Page images
PDF
EPUB

VIII. A la Cour tout le monde difoit gros pour grand: une groffe chère, une graffe qualité, une groffe réputation. Un jour le Roi, êtant chés Madame de Montefpan, témoigna n'aimer pas cette expreffion nouvelle, (10) Defpréaux, fe trouvantlà, dit qu'en effet il êtoit surprenant qu'on voulut mettre par tout gros pour grand; & que par exemple il y avoit bien de la différence en Louis le GROS & Louis le GRAND. Ce mot coulé de la forte ne parut pas déplaire au Roi.

IX. Barbin avoit une Maifon aux champs, qu'il avoit pris grand foin d'enjoliver: mais dont la vue êtoit extrêmement bornée. (11) Defpréaux y dina un jour d'êté, & en quittant Barbin, il lui dit: Je m'en vais prendre l'air à Paris.

X. Le P. Bouhours a traité d'une manière bien différente les Sentimens de CLE'ANTHE fur les Entretiens d'Arifte & d'EUGENE &_ ceux de Cléarque fur les Dialogues d'Eudoxe & de Philanthe. (La manière de bien penfer &c. ) Il a fait ce qu'il a pu pour faire fupprimer les premiers; & il n'a pas êté en fon pouvoir de fuivre l'avis du P. Commire, qui lui avoit confeillé de les mépriser.

Ne fit, Buhurfi, magnanimo pudor
Vanum Cleanthem ferre filentio,

Tuaque ne digneris ira

Pugnæ avidum juvenem fuperbæ. Mais pour les Sentimens de Cléarque, il les donnoit lui-même à fes amis, comme M. Defpréaux le faifoit des Ecrits, que l'on publioit contre lui. Les Sen

REMARQUES.

(10) Despréaux, se trouvant·là, dit &c. ] Voïés, ci devant page 2. N. II. du Bolaana.

(11) Defpréaux y dina &c.] Voïés ci-devant p. 48. N. XLVII. dy Bolaama.

timens de Cléanthe (12) paffant pour être de M. Barbier d'Aucour, un des meilleurs fujets de l'Académie. On m'a dit que les Sentimens de Cléarque êtoient de (13) M. Andri.

REMARQUES.

(12) paffant pour être de M. Barbier d'Aucour, ] JEAN Barbier d'Aucour, Avocat au Parlement, & de l'Académie Françoise, êtoit de Langres, d'une Famille extrêmement pauvre, & dont il ne pouvoit attendre aucun fecours pour fes études. Son génie & fon application y fuppléèrent. A quatorze ans il vint faire fa Philofophie à Dijon, où le Président Juli de Blaizi prit foin de lui pendant ce tems. Il vint enfuite à Paris, fe mit Répétiteur au Collége de Lizieux, & fe fit recevoir Avocat après avoir fait fon Droit, Comme il demeura court en commençant fon premier Plaidoïer, il ne voulut qu'écrire, & fes Factums font voir qu'il pouvoit aller loin dans la Plaidoirie. Son mérite fût connu de M. Colbert, qui le fit Précepteur d'un de fes Fils & dans la fuite lui donna pour récompenfe une Commiffion de Contrôleur des Bâtimens. Après la mort de fon Bienfaiteur, n'aïant pour tous biens que fa Commiffion, dont les appointemens êtoient peu confidérables & mal païés, il fe trouva tout auffi mal à l'aife qu'il l'êtoit, lorsqu'il entra chés M. Colbert, & fut obligé de chercher des fecours dans sa Plume. Il avoit êté reçu de l'Académie Françoite en 1683. Vers 1689. il entra dans un Parti pour les bois de Normandie mais il n'en retira que des Procès : ce qui l'obligea de fe charger d'achever une Education à titre de Gouverneur. Comme ce pofte, quoique dans une grande Maifon, n'êtoit guères avantageux, il effaia de reprendre la Profeffion d'Avocat, & débuta par un Plaidoïer dont le fuccès lui promettoit l'avenir le plus heureux: mais il mourut quelques tems après d'une inflammation de poitrine, le 13. Septembre 1694. dans fa cinquante-troifiéme année. Il y a de lui plufieurs Ouvrages. Les Sentimens de CLE'ANTHE fur les Entretiens d'ARISTE & d'EUGENE font le feul, qui foit aujourd'hui bien connu. Cette Critique, que je n'ai jamais lue, paffe pour être vive, ingénieufe, délicate & folide. Le P. Bouhours tenta de la faire fupprimer,& fes démarches en multiplièrent les Editions.BARBIER d'Aucourt fut ami de MM. de Port-Roïal,& compofa plusieurs écrits contre les Jéfuites, qu'il haïffoit. On peut voir dans la continuation de l'Histoire de l'Académie Françoife par M. l'Abbé d'Olivet, à quelle occafion d'Aucourt devint ennemi de ces Pères. Il fut au refte un des meilleurs Sujets, que l'Académie ait jamais eus.

(13) M. Andri.] NICOLAS Andry, Doïen des Profefleurs Roïaux, Docteur Régent, & Ancien Doïen de la Faculté de Médecine de Paris Cenfeur Roïal des Livres, & l'un des Auteurs du Journal des Sçavans pendant 42. ans, naquit à Lion en 1658, & mourut à Paris le 14. Mai 1742. âgé de 84. ans. Après avoir fait fa Philofophie à Paris au Collège des Graffins, il se fit ton

XI. On adreffa autrefois ces Vers à MM. Defpréaux & Perrault, dont le premier tenoit pour les Anciens & le fecond pour les Modernes.

BOILEAU, PERRAULT, ne vous déplaife,
Entre vous deux changés de thèse.

L'un fera voir par le Lutrin

Que la Muse nouvelle a le pas fur l'antique :
Et l'autre par le Saint Paulin,

Qu'aux Poëtes nouveaux les Anciens font la nique. XII. Le Lutrin de M. Defpréaux eft rempli de quantité de Portraits d'après nature. L'Horloger la Tour eft un Perruquier nommé L'Amour.

(14) Cet Horloger fuperbe eft l'effroi du quartier.

Ce Perruquier avoit un grand fouet avec lequel il venoit mettre le hola, quand les Poliffons du quartier fe batoient les uns avec les autres. Mais M. l'Abbé Aubri, Chanoine de la Sainte Chapelle, fameux Molinifte, Frère de (15) M. Aubri, qui a fait l'Hiftoire du Cardinal Mazarin, y eft fur

REMARQUES.

furer, & fut connu fous le nom de M. l'Abbé Andry de Boisregard. Il enfeigna pendant quelques années les Humanités dans le même College; & ce fut à l'âge de 32. ans en 1690. qu'il prit le parti de fe livrer à l'étude de la Médecine. En 1693. il fe fit recevoir Docteur à Rheims, & fe fit coopter enfuite dans la Faculté de Paris, qui le reçut Docteur Régent en 1696. Il eft Auteur d'un affés grand nombre d'Ouvrages, qui font eftimés, fur-tout ceux qui concernent fa Profeffion. On ne doute point, que les Sentimens de CLEARQUE ne foient de lui.

(14) Cet Horloger fuperbe &c.] Voïês, Tome I. page 201. Lutrin, Chant I. Vers 223. Rem.

(15) M. Aubri, ] ANTOINE Aubery Frère Cadet du Chanoine de la Sainte Chapelle, êtoit Avocat au Confeil. Mais il négligea fa Profeffion pour s'appliquer à l'Hiftoire. Il eft Auteur de plufieurs Ouvrages Hiftoriques, & de quelques-uns de Droit Public. C'êtoit un Ecrivain très-laborieux; mais fon peu d'exactitude eft caufe que fes Livres, estimables par rapport aux

tous les autres marqué avec des traits bien défignans.

(16) Alain touffe & fe leve, Alain ce fçavant Homme, Qui de Banni vingt fois a lu toute la Somme.

M. Aubri, qu'il peint-là fous le nom d'Alain, n'a jamais parlé qu'il n'ait touffé une ou deux fois auparavant.

(17) Mes yeux m'en font témoins, j'ai vu moi-même hier Entrer chez le Prélat le Chapelain Garnier.

Ce Chapelain Garnier, qui s'appelloit Fournier de fon nom, êtoit grand Janfénifte, & par conféquent pas trop bien dans l'efprit de M. Aubri. Au refte on eft fi aveuglé dans ce qui nous regarde, que M. Aubri lut le Lutrin, fans s'y reconnoître. M. fon Frère s'en eft bien apperçu.

On commença ( Addition de M. de la Monnoie) dans l'Edition de 1701. in 4°. à fubftituer tout au long le Perruquier L'Amour à l'Horloger la Tour. Le Vers Cet Horloger &c. y fut changé en celui-ci :

Ce Perruquier fuperbe eft l'effroi du quartier.

Ce qui depuis a êté confervé dans toutes les Editions. Son nom êtoit Didier L'Amour, Sa première Femme étoit une Clabaudeufe eternelle, qu'il favoit étriller fans s'émouvoir. Molière a merveilleufement bien peint leur caractère dans la I. Scène de fon Médecin malgré lui. La feconde Femme de ce Perruquier s'appelloit Anne du Buiffon.

REMARQUES.

matières dont ils traitent, font aujourd'hui fort peu recherchés. Il mourut le 29. Janvier 1695. âgé de plus de 78. ans.

(16) Alain torfe &c. ] Voiés, Tome II. pag. 242. Lutr. Chant IV. Vers 169. Rem.

(17) Mes yeux m'en font témoins, &c.] Ibid. pag. 244. Vers 176. Rem.

Le nom Aubri s'écrit régulièrement Auberi, mais comme on prononce Aubri, DESPRE AUX, qui femble avoir affecté, lorfqu'il cache les vrais noms d'en fubftituer d'autres de même mefure, a mis par cette raison Alain à la place d'Aubri. C'est ainfi qu'il fubftituë Garnier à Fournier; Gilotin à Guéronet; Brontin à Frontin; Boirude à Sirude; Girot à Brunot, & de même ailleurs.

XIII. (18) On fongeoit tout de bon à donner un Arrêt contre la Philofophie de Defcartes, lorfque M. Defpréaux fit paroître le fien. C'est une bagatelie, qui peut-être plus qu'aucune autre chofe, a empêché que le Parlement n'en ait rendu un véritable. (19) M. Boileau le Greffier préfente cet Arrêt à figner à feu M. le Premier Préfident de Lamoignon avec beaucoup d'autres. Comme c'êtoit un Magiftrat fort exact, il les examina les uns après les autres. Quand il fut tombé fur celui de M. Defpréaux, il dit à M. BOILEAU Ah! voilà un tour de ton Oncle.

XIV. On dit que les Femmes Savantes de Molière, font (20) Mesdames de .. & l'on me veut

....

REMARQUES.

(18) On fongeoit tout de bon &c.] Malgré ce que Ménage débite dans cet endroit au fujet de l'Arrêt Burlesque, je m'en tiens aux Conjectures exposées dans l'Avertissement, qui le précède, Tome III. p. 108.

(19) M. Boileau le Greffier] 11 falloit dire M. Dongois. Voïés, ibid.

(20) Mefdames de ] Madame de Rambouillet & Madame la Ducheffe de Montaufter fa Fille. C'eft du moins ce que l'on peut préfumer de cet Article du Carpentariana, page 55. Molière a

[ocr errors]

joué dans fes FEMMES SCAVANTES, l'Hôtel de Rambouillet, qui êtoit le rendés-vous de tous les Beaux-Efprits. Molière y eut un grand accès, & y êtoit fort bien venu; mais lui aïant êté ,, dit quelques railleries piquantes de la part de Cotin & de Ména,, ge, il n'y remit plus le pied, & joua Cotin fous le nom de Trif ,, Jotin, & Ménage fous celui de Vadius, qui, à ce que l'on prétend eurent une querelle à peu près femblable à celle que l'on voit fi plaisamment dépeinte dans les Femmes Savantes. COTIN

39

[ocr errors]
« PreviousContinue »