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la même fomme à M. Corneille. Il vouloit donc païer deux fois; païer fix cens Loüis au lieu de trois cens que lui avoit coûté jufques là chaque Opéra de Quinault. Je laiffe à juger de la vraisemblance.

On pourra trouver auffi que l'offre de la Loge annuelle perpétuelle à l'OPERA pour lui & pour toute fa poftérité, pèche par le même endroit. Quoi? Lulli trouveroit fi merveilleufes les paroles de Bellérophon? Il lui en avoit pourtant déja paffé par les mains beaucoup d'autres, qui affurément valoient mieux, & il s'y connoiffoit. Quoi ? il vouloit acheter fi cher la fimple infpection de M. Defpréaux fur les Opéra futurs. Mais le fait eft qu'après Bellérophon il retourna auffi-tôt à ce Quinault, fi méprifé par Defpréaux, & ne s'en détacha plus, & eut grande raifon. En effet je fais très-bien, car c'est toujours ici ma façon de favoir, que M. Lulli ne fut nullement content des idées & des vues, que M. Defpréaux propofoit fur tout ce qui appartient à la conduite du Théâtre, à la manière de préparer d'ordonner, de filer les Scènes &c. Il ne s'agiffoit point là de donner des ridicules, il n'êtoit point là dans fon élément.

Il y êtoit fi peu, qu'il a honoré un endroit de Bellerophon d'une louange peu convenable & beaucoup trop forte. Après avoir dit avant ce grand morceau qu'on a tranfcrit ici, que les OPE'RA parlent proprement le Langage de la Débauche & point du tout celui de la Paffion, il ajoute, je n'ai vu que dans BELLE ROPHON quelques traits qui marquent un peu de paffion.

L'amour trop heureux s'affoiblit,

Mais l'Amour malheureux s'augmente;

Quelle gloire pour le véritable Auteur de ces Vers-là, qui après avoir vu Cadmus; Alcefte, Thé

fée, Atis & Ifis où il n'y avoit point un trait de Paffion, a trouvé le fecret d'en mettre quelques-uns dans fon Opéra. Difons encore plus à fon honneur, M. Defpréaux ne donne pas feulement cette préférence à Bellerophon fur les Opéra, qui l'ont précèdé, mais fur tous ceux qui l'ont fuivi, foit de Quinault, foit de plufieurs autres, jusqu'en 1711. époque de la mort de M. Defpréaux, car l'expreffion eft tout-à-fait générale, & on peut entendre que de tous les Opéra qui ont paru jufqu'en 1711. BELLE'ROPHON eft le feul où il y ait quelques traits de Paffion. Sérieufement cette exceifive prédilection de M. Defpréaux pour Bellerophon marqueroit qu'il y a eu beaucoup de part,& on conjectureroit même légitimement que ces Vers font de lui, puifqu'il les a loués, fi le contraire n'êtoit pas bien certain.

Au fond, ces deux Vers ne font point proprement un trait de Paffion, mais une réflexion de perfonne paffionnée, & même, fi l'on veut, de perfonne, qui ne le feroit point.

Ces Vers-ci du même BELLE'ROPHON:

Qu'il eft doux de trouver dans un Amant qu'on aime
Un Epoux que l'on doit aimer !

vaudroient peut-être mieux dans le même genre, mais un grand nombre d'autres Opéra, & fur tout ceux de Quinault auroient fourni beaucoup d'autres traits & meilleurs à quelqu'un, qui n'auroit pas dédaigné de s'inftruire un peu fur cette matière avant que d'en parler.

Je fens, Meffieurs, que me voila dêcendu à des bagatelles indignes de vôtre Journal, je vous en demande pardon; mais je ne vais me relever que par une plainte des plus graves. M. Defpréaux dit, Art. CVI. que THOMAS CORNEILLE n'a jamais pu rien faire de raisonnable, & donne pour toute preu

ve deux Vers tirés de deux différentes Pièces, dont l'un eft,

Le Crime fait la honte, & non pas l'Echaffaut, & l'autre :

Je la tue, & c'est vous qui me le faites faire.

Le premier a un fens louche & eft une espèce de galimatias, dit M. DESPRE AUX. Il eft vrai feulement que le Vers est un peu louche pour un Grammairien vétilleux, mais à ce petit défaut près, il eft très beau, d'un fens fort net & bien éloigné du galimatias.

Le fecond donne beau jeu à tous les plaifans du Parterre; cela eft très-vrai, & ils ont d'autant plus beau jeu, que M. Defpréaux leur fait l'honneur de fe mettre de leur nombre.

Je crois deviner la fource de fon extrême injusti→ ce dans le jugement, qu'on vient de voir. Il êtoit grand & excellent Verfificateur, pourvu cependant que cette louange fe renferme dans fes beaux jours, dont la différence avec les autres eft bien marquée, & faifoit fouvent dire Hélas!& Hola ! mais il n'êtoit pas grand Poëte, fi l'on entend par ce mot, comme on le doit, celui qui fait, qui invente, qui crée. La vraie Poëfie d'une Pièce de Théâtre, c'est toujours fa Conftitution inventée & créée, les Vers n'en font qu'un ornement, quoique d'un grand prix, & Polyeucte ou Cinna en Profe feroient encore d'admirables productions d'un Poëte. M. Defpréaux ne l'eft point à cet égard, ou s'il l'eft, j'en laiffe évaluer le degré à fes plus grands admirateurs. M. Corneille au contraire êtoit plus grand Poëte que Verfificateur. Je ne crains point de dire après tous ceux qui ont porté leur vue du côté de l'Art du Théâtre, qu'on lui en découvre plus qu'à fon Aîné même,

& que fur ce point fon exemple eft plus inftructif. On avoue qu'en général il a trop négligé fa Verfification, il figurera, fi l'on veut, avec Le Pouffin excellent dans la Compofition & l'Ordonnance de fes Tableaux, mais foible dans la partie du Coloris, malheureusement M. Defpréaux fe connoiffoit mieux en Verfification qu'en toute autre chofe; &, voulant faire fon métier, il a attaqué M. Corneille par ces endroits-là.

Mais ce métier qui lui êtoit fi cher, comment l'at-il fait? car il eft bon de fe répréfenter cela un peu plus en détail. Il n'a comté pour rien un grand nombre de Tragédies, telles que Stilicon, Camma, Maximien, Antiochus, Laodice, Ariane, le Comte d'Effex, &c. & de Comédies comme D. Bertrand de Cigaral, le Baron d'Albikrac, l'Inconnu, &c. Pièces, dont quelques unes fubfiftent encore au Théâtre avec applaudiffement, il n'a pas fenti lę mérite fingulier de ces Pièces-là par la Conduite qui y règne, non pas même celui qu'elles ont quelquefois par de beaux morceaux de Verfification qu'il feroit aifé de montrer, & fur deux Vers, dont par malheur il s'en trouve un qui eft beau, il prononce du haut de fon Tribunal, fans aucune reftriction, fans aucun adouciffement que CORNEILLE n'a jamais pu rien faire de raifonnable.

Je m'en tiens-là, Meffieurs, à ce qui eft purement Littéraire; & je ne dis rien des Bienféances, des Loix de la Societé, des Mours honnêtes extrêmement bleffées dans tout ceci. Il ne feroit pas impoffible de prouver que cette Morate rigide dont M. Defpréaux faifoit profeffion, s'accommode auffi peu de fes Satires que des Chanfons de l'Opéra. Ce feroit même une chofe curieufe de bien rechercher quel caractère réfulte de tous les traits rapportés de lui dans le Boleana, qui eft cependant un monument élevé à fa gloire. Mais je me renferme unie

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quement dans ce qui m'intéreffe, & je ne me pique' point de l'imiter.

Je fuis avec refpect. &c.

P. S. J'ai fuppofé, Meffieurs, que le Boleana êtoit vrai, que c'étoit véritablement M. Defpréaux qui y parloit. Si on en vouloit douter, ce que je ne crois pourtant pas qui arrive, alors ce feroit de l'Auteur du Boleana que je me plaindrois, & tous ceux qui s'intéreffent à la mémoire de M. Defpréaux, devroient s'unir à moi, & auroient même encore d'autres plaintes à faire en leur particulier.

I I I...

EXTRAIT DU CARPENTARIANA imprimè à Paris in-12. chés LE BRETON en 1724.

1. M. DESPRE AUX parlant d'un jeune Homme efféminé difoit, qu'il étoit plus capable de donner de la jalousie aux Femmes, qu'aux Maris.

II. Quoique M. Defpréaux ait (1) attaqué ma Cyropédie dans fon Lutrin, je n'ai pu lui en vouloir de mal. Il me dit un jour, en parlant de fes Satires: "N'eft-il pas vrai, M. Charpentier, que j'aurai un

REMARQUES.

III. (1) attaqué ma Cyropédie dans fon Lutrin Chant V. Vers 259. Tome I. pag. 260.or

Là Xenophon dans l'air heurte contre un la Serre.

Il n'y a point de Note fur ce Vers, & jufqu'ici rien n'apprenoit que c'eft à la Cyropédie de Xenophon traduite par Charpentier, que M. Despréaux en vouloit,

›› grand

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