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et tuteur, et de messire Philippe de Lewenstein, chanoine de Cologne,

son frère, qui ont tous signé :

Philippe de Courcillon Dangeau.

Sophie de Lewenstein.

Guillaume Egon, évêque et prince de Strasbourg.

Charles Turpin de Souhé. >>

Quatre signatures seulement sur la transcription, tandis qu'il devait y en avoir sept sur l'acte original, trois jours auparavant.

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Après avoir examiné, scruté, interrogé les restes des mots conservés sur le talon du verso du folio 27, folio supprimé, je pensai à recourir au journal de Dangeau, ce reporter minutieux qui ne laissait passer aucun fait un peu saillant sans le noter, avec discrétion sans doute, mais qui écrivait toujours quelques lignes, quelques mots pour mémoire.

Il n'est pas besoin de dire que la santé et la personne du Roi tiennent une grande place dans ce mois de mars.

-

Le 25 mars 1686 on lit : « le mal du roi va toujours de mieux en mieux. Le 26: le roi se porte toujours de mieux en mieux et sortira bientôt pour aller à la messe. Le 27, le roi s'est promené dans la galerie. Le 28, le mal du roi diminue tous les jours; le soir il y eut appartement. Le 29, le roi continue à se porter mieux. »

Enfin, le 30 mars, Dangeau se consacre à lui-même quelques lignes :

<< Samedi 30 mars à Versailles. - A six heures, mes fiançailles qui se firent chez Mme la Dauphine, où le Roi vint. Ce fut M. l'abbé Fléchier, nommé évêque de Lavaur, qui en fit la cérémonie (1). Il y eut, le soir, appartement, et Mme la Dauphine se fit chanter l'opéra d'Armide, par les acteurs de Paris. A minuit nous allâmes à la chapelle où j'épousai la comtesse Sophie Leweinstein »>.

(1) Dangeau, en citant le nom de Flé- | chier, pouvait être moins discret, il n'y avait pas danger pour lui de se compro

mettre :

« Le Roi, écrit le marquis de Sourches (novembre 1685), donna l'archevêché d'Aix à l'évêque de Lavaur, qui avait été son aumônier, et l'évêché de Lavaur à

l'abbé Fléchier, aumônier ordinaire de Mme la Dauphine, le plus éloquent écrivain de son temps.

Fléchier prit-il possession de son évêché? Il est probable que non. L'année suivante (1687), il était nommé évêque de Nîmes, où il mourut en 1710.

Les derniers mots de cette note sont ici d'une importance particulière et démontreront que Dangeau savait passer sous silence certains détails dont le souvenir plus tard aurait pu blesser sa vanité. Il a usé pour lui-même de la réserve qu'il apportait quand il s'agissait du roi en personne.

Le journal de Dangeau est complété heureusement par les Mémoires du marquis de Sourches, et au tome 1, page 371, on lit :

« 29 mars 1686. Le roi ayant agréé le mariage de M. le marquis Dangeau, chevalier d'honneur de Mme la Dauphine et gouverneur de Touraine, avec Mme de Lowenstein, fille d'honneur de Mme la Dauphine, nièce de M. l'Evêque de Strasbourg, après que l'amour de M. de Dangeau eut surmonté tous les obstacles qui avoient si longtemps différé cette alliance, ils furent fiancés le soir du 29 de mars, dans l'appartement de Mme la Dauphine, et, la nuit suivante, ils furent mariés à la paroisse de Versailles. »

S'il n'y avait que ces renseignements, le marquis de Sourches n'éclaircirait pas tous les points obscurs relatifs à la lettre de cachet. Pour le mariage proprement dit, Dangeau est plus exact, il indique et le lieu et le jour et l'heure, et cela se comprend : il y assistait comme acteur; tandis que le marquis de Sourches ajoute ce que Dangeau savait très bien, mais ce que par amour-propre il n'a osé consigner sur le papier. «Mais, écrit le marquis de Sourches, comme on n'a pas sitôt les choses qu'on souhaite qu'elles commencent à donner de la peine, dès le jour même des noces, Mme la Dauphine, ayant su que Mme de Lewestein avait pris, dans le contrat (1) de mariage, le nom de Sophie de Bavière (2), et que le curé l'avait mariée sous ce nom, elle en té

(1) Il y a lieu de supposer que le marquis de Sourches a entendu, par contrat, l'acte rédigé dans la chapelle du Chateau, et signé comme nous l'avons vu ci-dessus. Cependant, j'ai consulté les minutes des notaires. Il existait alors deux études : l'une est celle de M. Dépinay, elle est la plus ancienne de quelques années; l'autre est tenue par M. Haizet. Les minutes, très bien conservées et classées, m'ont été communiquées avec une bienveillance que je suis heureux de reconnaître; mais la plus petite mention du marquis de Dangeau ne m'est apparue dans l'année 1686. Du reste, pour faire disparaître un

contrat de mariage notarié, il n'eût pas fallu une lettre de cachet. Ainsi le marquis de Sourches a entendu par contrat ce que nous appelons acte aujourd'hui. (2) Note du marquis de Sourches :

Ce n'était pas sans fondement qu'elle prenait un nom si illustre, car elle était effectivement de cette maison, puisqu'elle venait en ligne directe d'un prince qui en était légitimement. Toute la différence qu'il y avait était que ce prince, se mariant contre le gré de sa famille, avait. pour la contenter en quelque manière, épousé sa femme de la main gauche, suivant l'usage établi en Allemagne qui

moigna une si terrible colère qu'elle alla jusqu'à se plaindre tout haut du mauvais traitement que l'on faisait en France au nom et à la maison de Bavière. Peut-être que sa grossesse et la maladie de Bazzola, sa favorite, qui avait une grosse fièvre tierce, lui avaient aigri l'humeur; mais enfin, quoique le roi s'en mêlât, on ne put l'obliger à pardonner à M. et à Mme de Dangeau, qu'après que M. de Strasbourg lui eut demandé pardon et qu'elle fut assurée, sans en pouvoir douter, qu'on avait rayé, dans tout le contrat de mariage, le nom de Bavière, et qu'on y avait mis à la place celui de Lewenstein »>.

Ainsi c'est donc pour le titre de Bavière au lieu de Lewenstein, répété trois ou quatre fois tant dans le corps de l'acte que dans les signatures, que le roi signa la lettre de cachet ci-dessus et ordonna une exécution dont on ne trouverait peut-être pas d'autre exemple dans le cours de son long règne.

Si Louis XIV eût fait placer sous ses yeux le registre des mariages, etc., probablement il n'eût pas eu recours au procédé violent et illégal qu'il employa. La substitution de quelques mots n'était pas une opération bien difficile; le registre demeurait intact et inviolé, et l'imagination des curienx n'eût pas été plus tard exposée à faire fausse route. Par bonheur, le marquis de Sourches avait eu vent de l'affaire, et la solution qu'il donne du problème atténue un peu la faute de Louis XIV, mais laisse une fâcheuse impression sur le caractère de sa belle-fille, Mme la Dauphine.

Et c'est peut-être par peur que Dangeau a gardé le silence. Encore un mot : nous aurions préféré rencontrer l'acte introuvable du mariage du roi avec Mme de Maintenon.

F. THENARD.

veut que les enfants des femmes que | ceptibilités de la Dauphine. En somme, l'on a épousées de la main gauche soient il sut se résigner et dissimuler son resinhabiles à succéder. »

On s'explique maintenant le demi-silence de Dangeau, qui a dû éprouver un vif dépit devant la terrible colère de Mme la Dauphine. En courtisan prudent, il s'était assuré à l'avance que sa fiancée avait le droit de prendre ce nom; mais il n'avait pas compté sur les fières sus

sentiment.

Il n'était pas san intérêt, à mon avis, de reproduire in extenso cet acte de mariage dans lequel les noms et qualités des deux conjoints furent consignés, après les suppressions ou changements ordonnés par le Roi.

LA SALUBRITÉ DE VERSAILLES

AU XVII ET AU XVIII® SIÈCLE

Lorsqu'on lit le passage célèbre où Saint-Simon parle en si mauvais termes du lieu qu'avait choisi Louis XIV pour construire le château de Versailles, on a l'habitude de relever en cet endroit l'esprit chagrin et la méchante humeur de l'auteur des Mémoires. On juge que son tableau est exagéré, volontairement poussé au noir, et l'on déplore la tournure d'esprit si malheureuse d'un homme naturellement porté au dénigrement et outrant tout dans l'expression de sa pensée.

Il ne faut pas trop condamner Saint-Simon; il s'est fait le porte-parole d'une foule de personnes qui jugeaient ou parlaient comme lui; il a répété ce qu'il entendait dire; ce fut un genre parmi les seigneurs de ce temps, de déclarer tout le mal possible de l'emplacement choisi par le grand roi pour Versailles. L'esprit frondeur contenu d'autres manières ne trouvait plus que cette façon anodine de se manifester.

A vrai dire, les gens du XVIIe siècle avaient-ils quelque autorité pour porter un jugement sur la question? En cette matière ils n'avaient pas de goût. L'opinion des siècles a varié sur ce point très spécial d'esthétique. Les hommes du xe et du XIe siècle qui les premiers édifièrent des castella, maisons d'habitation, en même temps que places fortes, avaient, en général, l'habitude de construire à mains d'ouvriers des petites buttes de terre sur lesquelles ils élevaient leurs constructions. Cela s'appelait des mottes, mottæ, d'où le nom de Lamothe si répandu en France. L'idée était particulière. Dans les beaux temps du moyen âge, du xi au xve siècle, l'usage fut d'édifier les châteaux sur des hauteurs autant que possible escarpées, bien en vue, capable de surveiller au loin une vaste étendue de pays. C'était l'époque des guerres,

guerres féodales, guerres anglaises; le premier souci était de se mettre à l'abri derrière de fortes murailles juchées en un lieu inaccessible, d'où il pût être loisible de voir venir et de se défendre au moyen d'un tir convenablement plongeant. La nécessité dans ces siècles de batailles dicta leur goût en fait d'emplacement de châteaux aux chevaliers par ailleurs si peu soucieux d'art. Les luttes terminées et la Renaissance épanouie, d'autres préoccupations modifièrent les idées. Il n'était plus question d'élever des défenses, mais seulement des maisons de plaisance tranquilles, s'étalant à l'aise et faisant valoir toutes leurs grâces. Seulement quelle nécessité vit-on d'édifier ces châteaux dans des endroits plats et sans vue comme Chambord, Chenonceaux, Azay-le-Rideau ? ou lorsque par hasard il se trouvait qu'on était sur une hauteur, on tournait les façades du côté où il ne se voyait rien, Blois, Amboise? C'était sans doute la réaction contre la tendance tout opposée des siècles précédents.

Cette réaction s'accentua au XVIIe siècle, et on en vint au point de rechercher les bas-fonds, les creux de vallées, les trous sans air, sans vue, avec de hautes collines vous enterrant de tous côtés, Dampierre, Marly, Cany. Il n'y a pas à le contester, à tous les points de vue, hygiène, esthétique, agrément même, facilité de communication et le reste, cette dernière conception est la plus détestable; aussi, au xvII° siècle, y a-t-on vite renoncé. Quelle valeur par conséquent pouvait avoir le jugement des contemporains de Louis XIV sur la situation de Versailles et de quel poids devons-nous tenir leurs récriminations?

Mais leur critique n'a pas eu seulement pour objet l'emplacement du château, elle s'est portée particulièrement sur l'insalubrité du pays. C'était une opinion reçue que la contrée était marécageuse, l'air qu'on y respirait délétère, les eaux qu'on y buvait, mauvaises. On parlait du défaut d'eau courante, de la présence de marais stagnants, de l'excès des vents, de l'absence ou de l'excessive présence du soleil, il n'était détail de la nature qui ne fût tourné à mal.

La chose était d'importance, car en définitive il s'agissait de la santé. du roi et de la famille royale. La médecine s'en mêla. De doctes travaux furent entrepris pour examiner les conditions que doit remplir une ville qui veut être salubre, et savoir si Versailles remplissait ces conditions. Les rois eux-mêmes firent quelques efforts pour répondre aux vœux formulés par les médecins, on combla des marais, on diminua

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