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vât contre lui, puisque, en somme, sa conduite à Versailles avait été correcte, on estima sans doute que ce qu'il y avait de mieux à faire en la circonstance était de laisser les choses en l'état et de ne prendre à ce sujet aucun arrêté.

Roy-Rochepont continua donc à occuper la chaire dont il avait été pourvu. Il n'était d'ailleurs pas homme à se laisser démonter facilement, et voici comment il traça son curriculum vitæ quand, en l'an IX, ses collègues et lui furent invités par l'administration à faire connaître la conduite qu'ils avaient tenue sous les régimes précédents. « Versailles, 19 prairial an IX (1).

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«Citoyen Préfet,

«En réponse à votre lettre datée du 17 de ce mois et pour satisfaire à la demande du citoyen Lacuée (2), conseiller d'Etat en mission dans ce département, je répète volontiers ce que j'avois écrit précédemment à deux ministres de l'intérieur et ce que savent pertinamment plusieurs conseillers d'Etat qui m'honorent de leur bienveillance.

« Je suis âgé de 55 ans. Après avoir fait des études suivies jusqu'à la rhétorique inclusivement dans l'Université de Bourges (département du Cher) et de philosophie sous des professeurs de Paris, dès l'âge de dix-huit ans, j'ai été occuppé de l'enseignement des humanités et ensuite de la philosophie en qualité de docteur ez-arts. A l'âge de vingt-quatre ans, sans abandonner cette profession, j'ai embrassé l'état ecclésiastique plutôt par raison que par goût, mais je n'en ai jamais exercé les fonctions. Fixé à Paris, j'y ai achevé l'éducation d'un jeune homme de qualité. Je compte vingt-cinq ans de résidence en cette capitale et trente-sept à trente-huit ans d'exercice dans l'enseignement public et particulier des humanités et de la philosophie soit en qualité de professeur soit en celle de principal de collège soit à Paris, soit en province, et toujours dans des universités. J'étois avocat, docteur en droit de la Faculté de Paris. J'ai rempli pendant plusieurs années, jusqu'au moment de la Révolution, l'emploi de censeur royal sur des ouvrages de littérature, même de

(1) ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE (2) Gérard-Jean Lacuée comte de CesSEINE-ET-OISE, série M. Consulat. Mission sac, mort en 1841.

Lacuée.

théologie et de diverses autres sciences. J'ose mettre en avant cet emploi parce que je puis me flatter d'avoir été l'un des censeurs les plus occupés, le plus libre et le plus impartial.

<< Je suis connu par un assez grand nombre d'ouvrages littéraires (1) tels qu'une Collection de moralistes modernes en 10 volumes, l'Ami des vieillards, 2 volumes, le Mentor universel, ouvrage d'éducation, 16 volumes environ, huit volumes de la Bibliothèque des romans, quelques Œuvres historiques et philosophiques, la rédaction du Journal Encyclopédique pendant deux ans, celle du Journal de littérature, des sciences et des arts pendant trois ans, l'Instruction sur toutes les assemblées nationales depuis le commencement de la monarchie jusqu'à nos jours, qui parut en 1789, le Réveil-Matin des représentans de la nation, qui parut dans le même temps, etc., etc. Je serois peutêtre encore plus connu par mon Cours de logique et de grammaire générale, s'ils étoient imprimés.

«Depuis le 1er messidor an IV, époque de l'installation des professeurs de l'Ecole centrale de Seine-et-Oise, je professe la grammaire générale.

« Je suis né absolument sans fortune, ni mobilière ni immobilière ; je n'en ai jamais eu d'autre que 1.500 francs de pension du gouvernement à titre de censeur royal et d'homme de lettres, environ 1.500 à 1.600 fr. d'un canonicat de Dun-le-Roy en Berry, bénéfice dont je percevois le revenu, sans résidence, comme commensal de la maison d'Artois en qualité de secrétaire ordinaire du prince et son historiographe. Je n'ai réclamé aucune des sommes qui m'estoient dues par ce dernier lors de son émigration, non plus que celles qui me revenoient en qualité de conseiller intime, chargé d'affaires de l'évêque prince de Liège, pas même une pension ecclésiastique.

« La Révolution a dévoré tout ce que je possédois. Je n'ai maintenant que deux misérables maisons ci-devant presbytérales, acquises par soumission et par emprunt. L'une est située à Morigny, près Etampes (2). Je l'ai louée 150 francs depuis deux ans. J'en paye les impositions;

(1) Voir dans la BIBLIOGRAPHIE UNIVER- | de ventôse an IV. Vente no 1122. Le 25 SELLE de Michaud, au mot Roy, une liste des ouvrages de celui-ci.

(2) Morigny-Champigny. Seine-et-Oise, arrondissement et canton d'Etampes. Loi

vendémiaire an V, adjudication à Jean Rochepont, au prix de 4.635 francs, du presbytère avec jardin et dépendances.

elle me coûte déjà plus de 500 francs en réparations indispensables et je n'en suis pas quitte. L'autre est à Montigny (1) près Cormeilles-enParisis. Celle-là, n'étant pas louée, ne me rapporte que le titre vain de propriétaire sujet à l'impôt foncier excessif. Elle ne vaut pas plus de 100 francs à 120 francs de loyer.

« Mon traitement de professeur se réduit à bien peu de chose par les dettes que j'ai été forcé de contracter, après avoir vendu le reste de mes effets pour vivre pendant les plus funestes revers de la Révolution, dettes que j'acquitte par parties chaque année. Mon mobilier actuel ne consiste que dans le strict nécessaire; je ne puis l'estimer. Je n'ai ni patrimoine ni espoir d'aucune succession.

« Voilà, citoyen Préfet, l'exacte et triste vérité qui me concerne. Je vous salue avec respect.

« ROY-ROCHEPONT,

« Professeur de grammaire générale ».

Quatre ans après, au commencement de l'année 1805, il mourait à Versailles, occupant encore au Palais le logement qui lui avait été attribué comme professeur de l'Ecole centrale et qu'il avait conservé postérieurement à la suppression de cet établissement, fermé le 1er brumaire an XIII (23 octobre 1804). L'acte de son décès est rédigé en ces termes :

«Du lundi premier pluviôse l'an XIII de la République française [21 janvier 1805], deux heures de relevée,

« Acte de décès du sieur Jean Roi Rochepont, pensionnaire, ci-devant professeur de l'Ecole centrale au Palais Impérial, décédé ce jourd'hui, heure de midi, dans son domicile audit Palais, âgé de cinquante neuf ans, né à Bourges, département du Cher, époux de Thérèse Michel, sur la déclaration à moi faite par les sieurs Etienne Thibaut

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Constaté suivant la loi par moi Maire de Versailles,

faisant les fonctions d'officier public de l'Etat civil.

(1) Montigny-lès-Cormeilles. Seine-et-| Oise, arrondissement de Versailles, canton d'Argenteuil. Loi de ventôse an IV. Vente no 176. Le 6 thermidor an IV, adjudication à Jean Rochepont, au prix

<<< PETIGNY.

« THIBAUT. ROUSSEL » (2).

de 4.050 francs, du presbytère avec jardin et dépendances.

(2) ARCHIVES De la ville de VERSAILLES, série E. Registre des décès de l'an XIII, folio 49 recto.

C'était, on le voit, sous le nom de Rochepont que le ci-devant abbé Roy était généralement connu à Versailles; aussi est-ce sous cette dénomination que la mention de son décès est consignée sur les tables décennales de l'Etat civil. Le hasard seul aurait pu l'y faire découvrir.

E. Coüard.

PLAN DES JARDINS DU CHATEAU DE VERSAILLES

SOUS LA RÉGENCE

1720

AVEC LA PROMENADE OFFICIELLE DES AMBASSADEURS

Le plan, que reproduit dans ce numéro la Société des Sciences morales, a été fait pour un ouvrage anecdotique de M. Jacques Bouché, intitulé « Versailles, 1627-1769. »

A l'époque où Lenôtre achevait la décoration des bosquets, dont les grandes lignes furent tracées sous Louis XIII par J. Boyceau, on établit un plan complet des jardins de Versailles.

Les détails de ce plan resté à l'état de manuscrit, et possédé depuis fort longtemps par notre famille, a été la base du travail que nous avons entrepris, pour tracer le plan des jardins de Versailles en 1720.

Un autre document, qui se rapproche beaucoup plus de la Régence, le grand plan de la ville et du château de Versailles par Pierre Lepautre, nous a donné également de précieux renseignements.

Nous conformant, pour la promenade du Roi, au chapitre spécial et si bien documenté du livre de M. Jacques Bouché, il nous a été facile, tout d'abord, de constater la véracité du récit de l'écrivain et de tracer ensuite cet itinéraire spécial connu sous le nom de « Promenade des Ambassadeurs. »

Le trajet de la promenade, tel que nous le donnons aujourd'hui, diffère peu sensiblement de celui que l'on faisait sous Louis XIV.

La promenade reste la même du Palais au bassin de l'lle Royale, actuellement Jardin du Roi.

Au lieu d'en faire le tour, comme l'indique une gravure publiée par

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