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il ne leur fait aucun quartier ; il ne leur accorde ni paix ni trève; et comme il les voit dans des personnes et avec des noms qui les soutiennent, hostile au crédit qu'elles en reçoivent, sa critique, parfois trop rude, n'est pas toujours assez purement littéraire; elle ne disserte pas seulement, elle condamne et flétrit, elle se laisse aller à des mouvemens qui ressemblent plus à de la colère qu'à une justice impartiale. S'il eût montré plus de mesure, son livre, mieux accueilli, eût été plus utile, et lui-même, mieux compris par les personnes dont il eût pu, en la combattant mieux, ménager l'opinion, n'eût pas à son tour été exposé à de mauvais et faux jugemens.

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M. VIREY.

M. Virey est du nombre des physiologistes qui, comme M. Bérard, faisant revivre, en la modifiant, la doctrine de Montpellier, sur la vie, la puissance vitale, ou le principe vital, s'est mis de nos jours en opposition avec l'école de Cabanis. C'est un acte qui l'honore; non que, selon nous, selon nous, il y ait plus de mérite à être spiritualiste que matérialiste : ce n'est pas la couleur d'une opinion, ce n'est pas même sa vérité, qui en fait la valeur morale, c'est la manière dont elle se forme, la bonne foi qu'elle atteste, l'examen qu'elle suppose; ce sont les circonstances particulières dans lesquelles elle se produit: mais être spiritualiste avec le petit nombre, et, quand presque tous les siens, presque tous ceux dont on partage les études et les travaux, sont pour la doctrine contraire, l'être avec conscience et indépendance, après des recherches sérieuses et dévouées, c'est un titre à l'estime, comme tout ce qui annonce de la force et de la franchise telle nous semble la position de M. Virey. Au lieu de prendre comme un croyant la religion du matérialisme, que la philosophie médicale avait presque unanimement adoptée au commencement du siècle, et jusqu'à ces derniers temps, il l'a discutée et jugée; une critique impartiale jointe à l'observation attentive de certains faits trop négligés, l'a conduit à un spiritualisme qui peut bien n'être pas exact et vrai de tout point, mais qui certainement a sa base, et, sous son point de vue psychologique, est beaucoup plus

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satisfaisant que le système contraire; il l'a développé avec un grand talent d'exposition et un appareil remarquable d'érudition et de connaissances positives, dans un ouvrage intitulé: De la puissance vitale (1). Nous allons essayer d'en résumer les principales idées; mais commençons d'abord par quelques réflexions qui montrent l'état précis de la question.

On peut ramener à deux opinions principales (2) les idées que l'on a eues sur la force qui se déploie dans l'univers : la première la conçoit comme une propriété ou un effet de la matière ; la seconde comme un principe à part, qui s'associe sans se confondre avec les élémens matériels; celle-ci envisage la nature comme un assemblage de corps qui tirent d'eux-mêmes le mouvement et la vie ; celle-là comme un vaste corps dont toutes les parties sont unies, vivifiées et mises en action par une puissance primitive et une, dont la source est en Dieu.

A ces deux opinions se rattachent deux doctrines physiologiques opposées : l'une qui voit dans l'homine un composé de molécules, dont la combinaison organique engendre toutes les fonctions vitales; l'autre une force simple, qui pénètre, anime, dispose l'organisme, et y produit tous les phénomènes de la vie.

La collection des corps et les forces qui en résultent, la combinaison des organes et les fonctions qui en dérivent, ou bien une force générale se répandant dans tous les la vie excitant tous les organes,

corps,

(1) De la puissance vitale, 1 vol. in-8°, 1823.

(2) Il y a une troisième opinion, celle qui sera exposée au chapitre de M. Maine de Biran; mais il n'est pas nécessaire d'en tenir compte

ici.

voilà le fond des idées en métaphysique et en physiologie.

Ainsi, d'une part, l'on explique la force par la matière, la vie par l'organisme; de l'autre, le mouvement de la matière par la force, le jeu de l'organisme par la vie.

Or, si nous supposons que ces deux systèmes remplissent également bien la première condition de leur existence scientifique, c'est à dire qu'ils admettent sans les altérer ni les fausser, les faits reconnus par l'expérience, et si nous n'avons plus à les juger que sur les explications qu'ils proposent, nous remarquons dans l'un deux grandes difficultés dont l'autre nous paraît exempt. En effet, pouvons-nous croire, en premier lieu, que les forces soient les attributs essentiels de la matière, quand celle de toutes que nous connaissons le mieux, et d'après laquelle nous connaissons par analogie toutes les autres, quand notre force personnelle se montre à nous si visiblement distincte du corps, dans mille occasions où, se dirigeant librement, elle s'efforce de lui donner tel ou tel mouvement, et se trouve assez puissante ou trop faible pour réaliser cette volonté? Puis-je être l'effet de ces appareils, contre lesquels je lutte quelquefois avec tant de force et d'adresse, que je finis par les dominer, ou qui m'opposent malgré tout une invincible résistance? Si j'en suis l'effet nécessaire, par quelle vertu singulière m'arrive-t-il de me constituer cause à leur égard, et de retourner contre eux une puissance qui est la leur ? N'est-il pas évident, en second lieu, que le matérialisme ne rend compte ni de l'unité d'action dans l'univers, puisqu'il fait de l'univers une totalité de corps qui se meuvent tous indépendam

ment d'un principe supérieur et central, ni de l'unité de la vie de l'animal, puisqu'il en fait un ensemble de fonctions résultant d'un ensemble d'organes que n'anime pas une force commune? Au contraire, Ie spiritualisme satisfait également bien la raison scus ce double rapport.

Aussi voit-on beaucoup d'esprits se détacher de l'hypothèse matérialiste, à laquelle les avait séduits le génie de Cabanis et de Bichat, et revenir à une doctrine plus exacte, qui la réforme et la complète.

Le livre de M. Virey hâtera certainement ce retour à des idées meilleures; c'est du moins l'espérance que nous avons conçue en l'examinant avec soin, et que fera peut-être partager à nos lecteurs l'analyse que nous allons en présenter.

L'auteur traite de la puissance vitale considérée dans la nature et dans l'homme.

Dans la nature, la puissance vitale est cette activité qu'un être éternel et immuable tire de son sein, produit dans le temps et l'espace, revêt d'une infinie variété de formes, et, sans jamais l'épuiser ni l'affaiblir, fait

passer de phénomènes en phénomènes, et emploie incessamment à l'œuvre de la génération, de la conservation et de la transformation. Du mouvement qu'elle met dans l'univers naissent des milliers de créatures qui, toutes, vivent leurs jours, et puis meurent, c'est à dire passent à une vie nouvelle, qu'elles gardent un temps, pour la dépouiller ensuite, et parcourir tout le cercle de vie que Dieu leur a tracé; ainsi toute la nature est vivante, toujours vivante; la mort n'y apparaît que comme un acte qui continue l'existence en la déplaçant et la ravive en la jetant dans des formes nouvelles : seulement tout ne vit pas

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