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Non, bien loin de donner une pareille idée de Fu retière, j'avouerai toujours qu'il eft un des meilleurs Satiriques, que nous aïons, & qu'il ne le cède en rien de ce côté-là à Defpréaux. If eft vrai auffi que l'un & l'autre auroient pu s'aquérir une jufte réputation, fans faire des Portraits auffi outrés que ceux que l'on voit dans leurs Ecrits; Furetière en décrivant les mœurs de plufieurs Académiciens, & Defpréaux en attaquant Perrault d'une manière tout-à-fait groffière. M. Bayle a trouvé les Réfle xions fur Longin fi peu dignes d'être appellées une réponse aux Parallèles de Perrault, qu'il ne daigne pas en faire mention dans fon Dictionnaire Critique; & qu'il dit expreffément, que, felon toutes les ap parences, le Livre de Perrault fubfiftera fans qu'il en foit fait une Critique folide. Cela fait voir, qu'il ne faifoit pas grand cas de celle de Despréaux.

I V.

EXTRAIT DU MENAGIANA Edition de Paris en 1739. chés DELAULNE, 4, Vol. in-12.

I. EN 1675. Madame de Thianges donna en Etrè nes une Chambre toute dorée, grande comme une Table, à M. (1) le Duc du Maine. Au deffus de

REMARQUES.

(1) le Duc du Maine. ] LOUIS-AUGUSTE de Bourbon, Prince de Dombes, Duc du Maine & d'Aumale, Comte d'Eu, Pair de France, Grand-Maître de l'Artillerie, Colonel Général des Suiffes & Grifons, Gouverneur de Languedoc, Lieutenant Général des Armées du Roi, & Chevalier de fes Ordres, naquit le 31. Mars 1670. & mourut le 14. Mai 1737,

la Porte il y avoit en groffes lettres : CHAMBRE DU SUBLIME. Au dedans un Lit & un Baluftre, avec un grand Fauteuil, dans lequel êtoit affis M. le Duc du Maine, fait en cire fort reffemblant. Auprès de lui (2) M. de la Rochefoucauld, auquel il donnoit des Vers pour les examiner. Autour du Fauteuil, (3) M. de Marfillac & M. Boffuet alors Evêque de Condom. A l'autre bout de l'Alcove Madame de Thianges & (4) Madame de La Faiette lifoient des Vers enfemble. Au dehors du Balustre, M. Defpréaux avec une fourche empêchoit fept ou huit méchans Poëtes d'approcher. Racine êtoit auprès de Defpréaux, & un peu plus loin La Fontaine, auquel il faifoit figne d'approcher. Toutes ces Figures êtoient de Cire en petit; & chacun de ceux qu'elles répréfentoient, avoit donné la fienne.

II. (5) M. de La Monnoie, avant l'an 1671. avoit bien plus cultivé la Poëfie Latine que la Françoife. Quelques Vaudevilles, quelques Madrigaux l'amufoient dans l'occafion. Un Sonnet êtoit fon Non plus ultra. Son coup d'effai en ce genre fut le Duel aboli, qui par le Jugement de l'Académie Françoise remporta le Prix, qu'elle propofa pour la première fois en 1671. Surquoi il eft à propos de remarquer ce que bien des gens fe fouviennent d'avoir oüi dire

REMARQUES.

(2) M. de la Rochefoucauld, ] Voïés, Tome I. pag. 367. Epit. VII. Vers 94. Rem.

(3) M. de Marfillac] Voïés, ibid.

(4) Madame de La Faiette] MARIE MADELEINE Pioche de La Vergne, mariée en 1655. à François, Comte de La Fayette, mourut en Mai 1693. Cette Dame eft Auteur du petit Roman de la Princeffe de Montpenfier. Elle eut la plus grande part à ceux de la Princeffe de Clèves & de Zaide, auxquels Segrais mit fon nom. On a d'elle auffi des Mémoires de la Cour de France, qui ne font qu'une trèspetite partie de ce qu'elle avoit écrit en ce genre.

() M. de La Monnoie, ] BERNARD de La Monnoye, Correcteur des Comtes à Dijon, & l'un des quarante de l'Académie Françoife, êtoit né le 15. Juin 1641. à Dijon, & mourut à Paris

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à feu M. Defpréaux: "Que la veille de la diftri→ ,,bution des Prix, M. Perrault l'Académicien, ,,aïant récité dans une Compagnie quelques Vers du Duel aboli, dont alors on ne connoiffoit pas l'Auteur, vanta fort cette Pièce, & ne diffimula », point qu'il lui avoit donné fon fuffrage. Com,, me on favoit que M. Defpréaux & lui n'êtoient ,, pas Amis, un des affiftans prenant la parole: Vous feriés, lui dit-il, bien attrapé fi la Pièce êtoit de DESPRE'AUX. Fut- elle du Diable ré,,pondit brufquement M. PERRAULT, elle mérite le "prix,& l'aura,,.

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III. M. Defpréaux étant dans une Compagnie de Dames, où l'on parloit de la prife de Mons: comme il fe levoit pour fortir, une de ces Dames l'arrêta par fon manteau, & lui dit: " Monfieur

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vous ne fortirés point d'ici, que vous n'aïés fait un petit Quatrain fur cette Conquête de nôtre ,, grand Monarque,,. M. Defpréaux fit ce qu'il put pour s'en défendre mais voïant qu'il n'y gagnoit rien, il lui demanda quartier pour un moment. Et voici de quoi il la païa fur l'heure.

MONS êtoit, difoit-on, Pucelle,
Qu'un Roi gardoit avec le dernier foin.
LOUIS LE GRAND en eut befoin;

Mons fe rendit. Vous auriés fait comme elle.

IV. Quoique je n'aime pas la médifance, & que je n'aie jamais eu beaucoup d'inclination à médire, je ne puis néanmoins m'empêcher d'admirer ces deux Vers de Defpréaux.

REMARQUES.

le 15. d'Octobre 1728. âgé de 87. ans & 4. mois. Cet Homme cé lèbre, à qui nôtre Littérature a tant d'obligations, eft encore aujourd'hui trop connu, pour que j'aie besoin de m'étendre fur fon comte.

(6) Méprifons de Senlis le Poëte idiot,
Le fade Traducteur du François d'Amiot.

Le Poëte idiot de Senlis, c'eft Linière, qui avoit l'air idiot. Se peut-il rien de plus heureux que le fecond Vers, pour faire entendre que l'Abbé Tallemant, dans ce qu'il nous a donné des Vies de Plutarque, s'eft plus fervi de la Traduction d'Amiot que du Texte Grec.

V. Les Etats & Empires de la Lune & du Soleil (de Cyrano de Bergerac ) ont de l'invention & du Génie. C'eft ce que Defpréaux, fin Connoiffeur, a bien fenti, lorfque (7) dans fon Art Poëtique, Ch, IV. il a dit :

J'aime mieux Bergerac & fa burlefque audace,

Que ces Vers où Motin se morfond & nous glace. Sur quoi (8) je remarquerai en paffant que Motin, comme bien des gens l'ont cru & le croient encore, ne defigne pas ici Cotin, mais eft le véritable Motin ami de Regnier; ce que je tiens de M. Defpréaux lui-même, qui m'a témoigné avoir voulu fe vanger par-là de l'ennui, que la Lecture de quelques Vers de ce froid Poëte, inférés dans des Recueils, lui avoient caufé.

VI. Ce fut pour divertir M. le Premier Préfi

REMARQUES.

(6) Méprifons &c.] Epit. VII. Vers 88. & 89. Ils ne font pas tels qu'on les cite ici. M. Defpréaux dit :

Et qu'importe à nos Vers que Perrin les admire ;
Que l'Auteur du Jonas s'empreffe pour les lire ;
Qu'ils charment de Senlis le Poëte idiot;

On le fec Traducteur du François d'Amiot?

Voiés les Remarques fur ces Vers, Tome I. page 365.

(7) dans fon Art Poëtique, Chant IV.] Vers 39. Tome II. page

147:

(8) je remarquerai en passant que Motin, &c.] Voiés ibid. Rem. fur le Vers 40,

dent de Lamoignon que M. Defpréaux parodia quelques endroits du Cid fur Chapelain, Caffagne, & La Serre. On en a bien ri par tout.

VII. Dans le Teftament, que l'on trouva après la mort de M. de La Rivière Evêque de Langres, il avoit mis dans un Article: "Je ne laiffe rien à mon Maître d'Hôtel, parce qu'il y a dix-huit ans qu'il eft à mon fervice,,; & dans un autre : "Je ,, lègue cent Ecus à celui qui fera mon Epitaphe On lui fit ces deux-ci:

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MONSIEUR de Langre eft mort, Teftateur olographe;
Ft vous me promettés, fi j'en fais l'Epitaphe,
Les cent écus par lui légués à cet effet.

Parbleu l'argent eft bon dans le fiècle où nous sommes.
Comtés toujours. Ci gît le plus méchant des Hommes.
Païés; le voilà fait,

On doit écrire Langres, & faire Epitaphe du féminin. Celle-ci n'est donc pas correcte. La fuivante méritoit mieux les cent ecus.

Ci gît un très-grand Personnage,

Qui fut d'un illuftre lignage ;
Qui pofféda mille Vertus ;

Qui ne trompa jamais; qui fut toujours fort fage.
Je n'en dirai pas d'avantage.

C'eft trop mentir pour cent écus.

Il mourut en 1670. fon vrai nom êtoit Louis Barbier. C'eft de lui que doivent être entendus ces deux Vers de la I. Satire de Defpréaux.

(9) Et que le fort burlesque en ce fiecle de fer D'un Pédant quand il veut fçait faire un Duc & Pair.

REMARQUES.

(9) Et que le fort burlesque &c.] Voiés, Sat. I. Vers 63. & 64. Rem. Tome I. page 31.

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