loi. Comme la difpute s'échauffoit, M. Despréaux, qui avoit gardé jufqu'alors un profond filence: "Ah!la belle chofe, s'ecria-t-il en fe levant, que ce fera au ,, jour du dernier Jugement, lorfque Nôtre Seigneur dira à fes Elus : Venés les Bienaimés de mon Père, » parce que vous ne m'avés jamais aimé de vôtre vie ;

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REMARQUES.

(24) La Scène des Plaideurs &c.] Voïés, Tome I. pag. 60. Sat, III. Vers 105. Rem.

(25) à la fin du IV. Chant, ] Vers 200. Tome II. page 164.

Tome V.

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», que vous avés toujours défendu de m'aimer; & ,, que vous vous êtes toujours fortement opppofés à ,, ces Hérétiques, qui vouloient obliger les Chrétiens de m'aimer! Et vous au contraire, allés au Diable en Enfer, vous les Maudits de mon Père, parce ,, que vous m'avés aimé de tout vôtre cœur, que ,, vous avés follicité & preffé tout le monde de m'aimer,,. (26) Il fit rire toute la Compagnie, & perfuada plus efficacement par cette raillerie la néceffité de l'Amour Divin, que M. Arnauld n'avoit pu faire par des Livres entiers & par les difcours les plus éloquens.

-Ridiculum acri

Fortius ac melius magnas plerumque fecat res.

XVIII. M. Defpréaux êtant conftamment celui de nos Poëtes, dont la Verfification eft la plus finie, il eft extrêmement difficile de conferver dans les Traductions, qu'on entreprend de quelques-unes de fes Pièces l'Elégance, la Force, & même la Naïveté apparente, quoique étudiée, du François.

XIX. Deux Peintres célèbres, Rigaud & de Troy, ont peint M. Defpréaux.. Ces Portraits font eftimés, les Estampes faites d'après font très-belles, & les Infcriptions mifes au bas, l'une en Profe Latine, l'autre en Vers François, font très-juftes. Voici la première: NICOLAUS BOILEAU DESPRE AUX morum lenitate, & verfuum dicacitate æque infignis. Feu M. Lainez, qui fe piquoit, en matière de Latinité, d'une grande délicateffe, trouvoit quelque chofe à redire à verfuum dicacitate, (27) ce qui me donna

REMARQUES.

(26) Il fit rire toute la Compagnie, ] Voïés, Tome I. page 434. Epit. XII. Vers 191, Rem.

(27) ce qui me donna lieu de lui écrire &c.] C'est M. de La Monmeie, qui parle.

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lieu de lui écrire cette Lettre, le 9. Septembre 1709.

"Il y a quelque tems, Monfieur, que dans la rencontre vous me parlâtes de l'Infcription Latine mise au bas du Portrait de M. Defpréaux. Je ,, la trouve d'une jufteffe fans égale, & le Pinceau, à mon fens, ni le Burin n'ont pas mieux attrapé ,, la reffemblance du Poëte, que l'Infcription l'a caractérisé. Morum lenitas, & Verfuum dicacitas ne laiffent rien à defirer. Cet heureux contraste ,, remplit admirablement l'idée, que nous devons nous faire de ce Grand Homme. Vous n'en difconvenés pas. Vous doutés feulement que dans ,, l'exacte LATINITE' dicacitas puiffe quadrer avec ,, verfuum, parce qu'il ne vous revient pas que dicax fe dife de verfus ni d'oratio, comme de Poëta & d'orator. Vous me demandés du moins, pour ,, vous convaincre du contraire, un exemple tiré ,, de quelqu'un de ces Auteurs vulgairement nommés Claffiques. Je n'ai garde fur ce pied-là de vous ,, alléguer cet endroit de Sidonius Apollinaris dans fon Poëme intitulé Narbo:

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Quid multos varii styli retexam,

,, Arguti, teneri, gracilis, dicacis.

,,Car c'eft conftamment ainfi qu'il faut lire, & ,,non pas graves, dicaces, avec (28) le P. Sirmond fans néceffité, & contre l'ordre naturel de la Construction. Je vous alleguerai bien moins le Hollandois (29) Gafpar Barlæus, qui dans sa

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REMARQUES.

(28) le P. Sirmond ] Voïés, Tome III. Lett. à M. Perr, dans la Remarque 23. page 380.

(29) Gafpar Barlans, ] ORATEUR & Poëte Latin, naquit à Anvers en 1584. Il mourut à Amfterdam le 14. Janvier 1648. dans un Puits, où l'on ignore s'il s'êtoit jetté volontairement ou s'il êtoit tombé par mégarde. Ce qu'il y a de vrai, c'eft qu'il êtoit

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,, Préface fur les Poëfies de (30) Conftantin Huggens ,, a donné l'Epithète de dicax à cufpis. Je ne vous citerai pas même Aulu - Gelle, qui, Chap. II. ,, du Liv. XII. des Nuits Attiques, n'a fait nulle difficulté de dire: levi & quafi dicaci argutia, fur la foi peut-être de quelqu'un de ces Anciens, dont on fait qu'il a êté grand imitateur. Je me ,, réduirai feulement à deux témoignages,l'un d'Ho,, race, l'autre de Sénèque le Tragique. HORACE, ,, vers 225. de fon (31) Epitre aux Pifons a dit: Verum ita rifores, ita commendare dicaces Conveniet Satyros;

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Où Satyros, non plus que dans le Vers 235. Satyrorum fcriptor, ne doit pas s'entendre de ces Dieux Chevrepieds nommés Satyres, mais des Tragicomédies Satyriques des Grecs, & telles que le » Ciclope d'Euripide, l'unique Pièce de ce genre, qui nous foit restée entière. Comme les Grecs » difoient Záruggy repe, les Latins Satyrum fcribere, écrire un Satyre, (32) CASAUBON prétend

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REMARQUES.

attaqué d'une maladie, qui pouvoit pafler pour folie. Il n'écrivoit pas purement; mais il y a beaucoup de génie & d'élévation dans fes Poefies. Il avoit êté Miniftre avant le Sinode de Dordrect, & fut enveloppé dans la difgrace des Remontrans, dont il fuivoit le parti. C'est ce qui lui fit embrafler la Profeffion de la Médecine qu'il vint étudier pendant deux ans à Caen. Dans la fuite il fuc fait Profeffeur de Philofophie de l'Ecole illuftre d'Amfterdam, lorfqu'elle fut établie.

(30) Conftantin Huggens ] En Latin, Conflantinus Hugenius. Il êtoit né à la Haie le 4. Septembre 1996. Il fut Secretaire des Commandemens, & Préfident du Confeil du Prince d'Orange; poste qui le mettant en êtat de rendre fervice à beaucoup de gens, l'a fait combler d'éloges, qu'il ne méritoit pas, & que l'on a recueillis à la tête de l'Edition de fes Poeftes, fous le titre de Refcripta de Monumentis. Ses Poeftes font au-deffous du médiocre. Il mourut en 1687. âgé de plus de 90. ans.

(31) Epitre aux Pifons ] L'Art Poëtique.

(32) Cafaubon ISAAC Cafaubon né à Genève le 8. Février 1519. & mort en 1614. âgé de 55. ans, êtoit fils d'un François réfugié

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