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,, coûte rien à la pureté du Langage. Otés cela à Molière, continuoit-il, je ne lui connois point ,, de fupérieur pour l'Efprit & pour le Naturel. Ce Grand Homme l'emporte de beaucoup fur Cor,,neille, fur M. Racine, & fur moi; car ajoutoit-il en riant, il faut que je me mette auffi de la ,, partie

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CXXIV. De toutes les Epigrammes, qui ont jamais été faites, M. Defpréaux eftimoit le plus celle-ci :

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Cy gift ma Femme, ah! qu'elle eft bien.
Pour fon repos & pour le mien.

CXXV. M. Defpréaux, êtant prêt à donner fes Satires, fes Amis lui confeillerent de n'y point fourer Chapelain. "Ne vous y trompés pas,lui difoit-on; ,, le décri de La Pucelle ne l'a pas encore tout-à-fait décrié auprès des Grands. M. de Montaufier eft ,, fon partifan déclaré; M. Colbert lui fait de fré,, quentes visites,,. Eh bien, infiftoit M. DESPREAUX, quand il feroit vifité du Pape, je foutiens fes V'ers déteftables. Il n'y a point de Police au Parnaffe, fi je ne vois ce Poëte-là quelque jour attaché au Mont fourchu, MOLIERE, qui êtoit préfent à cette faillie, la trouva digne d'être placée dans fon Mifantrope, à l'occafion du Sonnet d'Oronte:

Je foutiendrai, morbleu, que ces Vers font mauvais Et qu'un homme eft pendable après les avoir faits. CXXVI. M. Defpréaux avoit prêté neuf mille francs à un de fes Neveux, qui en ufa mabavec lui: il ne laiffa pas de lui remettre deux mille francs fur la fomme due, "Si j'euffe êté content de lui, je lui euffe volontiers cédé la fomme entière; car ,, auffi-bien, difoit-il, il m'avoit accoutumé à m'en », paffer

CXXVII. M. Defpréaux difoit que la plupart des

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Epigrammes naiffent dans la Converfation. Il en citoit pour exemple quelques-unes des fiennes, qui n'avoient point eu d'autre origine. Quoi-qu'Ami de Furetière, il le blâmoit fort de s'être applaudi d'une Epigramme qu'il avoit réduite à quatre Vers, après l'avoir faite & refaite à trente diverfes reprises. Voici l'Epigramme:

Paul vend fa maifon de Saint-Clou,
A maints Créanciers engagée ;
On dit par tout qu'il en eft foû;
Je le croi, car il l'a mangée.

La vieille Cour étoit fort pour ces jeux de mots i mais depuis que Benferade eût eu du deffous, les Pointes & les Allufions furent enveloppées dans fa difgrace. Il a pourtant laiffé quelques héritiers; & fans parler de l'Opéra Comique, les autres Théâtres ont affés fidèlement recueilli fa fucceffion.

Crefcit occulto velut arbor avo
Fama Bolai.

DANS fes nobles Ecrits, que refpecte l'Envie,
Defpréaux eft plein de grandeur:

Dans le commerce de la vie

C'est un Enfant pour la candeur.

Tout Lecteur doué d'un fens droit

Nomme envain Defpréaux la gloire de notre âge ;
S'il ne connoit les mœurs d'un fi grand Perfonnage,
Il manque à l'admirer par fon plus bel endroit..

ADDITIONS

AU BOLEAN A.

I.

Extrait du II. Tome de l'HISTOIRE DE L'ACADEMIE FRANÇOISE, par M. l'Abbé D'OLIVET.

I. GILLES BOILEAU travailloit fur la Poëtique d'Ariftote, lorfqu'une mort prématurée l'enleva. Il en avoit déja fait plus des deux tiers; & M. Defpréaux, en 1709. donna fon Manufcrit (1) en ma préfence à (2) M. de Tourreil, qui témoignoit avoir eu envie d'achever l'Ouvrage.

Je me fouviens qu'à cette occafion M. Despréaux fit l'éloge de fon Frère. Ils ne s'aimoient pas dans leur jeuneffe. Ils avoient à démêler entr'eux des intérêts d'Auteurs, & qui plus eft de Poëtes. Doiton s'étonner que la tendreffe fraternelle en fouffrit? REMARQUES.

I. Cette Addition feule eft de l'Editeur de 1740.

(1) en ma préfence ] C'eft M. l'Abbé d'Oliver, qui parle. (2) M. de Tourreil, ] JACQUES de Tourreil, Fils de Jean de Four. reil, Procureur Général au Parlement de Touloufe, naquit dans cette Ville le 18. Novembre 1656. Il doit fa principale réputation à la Traduction de Démosthène, laquelle le fait beaucoup plus connoître lui-même, qu'elle ne fait connoître l'Orateur Grec. M. de Tourreil fut de l'Académie Françoise & de celle des Infcriptions & Médailles. Il mourut en 1714. le 11. d'Octobre, à l'âge d'environ 8. ans. Ce fut par fes intrigues, que l'Abbé de Chaulieu na fut pas de l'Académie Françoise.

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Mais enfin (3) dans le tems, dont je parle, les fentimens de M. Defpréaux êtoient fi changés à fon égard, qu'il fe propofoit de mettre au-devant de cet Ouvrage, fi M. de Tourreil l'achevoit, une Préface où il exalteroit le mérite de fon Aîné. Et comme peu-à-peu le difcours tomba fur les Traductions en géneral: Quoi, dit-il, l'Académie ne » voudra-t-elle jamais connoître fes forces? Toujours bornée à fon Dictionnaire, quand donc ,, prendra-t-elle l'effor? Je voudrois que la France ,, pût avoir fes Auteurs Claffiques, auffi-bien que l'Italie. Pour cela, il nous faudroit un certain nom,,bre de Livres qui fuffent déclarés exemts de fautes, quant au Stile. Quel eft le Tribunal, qui aura le droit de prononcer là-deffus, fi ce n'est l'Académie? Je voudrois qu'elle prît d'abord le peu » que nous avons de bonnes Traductions; qu'elle invitât ceux qui ont ce talent à en faire de nouvelles ; & que, fi elle ne jugeoit pas à propos de corriger tout ce qu'elle y trouveroit d'équivoque, de hazardé, de négligé; elle fût au moins exacte à le marquer au bas des pages dans une efpèce de Commentaire, qui ne fût que Grammatical. Mais ,, pourquoi veux-je que cela fe faffe fur des Traductions? Parce que des Traductions avouées par l'Académie, en même tems qu'elles feroient luës comme des modèles pour bien écrire, ferviroient ,, auffi de modèles pour bien penfer, & rendroient le goût de la bonne Antiquité familier à ceux qui ne font êtat de lire les originaux. Ce n'eft pas en » pas l'efprit qui manque aux François, ni même le

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REMARQUES.

(3) dans le tems, dont je parle, &c. ] M. Defpréaux n'avoit pas attendu fi tard à rendre juftice au mérite de fon Frère. L'Avertissement, qu'il avoit mis à la tête des Oeuvres poflbumes de ce Frère (ci Tome III. pag. 535.) & fa XLVI. Epigramme (Tome II. pag. 412) en font des preuves.

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,, travail, c'est le goût; & il n'y a que le goût an¬ ,, cien qui puiffe former parmi nous, & des Auteurs, ,, & des Connoiffeurs,,.

Ainfi parla ce fage Critique, avec un feu, qu'il n'avoit guère dans la Converfation, à moins qu'elle ne roulat fur des matières de fon reffort. Et reve nant encore au même fujet, après que M. de Tour¬ reil fe fut retiré. "Savés-vous, me demanda-t-il, ,, pourquoi les Anciens ont fi peu d'admirateurs? C'est parce que les trois quarts, tout au moins, de ceux qui les ont traduits, êtoient des ignorans ou des fots. Madame de la Fayette, la Femme de France,qui avoit le plus d'efprit, & qui écrivoit le mieux, comparoit un fot Traducteur à un Laquais, que fa Maitreffe envoie faire un compliment à quelqu'un. Ce que fa Maîtreffe lui aura dit ,, en termes polis, il va le rendre groffièrement; il ,, l'eftropie. Plus il y avoit de délicateffe dans le com,, pliment, moins ce Laquais s'en tire bien; & voilà en un mot la plus parfaite image d'un mauvais Traducteur.

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,, Mais, ajoûta M. Defpréaux, ce n'eft pas même affés qu'un Traducteur ait de l'efprit, s'il n'a la ,, forte d'efprit de fon Original; car l'Homme, qui fort d'ici, n'eft pas un fot à beaucoup près, & ,, cependant quel monftre que fon Démosthène ? ,, Je dis monftre, parce qu'en effet c'est un monftre, ,, qu'un Homme démefurément grand & bouffi. Un ,, jour que Racine êtoit à Auteuil chés moi, Tourreil ,, y vint, & nous confulta fur un endroit,qu'il avoit ,, traduit de cinq ou fix façons,toutes moins naturelles & plus guindées les unes que les autres. Ah! ,, le boureau, il fera tant qu'il donnera de l'efprit à ,, DE'MOSTHENE, me dit Racine tout bas. Ce qu'on ,, appelle efprit dans ce fens là, c'eft précisément , l'or du bon fens, converti en clinquant,,

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J'écoutois M. Defpréaux avec une ardeur de jeu

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