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ne Homme; & j'ai fi fouvent pris plaifir à me rappeller fes paroles, que je fuis prefque certain de les avoir ici rapportées fans aucune altération.

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II. Quelqu'un aïant demandé à M. Despréaux, peu de tems avant fa mort, s'il n'avoit point changé d'avis fur le Taffe: "J'en ai fi peu changé, dit-il, que relifant dernièrement ce Poëte, je fus très-fâché de ne m'être pas expliqué un peu plus au long fur ce fujet dans quelqu'une de mes Réflexions fur Longin. J'aurois commencé par avouer que le ,, Taffe a êté un Génie fublime, étendu, heureufement né à la Poëfie, & à la grande Poëfie. Mais enfuite venant à l'ufage, qu'il a fait de fes talens, „, j'aurois montré que le bon fens n'eft pas toujours ce qui domine chés lui; que dans la plufpart de fes Narrations il s'attache bien moins au néceffai,, re qu'à l'aimable. Que fes Defcriptions font pref,, que toujours chargées d'ornemens fuperflus: Que ,, dans la peinture des plus fortes Paffions, & au milieu du trouble, qu'elles venoient d'exciter, fouvent il dégènere en traits d'efprit, qui font tout, à-coup ceffer le Pathétique: Qu'il eft plein d'Ima"ges trop fleuries, de Tours affectés, & de Pensées frivoles, qui loin de pouvoir convenir à sa Jéru,, falem, pouvoient à peine convenir à fon Aminte. Or, conclut M. Despréaux, tout cela oppofé à ,, la fageffe, à la gravité, à la majefté de Virgile, ,, qu'eft-ce autre chose que du clinquant opposé à de

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I I.

LETTRE

DE MONSIEUR DE FONTENELLE

A

MESSIEURS LES AUTEURS du Journal des Sçavans: au sujet des Articles VI. & CVI. du BOLÆANA,

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ON a mis à la tête d'une nouvelle Edition des Oeuvres de M. Boileau Defpréaux en 1740. BOLEANA ou Entretiens de M. de Monchefnay avec l'Auteur. Il y a dans ce Bolaana quelques endroits que je me crois obligé de relever, parce qu'il attaquent directement un Nom illuftre, & qui doit m'être extrêmement cher. Je vous demande en grace, Meffieurs, que ce que j'ai à dire fur ce fujet paroiffe dans vôtre Journal, qui me donnera auprès du Public un paffeport favorable.

Voici comme parle M. Defpréaux dans le BOLEA NA (1) N. VI. Tout ce qui s'est trouvé de paffable

REMARQUES.

II. Cette Lettre de M. de Fontenelle a paru dans le Journal des Sca vans du mois de Mai 1741. pag. 782, in-12. Elle a depuis êté réim primée dans le III. Tome de l'Edition des Oeuvres de M. de Fonte pelle faite à Paris en 1742.

(1) N.VI.] M. de Fontenelle cite les pages du Bolaana felon L'Edition in 4. des Oeuvres de M. Despréaux en 1740.

dans Bellerophon, c'est à moi qu'on le doit. Lulli étoit preffé par le Roi de lui donner un Spectacle; Corneille lui avoit fait, difoit-il, un Opéra où il ne comprenoit rien; il auroit mieux aimé mettre en Mufique un Exploit. Il me pria de donner quelques avis à Corneille. Je lui dis avec ma cordialité ordinaire: Monfieur, que voulés-vous dire par ces Vers? Il m'expliqua fa penfée. Eh! que ne dites-vous cela, lui disJe? A quoi bon ces paroles, qui ne fignifient rien? Ainfi l'Opéra fut réformé, prefque d'un bout à l'au tre, & le Roi fe vit fervi à point nommé. Lulli crut m'avoir tant d'obligation, qu'il s'en vint m'apporter la rétribution de Corneille; il voulut me comter trois cens Louis, je lui dis; Monfieur, êtes-vous affés neuf dans le monde pour ignorer que je n'ai jamais rien pris de mes Ouvrages? Comment voulés-vous que je tire tribut de ceux d'autrui? Là-deffus il m'offrit pour moi pour toute ma postérité une loge annuelle & perpétuelle à l'Opéra: mais tout ce qu'il put obtenir de moi, c'est que je verrois fon Opéra pour mon

argent.

La Pièce de Bellerophon fut jouée quinze mois durant.

Ne ferés-vous point trop étonnés, Meffieurs, fi je vous dis bien nettement & bien pofitivement qu'à l'exception du Prologue, d'un Morceau fameux, qui ouvre le IV. Acte, Quel Spectacle charmant pour mon Cœur amoureux, &c. & de ce qu'on appelle dans les Opéra CANEVAS, de petits Vers faits fur les Airs, & qu'on met dans les Divertiffe mens, il ne peut pas y avoir un mot de M. Defpréaux dans tout Bellerophon; c'eft-à-dire, dans toutes les Scènes? Je le dis à vous, Meffieurs, & au Public, parce que je le fais de l'Auteur même, qui n'eft point M. Corneille, qui eft encore vivant, & qui fe declarera,s'il le faut. Comme il ne veut avançer que ce qu'il fait bien furement, il n'a pas une

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certitude fi abfoluë fur les endroits, qui viennent d'être exceptés.

Si vous me demandés d'où peut venir la différente certitude de cet Auteur fur les différentes parties d'un même Ouvrage; voici le fait un peu mieux developé. Il n'eft pas fort intéreflant par lui-même: mais il femble qu'il le devienne un peu par les circonstances préfentes.

M. de Lulli fatigué du déchaînement continuel de M. Defpréaux & de tous fes Amis contre les Opéra de M. Quinault, dont il n'avoit jamais fenti, ou, pour en parler plus modérément, voulu fentir le talent fingulier en ce genre, dont il êtoit le créateur, craignant auffi que la recette de fon Théâtre n'en fouffrit, abandonna M. Quinault & pria M. Thomas Corneille de lui faire un Opéra fur lequel il demandoit la permiffion de confulter M. Defpréaux, pour tâcher de lui fermer enfin la bouche. M. Corneille ne goûtoit pas trop cette forte de travail, il s'avifa de mettre en fa place, mais fans en rien dire, un jeune Homme qui êtoit en Province. Il lui envoïa le plan de Bellerophon, qui avoit êté montré à M. Defpréaux, & où il eft vrai que le nom du Magicien Amifodar, qui eft heureux & fonore, fut fourni par lui. Le jeune Auteur exécuta tout ce plan dans fa Province, & il ne toucha pas aux Canevas, qui ne pouvoient fe faire qu'à Paris de concert avec le Muficien, parce que les pa roles y font affujéties à des Airs de mouvement, placés dans les Divertiffemens. Tout le refte eft de lui feul, hormis les endroits qui ont êté marqués : mais il n'y a nulle apparence que M. Despréaux ait eu la moindre part à ces endroits-là; & quand il les revendiqueroit pofitivement, on ne le croiroit pas fi l'on connoiffoit fon Stile. Pour M. Corneille il permit à l'Auteur caché de fe découvrir, & de fe vanter, s'il vouloit; & il lui eût laiffé volontiers

jufqu'au plan de la Pièce. Son extrême modestie › que je ne prétens pas exalter par un fi petit fujet, a êté très-connuë, & elle a beaucoup relevé tout ce qu'il avoit d'ailleurs de mérite & de talens. Si l'on avoit de lui un Corneliana, il feroit un beau contraste avec le Boleana.

Le récit de M. Defpréaux infinue que M. Corneille avoit porté à Lulli un Opéra tout fait, & dit ouvertement, que cet Opéra êtoit fi mauvais que LULLI auroit mieux aimé mettre en Mufique un Exploit; que les Vers en êtoient fi obfcurs, que M. Defpréaux en demandoit avec fa cordialité ordinaire l'explicatio que M. Corneille fon humble Difciple lui donnoit, après quoi il corrigeoit, & qu'ainfi I'OPE'RA fut réformé prefque d'un bout à l'autre.

Et moi, je répons très-cordialement à M. Def préaux que la Pièce fut envoïée de Province à Paris Acte par Acte; que fi le premier Acte eût êté en Stile d'exploit, jamais Lulli n'en auroit demandé un fecond; que les Vers envoïés de la Province font demeurés tels qu'ils en ont êté envoïés à quelques changemens près legers & rares, faits en faveur du Chant; & que jamais ces Vers là n'ont êté blâmés par l'obfcurité. On peut, fi l'on veut, recommencer à les examiner fur ce point. A en croire le narré de M. Defpréaux, il auroit fallu faire une refonte générale de cette malheureufe Poëfie, & il ne feroit pas poffible qu'elle ne fe fentît encore beaucoup d'avoir êté galimatias dans fon origine. LULLI, dit M. DESPRE AUX, crut m'avoir tant d'obligation, qu'il s'en vint m'apporter la rétribution de CORNEILLE, & voulut me conter trois cens Loüis. La réponse fut telle qu'elle devoit être, M. Defpréaux n'avoit garde de prendre une rétribution d'Ouvrages qu'il avouoit être d'autrui. Mais il refte une difficulté qui ne paroît pas méprifable; je fais très-certainement, que le même Lulli comta

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