Page images
PDF
EPUB

roit pu l'être de la Comédie Italienne

336

CXIII. M. Despréaux difoit du Marquis de Termes, qu'il étoit toujours à la penfée d'autrui; & que c'étoit là où confiftoit le favoir vivre.

[ocr errors]

CXIV. M. Defpréaux craignoit les Satires injurieufes, mais il étoit le premier à rire de ce qui s'écrivoit d'ingénieux contre lui. Il fe comparoit d'ordinaire à un Chevalier enchanté fur lequel tous les coups de fes Ennemis n'avoient point porté, ou n'avoient porté que foiblement. "Avec toute leur malice, difoit-il, ils n'ont jamais pu trouver l'endroit fatal d'Achille Et quel est cet endroit fatal, lui demandois-je ? "C'eft ce que je ne vous dirai point, me répondoit-il; c'eft à ,, vous à le deviner J'ai toujours cru qu'il fe reprochoit de n'avoir pas affés varié le tour de fes Ouvrages, & fur-tout le Stile de ses Préfaces, qui font prefque toutes fur le même ton.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

CXV. Jamais Brochures ne fe font plus venduës que celle de la Satire de l'Homme, & celle de la Satire des Femmes. Le Libraire avouoit qu'il avoit tiré plus de 2000. écus de celle-ci. Elle eut pourtant encore moins d'Acheteurs que de Cenfeurs. M. Defpréaux êtoit prefque perfuadé qu'il avoit fait un mauvais Ouvrage. Ce fut M. Racine, qui le raffura, en lui difant qu'il falloit laiffer paffer l'orage. "Vous avés, dit-il, attaqué tout un Corps, qui n'eft compofé que de Langues,fans comter celles des Galans, qui prennent parti dans la querèle. Attendés le Beau-Sexe ait dormi fur fa que colère, vous verrés qu'il fe rendra à la raison; & vôtre Satire reviendra à fa jufte valeur qui eft effectivement arrivé, fur tout depuis que Meffieurs Arnauld, La Bruyère, & Bayle fe font autentiquement déclarés pour cet Ouvrage.

[ocr errors]

"

[ocr errors]

"

"

[ocr errors]

Ce

CXVI. La première, & la feule fois que j'ai vu M. Broffette, je le tançai fort d'avoir inféré dans

fon Commentaire une très-jolie (166) Epigramme de M. de Fontenelle contre la Satire des Femmes à la referve qu'il n'y manquoit que la vérité. “ Paífe encore, Monfieur, lui dis-je, d'avoir placé l'Epigramme: mais il ne falloit pas ajouter dans ,, une Note que M. de Fontenelle vous l'avoit per,,mis. C'êroit aux Manes de M. Defpréaux, qu'il en falloit demander la permiffion,,.

دو

[ocr errors]

CXVII. M. Defpréaux s'êtoit de bonne heure accoutumé à ne plus faire de vifite; auffi difoit-il, qu'il étoit un folitaire fréquentant M. Le Verrier. Il y avoit des gens aflés malins pour publier qu'il ne fréquentoit ce Financier, que pour s'entretenir dans l'efprit de Satire, parce que Le Verrier donnoit d'étranges prifes fur lui, en affectant de paffer pour Savant, pour Homme à bonnes fortunes, & pour Ami des grands Seigneurs. Mais M. Despréaux y alloit de bonne foi. Il fermoit les ïeux fur les travers d'un Homme, qu'il croïoit fincérement attaché à lui. il avoit affés d'affaires à l'excufer, fur ce qu'on difoit qu'il portoit toujours un Livre Grec à la Meffe; & que la reliure en êtoit bariolée, pour fe faire remarquer de plus loin: Auffi l'appelloit-on dans le monde le Traitant renouvellé des Grecs. On dit même qu'allant chés (167) M. de Pontchartrain, depuis

REMARQUES.

(166) Epigramme de M, de Fontenelle] Cette Epigramme eft rap. portée par M. Broffette dans la Remarque fur le Vers 11. de l'ODE de Namur Tome II. p. 350.

(167) M, de Pontchartrain,] LOUIS Phelypeaux, Comte de Pontchartrain. né le 29. Mars 1643. reçu Confeiller au Parlement de Paris, & Commiffaire aux Requêtes du Palais en 1661. fait Pre-mier Préfident au Parlement de Bretagne en 1677. Intendant des Finances en 1687. Controlleur Général après M. le Peletier en 1689. Secretaire d'Etat à la fin de 1690. & Chancellier de France en 1699. Il quitta cette Charge & la Cour en 1714. pour se retirer dans la Maifon de l'Inftitution de l'Oratoire, & ne plus s'occuper que du foin de fon falut. Ce fut là que le Roi Louis XV, daigna l'honorer d'une vifite, en confidération de fon mérite. Il mou

Chancelier, pour s'intéreffer dans quelque nouvel Armement, ce Miniftre lui dit: Mais, Monfieur, on n'arme pas pour la Grèce.

CXVIII. M. Defpréaux ne mangeoit nulle part & même chés fes meilleurs Amis, fans en être prie. Il difoit que la fierté de cœur êtoit l'attribut des honnêtes gens; mais que la fierté d'airs & de ma nières ne convenoit qu'à des fots.

CXIX. M. Despréaux fut quelques mois à fe voir dépérir de jour en jour, & lorfque fes Amis cher→ choient à lui donner du courage, il leur répètoit plufieurs fois ce Vers de Malherbe :

Je suis vaincu du tems, je céde à son outrage.

Le Verrier s'avifa de lui aller lire une nouvelle Tragédie, lorfqu'il êtoit dans fon lit n'attendant plus que l'heure de la mort. Ce grand Homme eut la patience d'en écouter jufqu'à deux Scènes, après quoi il lui dit: "Quoi, Monfieur, cherchés-vous à me hâter l'heure fatale? Voilà un Auteur devant qui les Boiers & (168) les Pradons font de vrais "Soleils. Hélas! J'ai moins de regret à quitter la vie, puifque notre fiècle enchérit chaque jour fur les fotifes

[ocr errors]
[ocr errors]

"

"

[ocr errors]

CXX. MM. de Port-Roïal ont un peu maltraité Montagne dans leur Logique, fur ce qu'il avouoit trop franchement fon humeur, fes penchans, fes inclinations. A la vérité, ce n'êtoit pas dans la même vue que Saint Auguftin. Mais Balzac & M. Defpréaux, quoique très-chaftes tous les deux,

REMARQUES.

rut à Pontchartrain dans fa 8. année le 22. Decembre 1727. & fut enterré dans fa Chapelle de l'Eglife de faint Germain l'Au. xerrois fans aucune pompe & fans monument, ainsi qu'il l'avoit ordonné.

(168) les Pradons] Voiés, Tome II. pag. 373. Remarque fur L'Epigramme VI,

n'étoient point effraïés de la grande liberté de Montagne. Ils la regardoient moins comme une complaifance pour fes vices, que comme un épanchement de cœur, qui ne lui permettoit pas de fe donner pour autre qu'il n'êtoit. Il eut êté à fouhaiter qu'il n'eût point donné de prise fur fes Ecrits aux Intendans des mœurs, & aux Directeurs de confcience. Mais à cela près tout le monde convient qu'il a encore fur Sénèque l'avantage de n'être point hipocrite; qu'il s'êtoit fait une étude du Cœur humain, qui eft fort embellie par fes Expreffions naturelles & courageufes. Voilà l'opinion qu'en avoit M. Def préaux. "Qu'eft-ce, difoit-il, qu'un (169) SaintEvremond, que les Sots ofent comparer à Mon,, tagne! Les écarts de l'un valent mieux que tout ,, le concert & l'arrangement de l'autre, qui n'eft qu'un Charlatan de Ruelles, qui fe pannade dans ,, fes termes étudiés, & fes maximes prétendues ,, philofophiques. Paffons-lui ce qu'il a écrit fur la Guerre, dont il ne fe démêle pas trop mal. Mais ,, pour le refte, c'est un faux Ariftarque,qui veut tou,, jours juger,comme Perrin Dandin, quoiqu'il prenne ,, fouvent l'ombre pour le corps. Admirés pourtant la folie d'un certain Public particulier, qui a ,,longtems êté ébloui de fes décifions. Pour moi, ,, j'eitime plus un feul Chapitre d'Aulugelle, que ,, tous les Mifcellanea de cet Auteur

[ocr errors]

"

"

[ocr errors]

CXXI. Rien ne choquoit plus M. Despréaux que des Expreffions baffes, rampantes & triviales. REMARQUES.

(169) Saint-Evremond,] Voïés, Rem, fur le Vers 107. de la Sat. III. & Rem, fur le Vers 69. de la Sat, XI. Tome I. pp. 60. & 217. Rien n'eft plus outré que le Jugement, que M. Despréaux porte ici de Saint-Euremond. Il ne faut pas s'en étonner, il y a dans les Ecrits férieux ou critiques de cet aimable Philofophe trop de fineffe, pour un Esprit de la trempe de celui de nôtre Satirique. Il faut convenir pourtant, que Saini-Evremond porte quelquefois la fineffe jufqu'au raffinement.

Quoiqu'élevé

Quoiqu'élevé dans la poudre du Greffe, ainfi qu'il· s'exprime lui-même, fon Stile fe fentoit toujours de la nobleffe de fon cœur. Son Frère Puimorim, moins Homme de Lettres qu'Homme du grand Monde, avoit retenu grand nombre de fes Vers, dont il relevoit la fublimité & la plaifanterie. "Qu'on ne croie pas, difoit-il, l'amour fraternel ait part que aux éloges, que je fais des nouvelles Satires: mais ,, qui eft l'Auteur qui pourroit s'exprimer avec plus ,, de dignité, que dans ces deux Vers, qui regardent Chapelain:

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

,, (170) Lui feul il s'applaudit, & d'un efprit tranquille, ,, Prend le pas au Parnaffe au-dessus de Virgile,,?

CXXII, Le Stile profaïque déplaifoit encore in finiment à M. Defpréaux, mais fur tout il êtoit grand ennemi des Pointes & des Quolibets, auffi-: bien que des Equivoques, & des Allufions froides,: baffes & obfcènes, comme par exemple, de celleque fait Voiture à une Abbeffe, en lui envoïant ün: Chat. C'est là qu'il lui dit qu'il ne croit pas que les Dames de fon Couvent laiflent aller le Chat au Fromage.

CXXIII. Chapelle, difoit-il, tombe affés souvent dans le bas; témoin ce Vers fur l'Eclipfe, où il croit avoir dit un beau mot, en s'écriant, Gare le pot au noir. Il eût voulu retrancher des Pièces de Molière tout le Jargon propre à divertir le menu peuple, & fur tout le Langage Païfan. "Vous ne ,, voies pas, difoit-il, que dans fes Pièces, ni Plaute ,, ni fes Confrères eftropient la Langue, en faifant ,, parler des Villageois; ils leur font tenir des dif cours proportionnés à leur état, fans qu'il en

SRE, MARQUES.

(170) Kui seul il s'applaudit, 1. Voïés Tome I. pag. 82. Sat. IV. Vets 93. Tome V.

H

« PreviousContinue »