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lines qui s'arrondit circulairement du côté du levant et au contraire s'étend vers le couchant en une longue ligne. Au nord, on voit une mème série de monticules dont le point le plus élevé se trouve à l'endroit nommé butte de Picardie, sur le sommet duquel est un grand réservoir où parviennent les eaux amenées de Marly. Tout auprès et isolé se trouve un autre monticule dit butte de Montbauron, tourné vers le midi et vers le levant, sur lequel se voient des réservoirs alimentés par les étangs de Saclay. De la nouvelle ville aux collines de nord s'étend une plaine assez grande couverte de prés et de champs de blé. Les jardins du roi tiennent la partie située au couchant. Dans ce jardin, il y a de beaux arbres, des allées ombragées, verdoyantes, des effets d'eaux, des marbres, du bronze. Au bout du parc, en face le milieu du palais royal est le grand canal, dont l'eau ne coule pas toujours. Sur la gauche et au midi s'étend la pièce d'eau des Suisses, plus faite pour plaire aux yeux que pour servir à quelque chose. Vers le nord, et non loin, se trouvent les jardins de Trianon dessinés à la manière anglaise pour les plaisirs de notre auguste reine. L'art ici se joue avec la nature en un heureux mariage pour offrir les spectacles les plus admirables. N'oublions pas les bois et les forêts qui s'étendent dans tout le pays environnant, pleins de bètes et d'oiseaux propices à fournir au roi tous les plaisirs de la chasse.

«Tel est l'air d'une contrée, telle est sa salubrité. On loue la situation des villes qui reçoivent les rayons du soleil levant et qui, suffisamment exposées aux vents, s'inclinent cependant davantage vers le nord que vers le midi. Or telle est la position salutaire du palais royal. Bien qu'il puisse recevoir tous les vents, il est exposé davantage à ceux du nord. La butte, de Picardie brise la violence des vents de l'est. Les collines de Satory couvertes d'arbres protègent du vent d'ouest. Aussi la demeure royale est-elle baignée d'un air limpide et pur que ne souille aucune vapeur maligne.

« La ville même, fort importante et qui contient 60,000 habitants, bien qu'assise sur une des pentes du palais, ne jouit pas moins des mèmes qualités de l'air. Cet air est très souple, les édifices ne sont pas trop élevés, des collines suffisammment élevées empêchent tout retour de l'air de Paris, la ville est à l'abri de la violence des vents du sud et de l'ouest; elle jouit de la même orientation que le palais, nord et levant, et possède la même salubrité.

« Du côté du nord se trouvait jadis un marais stagnant, exhalant des

vapeurs infectieuses, pernicieuses aux citoyens qui en retiraient des fièvres tierces. Mais Louis XV a fait égaliser le sol.

«Les eaux contribuent à la salubrité de l'air. La ville de Versailles n'est pas alimentée par l'eau issue du sous-sol, mais par des eaux qu'amènent des tuyaux de plomb, des conduites de fer ou des aquedues de pierre. Quel est celui qui, en contemplant la machine de Marly, ne serait pas étonné de voir par quel prodige Louis le Grand a élevé les eaux de la Seine jusqu'au sommet des monts?

(Ici l'auteur copie de ce qu'a dit Varin de l'étang de Clagny et de la plaine marécageuse amendée par les rois, ainsi que de la source de Villed'Avray. Il ajoute que les eaux de la Bièvre et de Porchefontaine sont ferrugineuses).

<< Enfin, comme dernier argument en faveur de la salubrité de Versailles, il n'est que de parler de la santé des habitants. Les hommes sont colorés et florissants, à moins que la maladie, ou la soif des honneurs et de l'or ne les rendent autres. Il n'y a pas à Versailles de maladies endémiques; rarement on y voit des épidémies. La cachexie, la phtisie, le scorbut, l'hydropisie réclament peu les soins des médecins; contemplez la force des habitants, elle proclame leur santé. Les troupes d'enfants et de jeunes gens attestent « validam veneris genetricis vim. La vieillesse n'y est point portée à l'amour, mais elle est gaie et encore verte, vieillissant à pas lent. On y peut compter beaucoup de septuagénaires, des octogénaires, des nonagénaires, et même des gens qui achèvent leur siècle. Des actes de décès de la paroisse Notre-Dame il résulte que, pour l'année 1776, sur 664 morts, il y a 162 vieillards; en 1777, sur 806 individus décédés, il y a 139 vieillards, parmi lesquels on relève 8 centenaires dans la première année, 5 dans la seconde. J'aurais voulu faire de pareils calculs dans les registres de l'église SaintLouis, et pour plusieurs années, mais cela demande beaucoup de temps et je ne l'ai pas eu.

«Bien qu'il résulte de ce qui précède que l'air de Versailles soit excellent, il ne faut pas dissimuler cependant qu'on pourrait le rendre meilleur en comblant le grand canal et la pièce d'eau des Suisses. Ces grandes masses d'eau en effet ne se renouvellent pas, en été elles se dessèchent et elles répandent autour des odeurs peu agréables. Il faudrait diriger les égouts vers la Seine, car il est à craindre que ceux qui existent actuellement ne se bouchent, étant donné la lenteur et le peu de pente du courant qui porte les immondices dans la rivière de Villepreux.

« Il faudrait ensuite circonscrire la ville et en arréter l'extension, car plus il y a d'habitants dans une cité et plus l'air est exposé à se vicier. C'est pourquoi nous ne voyons pas sans douleur s'élever une nouvelle ville sur l'emplacement de l'ancien lac qui n'avait été comblé que pour assurer la santé des bourgeois.

«< Il faut ensuite craindre le voisinage de la plaine qui est située près de Montreuil où l'on jette les cadavres des animaux. Lorsque le vent d'est souffle, cela peut amener sur la ville des vapeurs putrides. Pour éviter cet inconvénient, il n'y a qu'à porter les dépouilles au-delà des collines septentrionales, ou mieux, les enterrer.

« Il serait à désirer ensuite qu'on augmentât la quantité d'eau amenée à Versailles afin de laver les rues et cette partie du château appelée le Grand-Commun, qu'on pourrait nommer une petite ville, tant il y a de gens qui y habitent. Ce bâtiment possède un grand nombre de cuisines, il est nécessaire d'y faire venir beaucoup d'eau qui entraîne les débris de ces cuisines. Or l'on peut conduire à Versailles beaucoup plus d'eau qu'il n'en vient au moyen de la rivière de l'Eure, que Louis XIV méditait de mener à Versailles, ou bien en captant les sources peu éloignées de la ville.

«Il y aurait encore beaucoup à dire des boucheries et abattoirs qu'on devrait reléguer hors de la ville, des latrines qu'il faudrait organiser à la mode anglaise et nettoyer au froid et au sec, du fumier des chevaux qui s'accumule en certaines rues en même temps que les ordures humaines, « quæ abunde circa ambulacra egeruntur et ingrato odore feriunt nares »; mais ma page s'allongerait trop, et je m'empresse de conclure : l'air de Versailles est salubre, toutefois il est possible encore de l'améliorer.

« Ainsi proposait, à Paris, Pierre Laservolle, du Périgord, docteur médecin de Montpellier, conseiller médecin du sérénissime comte d'Artois, bachelier de la très salubre Faculté de médecine de Paris, auteur de la thèse. >>

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Il était intéressant d'exhumer ces opinions- autorisées de contemporains de Louis XIV et de Louis XVI sur l'air de Versailles. S'il n'est pas exact que toutes ces choses fussent des nouveautés étourdissantes pour les juges du temps, peut-être plus d'un trouvera-t-il qu'on était docteur à bon compte sous l'ancien régime!

L. BATIFFOL.

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Sous les différentes Constitutions qui ont régi la France depuis 1789, la division administrative qu'on nomme le canton a joué un rôle assez effacé. Placé en 1791 entre le district et la commune, le canton n'était alors, comme aujourd'hui, le siège d'aucun pouvoir; il indiquait seulement l'étendue moyenne de territoire où pouvait se former une assemblée primaire pour les élections.

Toutefois, pendant la période révolutionnaire, durant quatre ans et demi environ, sous le régime de la Constitution de l'an III, le cheflieu de canton prit une importance qu'il n'avait jamais eue jusqu'alors et que, depuis, il n'a pas retrouvée.

On connaît l'économie de l'acte promulgué par la Convention le 22 août 1795. Contentons-nous ici de rappeler la hiérarchie des pouvoirs. Au-dessous d'un Directoire exécutif composé de cinq membres venaient des ministres, auxquels les administrations départementales étaient subordonnées. Auprès de celles-ci, comme à côté des administrations municipales de canton, qui en dépendaient, était placé un commissaire du Directoire, qui « surveillait et requérait l'exécution des lois ». Enfin, au dernier degré de l'échelle administrative, se trouvaient l'agent et l'adjoint, chefs de la commune.

Les législateurs avaient voulu remédier surtout au grand vice de l'organisation de 1791, à savoir « la multiplicité des personnes chargées

de l'action » (1), et créer, par l'institution des commissaires, un lien plus étroit entre le pouvoir central et les administrations inférieures. Mais, comme dans toute réaction, on alla à l'extrême. Au lieu d'un conseil de trente-six membres et d'un directoire de huit membres, chaque département n'eut plus que cinq administrateurs (2); les conseils municipaux des communes furent abolis: l'agent et l'adjoint les représentaient au sein de l'administration municipale, séant au cheflieu de canton et remplaçant le district également supprimé.

Il est assez curieux de lire à ce sujet la lettre adressée par une municipalité de canton à ses administrés; elle montre très nettement combien l'opinion que nous venons d'émettre était alors une idée courante. « Et d'abord, citoyens, dit cette sorte de proclamation, — la nouvelle Constitution, en simplifiant la partie administrative, veut << rendre des bras à l'agriculture et des soutiens aux familles.

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L'expérience avait prouvé que, d'un côté, la multiplicité des fonc«tions dont les communes étaient chargées pesait sur trop de citoyens; « que, d'un autre côté, l'exécution des lois étant confiée à beaucoup << d'individus éprouvait des lenteurs et trouvait des entraves. Ces in<«< convéniens sont réparés en confiant à deux citoyens par chaque <<< commune les fonctions municipales exercées cy-devant par douze ou « vingt individus.

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L'établissement des districts avait le grand désavantage de laisser <«<les administrateurs trop loin des administrés et par là peu à même « de connaître leurs intérêts et leurs besoins véritables.

« Une administration municipale plus rapprochée de chacun de << vous, composée de partie de vous-mêmes, moins surchargée d'affaires, correspondant directement avec le département, plus à portée de << connaître votre position et surtout de mettre plus de célérité dans « ses délibérations, a succédé à ces anciens districts » (3).

Et, en effet, le nombre des administrations cantonales est bien plus grand que celui des districts. Qu'on prenne, par exemple, le département de Seine-et-Oise. Il se compose, sous l'empire de la Constitution de 1791, de neuf districts: Versailles, Saint-Germain, Mantes, Pontoise, Gonesse, Corbeil, Etampes, Dourdan et Montfort-l'Amaury ; en 1795, il a soixante-quatre administrations municipales.

(1) Taine, la Révolution, 1, 248.

(3) Archives départementales de Seine(2) Art. 176 de la Constitution de l'an III. et-Oise. L III 6, Marly-la-Machine.

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