Page images
PDF
EPUB

On a vu dans le chapitre précédent, que ses dépenses n'ont cessé de s'accroître et n'ont point encore atteint leur maximum: je crois avoir prouvé dans celui-ci qu'à l'exception du loto et des droits de greffe, le produit de toutes les taxes indirectes a décru, et paraît devoir décroître encore, en raison composée de la grande capacité du chef suprême pour la guerre, et de son incapacité non moins grande en matières d'administration.

Du reste, mon but est bien moins d'insister sur la perte qui en est résultée pour le trésor impérial, que sur trois circonstances qui la rendent d'une importance majeure.

1o. Elle offre un symptôme infaillible du déchet progressif de la matière imposable et de la difficulté de mettre de nouvaux impôts productifs sur un peuple où le produit de la plupart des anciens va, chaque année, en diminuant.

2o. Elle atteste que le système continental, inmoins ANTI-FISCAL venté par Napoléon, n'est pas qu'anti-commercial.

3°. Elle s'est manifestée à l'époque où les recettes extérieures paraissent enfin lui échapper.

Pour se faire une idée de ce qu'ont de menaçant pour lui ces trois circonstances, il faut connaître en détail les immenses secours qu'il a tirés jusqu'ici des contributions du dehors, et à quel spoint elles avaient suppléé au vide de celles du dedans.

CHAPITRE IV.

Recettes Extérieures.

Les Recettes Extérieures avaient été portées, dans les comptes de 1804, pour 124 millions, somme qui correspondait à ce qu'on connaît du produit de la vente de la Louisiane et des subsides espagnols et portugais.

Pendant son consulat, Bonaparte les avait donc versées au trésor public; et, quoiqu'il s'abstînt d'en indiquer la source, du moins en annonçait-il le montant et l'emploi.

Mais, dès qu'il fut couronné Empereur, elles ont cessé de figurer, soit dans les tableaux de recettes, soit dans ceux de dépenses*. A dater du jour de son sacre, Napoléon a envisagé les sommes qu'il lève, l'épée à la main, hors de ses états, comme un pécule qui lui appartient en propre Un séna

**La seule dont ils aient tenu compte dès-lors, est -celle qui provient du décret du 30 mars 1806 :-" Pendant six années, le royaume d'Italie versera annuellement, dans la trésorerie de Paris, trente millions, argent de France, pour l'entretien et la solde de l'armée française en Italie."

Il ne faut point confondre ce tribut avec celui que paye aussi l'Italie, tant pour l'apanage des duchés grands fiefs, que pour les pensions de l'armée impériale.

tus-consulte du 20 janvier 1810, en les lui abandonnant, sous le titre de DOMAINE EXTRAORDINAIRE DE LA COURONNE, l'a dispensé d'en rendre compte, et a déclaré irrévocable l'usage qu'il avait jugé ou jugera à propos d'en faire.

"Le domaine extraordinaire de la couronne "se compose des domaines et biens mobiliers 66 ou immobiliers que l'Empereur, exerçant le droit " de paix et de guerre, acquiert par des conquêtes ou par des traités, soit patens, soit secrets.”

"L'Empereur dispose du domaine extraordi"naire:-10. pour subvenir aux dépenses de ses "armées; -20. pour récompenser ses soldats et les

[ocr errors]

grands services civils ou militaires rendus à "l'état ;-30. pour élever des monumens, faire "faire des travaux publics, encourager les arts et "ajouter à la splendeur de l'empire."

"Toute disposition, faite ou à faire par "l'Empereur, est irrévocable."

"Ces dispositions reposent sur un principe absolument NLUF pour les temps modernes, dit le comte Régnault, rapporteur de ce sénatus-consulte. Rome elle-même n'imagina jamais, et dans les circonstances d'alors, elle ne put IMAGINER UN PLAN, qui, outre les avantages présens, donnât pour là reversion des domaines de la conquête, un moyen de produire toujours l'audace militaire dans les armées et la stabilité dans les institutions politiques.'

[ocr errors]

N'en déplaise à ce rapporteur, le premier plan de son héros, comme général révolutionnaire,

semblait encore mieux imaginé pour produire l'audace militaire. Alors, il disait à ses compagnons d'armes :-ALLONS NOUS battre, et le pillage sera PARTAGÉ. Aujourd'hui, il leur dit:—ALLEZ VOUS battre, et les pillages seront le DOMaine de ma cou

RONNE.

L'écrit que j'ai publié en 1805, sur les Recettes Extérieures, eut principalement pour but de montrer qu'elles étaient devenues ses moyens réguliers, et que la Prusse, qui se félicitait d'être restée spectatrice économisante des spoliations de l'Allemagne, ne tarderait pas à avoir son tour.

Les ministres qui dirigeaient alors les affaires de cette monarchie, ne firent aucun cas de ces avertissemens. En recevant, de Paris même, les harangues où l'Empereur répétait, sous mille formes, que ses finances étaient PROSPÈRES, et qu'il avait changé le déficit en SURPLUS, ils ne pouvaient comprendre qu'on s'obstinât à leur écrire de Londres que la crise s'approchait. Ils en doutaient encore.... et Napoléon passait ses légions en revue à Berlin même.... et le trésor du grand Frédéric était dans ses mains!

En le voyant revenir de Tilsit chargé des dépouilles du nord, ses financiers, qui avaient traité de blasphèmes ce que j'avais dit du déficit des contributions du dedans et de la nécessité de le couvrir par celles du dehors, changèrent tout-à-coup de langage, et se mirent à répéter mes blasphèmes presque mot à mot. M. Mollien, entr'autres, placé

la tête du trésor public, et qui, jusqu'à la bataille de Jéna, avait eu à lutter contre un déficit dont le poids était principalement retombé sur lui, comme ministre des dépenses, trouva juste de se faire une part au mérite des difficultés vaincues.

[ocr errors]

"Cette circonstance, Sire, (celle du déficit, que ses prédécesseurs avaient nié, mais dont on va voir qu'il faisait l'aveu et spécifiait le montant) "est une de celles qui CARACTÉRISENT le règne de "V. M. Il ne pouvait appartenir qu'à Votre Majesté seule, lorsque le trésor de l'empire éprouvait un DÉFICIT de PLUS de cent millions; "les ressources du crédit paraissant taries; la "banque se remettant à peine du long ébranlement "qu'elle avait souffert pendant près de cinq mois; "d'arrêter subitement le désordre, de rappeler "les payemens à l'exactitude prescrite, d'envi66 ronner votre ministre de RESSOURCES telles que, etc., etc."

Puis, et de peur que les contribuables français ne se trompassent sur la nature de ces ressources, en supposant qu'ils les eussent eux-mêmes fournies, il s'empressait de leur en indiquer l'origine:-" Les ar"mées ont ajouté à leur moisson de gloire, celle "des contributions étrangères qui ont assuré leur "subsistance, leur entretien et leur solde... La "richesse de l'empire s'ACCROIT des tributs d'une "partie du monde**

[ocr errors]

Voyez, au moniteur du 24 septembre 1807, ce rapport

« PreviousContinue »