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profiter de la faiblesse de Prusias pour perdre son frere, elle lui dit :

Vous êtes peu du monde et savez mal la cour.

étré

On dirait que c'est un principe reçu, que pour du monde et savoir la cour il faut trouver tous les moyens bons pour perdre son frere. Ceux qui le pensent ne le disent pas. Cette violation des bienséances morales revient à tout moment dans des pieces de nos jours, où l'on n'imite que les fautes de Corneille: c'est pour cela qu'on voudrait

les consacrer, et c'est pour cela que je démontre

combien elles sont condamnables.

Le style est dans Corneille, aussi inégal que tout le reste. Il a donné le premier, de la noblesse à notre versification; le premier, il a élevé notre langue à la dignité de la tragédie, et dans ses beaux morceaux il semble imprimer au langage la force de ses idées. Il a des vers d'une beauté au dessus de laquelle il n'y a rien. Ce n'est pas qu'on ne puisse, sans se contredire, faire le même éloge de Racine et de Voltaire, parce que dès qu'il s'agit de beautés de différens genres, elles peuvent être toutes également au plus haut degré, sans admettre la comparaison. A l'égard de la pureté, de l'élégance, de l'harmonie, du tour poétique, de toutes les convenances du style, il faut voir dans l'excellent Commentaire de Voltaire tout ce qui a manqué à Corneille, et tout ce qu'il laissait à faire à Racine.

Fontenelle a la discrétion de ne point parler de cet article dans la Vie de Corneille. Il se contente d'affirmer, sans restriction quelconque, que Corneille a porté le théâtre français à son plus haut point de perfection. Je doute que ses panégyristes les plus passionnés osassent aujourd'hui en dire autant. Il ajoute Il a laissé son secret à qui s'en pourra servir. Nous verrons que Racine ne

:

s'en est point servi, et qu'il en a trouvé un autre, On peut bien s'attendre qu'il ne laisse pas de côté la question de la prééminence que j'ai cru, à l'exemple de Voltaire, devoir écarter. Ce ne pouvait pas même en être une pour un juge qui nous assure quc Pulcherie et Suréna sont dignes de la vieillesse d'un grand-homme, et que ses derniers ouvrages sont toujours bons pour la lecture paisible du cabinet. Il faut s'en rapporter là-dessus à ceux qui essaieront de les lire. On ne doit pas être étonné s'il finit par prononcer, comme une décision généralement établie, que Corneille a la premiere place, et Racine la seconde. Peut-être il eût été plus noble et plus convenable de dire : Je ne décide point, parce que Corneille est mon oncle, et que Racine fut mon ennemi. Mais ce qui peut étonner, c'est ce qui suit: « On fera à son gré l'intervalle entre ces deux » places, un peu plus ou un peu moins grand, » Je crois qu'il l'aurait fait d'une belle étendue. On en va juger: « C'est là ce qui se trouve en ne » comparant que les ouvrages de part et d'autre.» Les ouvrages! « Mais si l'on compare les deux » hommes, l'inégalité est plus grande. »

J'ai déjà fait voir qu'on ne devait, qu'on ne pouvait pas même asseoir bien solidement un parallele personnel. Mais quant à la comparaison des ouvrages, moi qui ne suis ni parent de l'un ni ennemi de l'autre, et qui ne considere tout simplement, comme tout homme de bonne foi, que l'art et mon plaisir, il m'est impossible de me rendre à l'autorité de Fontenelle, et je crois que s'il fallait aller aux voix, les suffrages ne me manqueraient pas, et encore moins les raisons,

Je n'ai pas relevé à beaucoup près toutes les erreurs et toutes les injustices de Fontenelle. J'en acheverai la réfutation dans l'examen du théâtre de Racine, où elle trouvera naturellement sa place,

396

COURS DE

ERATURE.

J'aurai aussi l'occasion d'y joindre de nouvelles observations sur Corneille, qui naîtront du contraste de leurs différens caracteres. Ils sont opposés de tant de manieres, qu'il est impossible de parler de l'un sans se souvenir de l'autre. Il semble qu'ils se rapprochent sans cesse dans notre pensée, comme ils s'éloignent dans leurs ouvrages,

FIN DU TOME QUATRIEME,

DU TOME IV.

PREMIERE PARTIE. -ANCIENS.

SUITE DU LIVRE III. Histoire, philosophie et
littérature mélée

page I
SUITE DU CHAPITRE II. Philosophie ancienne. ibid.
Section IV. Séneque.

.ibid.

CHAP. III. Des divers Genres de littérature chez

les Anciens

SECONDE PARTIE.

SIECLE DE LOUIS XIV.

135

INTRODUCTION ou Discours sur l'Etat des Lettres
en Europe, depuis la fin du siecle d'Auguste,
jusqu'au regne de Louis XIV, tel qu'il fut
prononcé en 1797.
149
LIVRE I. Poésie.

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201

CHAP. I. De la poésie française avant et de-
puis Marot jusqu'à Corneille.

ibid.

CHAP. II. Du théâtre français et de P. Cor-
neille.

273

Sect. I. Poëtes tragiques avant Corneille. ibid.

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923993

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