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Comme un matelot s'embarquait pour un voyage de long cours, un de ses amis lui dit: «Je m'étonne que vous osiez vous mettre en mer, sachant que votre père a péri dans un naufrage, et 5 que votre grand-père et votre bisaïeul ont éprouvé le même sort. Mon ami, reprit le matelot, où votre père est-il mort? Dans son lit, de même que tous mes ancêtres. Hé! comment osez-vous

donc vous mettre au lit, puisque votre père et vos 10 ancêtres y sont morts?>>

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Frédéric le Grand, ayant un jour travaillé seul pendant quelques heures, sonna pour appeler. Personne ne se montrant, il passa lui-même dans la chambre voisine où il ne trouva qu'un page qui 15 dormait. Comme il s'avançait pour le réveiller, il aperçut un papier écrit qui sortait à moitié de sa poche; il le prit doucement, et vit que c'était une lettre de la mère de ce page, dans laquelle elle le remerciait de l'avoir aidée de ses épargnes, et finis20 sait par lui recommander de bien remplir tous ses devoirs envers son maître.

Le roi va chercher un rouleau de louis, et revient le glisser avec la lettre dans la poche de son page. Puis, étant retourné dans son cabinet, il se mit à 25 sonner cette fois de manière que le page, réveillé en sursaut, accourut tout en se frottant les yeux; mais s'étant aperçu en chemin qu'on avait mis quelque chose de lourd dans sa poche, il profite d'un instant où le roi s'était retourné pour savoir

ce que ce pouvait être. Quelle fut sa surprise en tirant de sa poche un paquet d'or!

Le pauvre jeune homme s'imaginant soudain que quelqu'un lui avait joué ce tour pour le rendre 5 suspect, se jette aux pieds du roi pour lui protester de son innocence. «Le bien vient en dormant,» lui dit Frédéric, qui, ne pouvant plus à la fin s'empêcher de rire de l'anxiété de son page, le rassure et lui dit: «Envoie cette somme à ta mère, salue-la 10 de ma part, et ajoute que j'aurai soin d'elle et de toi.»

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Un jeune attaché à la légation belge à Washington ne parlait jamais que français en société, dans les salons, aux réceptions, aux bals, etc. Un 15 soir que, chez un membre du Congrès, il faisait l'empressé auprès de quelques dames américaines, l'une lui dit:

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«Pourquoi donc, monsieur l'attaché, parlez-vous toujours français? Ne savez-vous pas l'anglais? -Je le sais fort bien, madame, sans trop me

vanter.

-Eh bien, pourquoi ne le parlez-vous avec nous?

Voyez-vous, madame, j'ai appris le pur an25 glais à Londres, et . . . j'aurais peur de gâter mon accent en le parlant avec des Américains.»

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Les dames se regardent un peu étonnées. L'attaché reprend la conversation, mais cette fois on ne lui répond plus qu'en anglais.

«A mon tour, mesdames, dit-il, pourquoi ne

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parlez-vous plus français, vous qui vous exprimez si bien en cette langue?

- Pourquoi? dit une dame en se levant. C'est que j'ai appris le français à Paris, et j'aurais peur de gâter mon accent en le parlant Belge.»

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avec un

Voltaire et Piron avaient été passer quelque temps dans un château. Un jour Piron écrivit sur la porte de Voltaire, Coquin. Sitôt que Voltaire le Io vit, il se rendit chez Piron, qui lui dit: «Quel hasard me procure l'avantage de vous voir? - Monsieur, lui répondit Voltaire, j'ai vu votre nom sur ma porte, et je viens vous rendre ma visite.»>

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Un professeur interrogeait un jour un jeune 15 homme, dans un examen de baccalauréat, sur la physique. Il lui fit une question fort simple, mais le jeune homme se troubla et ne sut rien répondre. Le professeur, impatienté, dit à un huissier qui se trouvait là: «Apportez une botte 20 de foin à monsieur pour son déjeuner.» Le jeune homme, qui n'était plus aussi troublé qu'en commençant, et outré avec raison de l'affront public qu'on venait de lui faire, reprit aussitôt: «Apportez-en deux, nous déjeunerons ensemble.»><

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25 La scène se passe dans un bal. Adossé à la cheminée, un danseur étouffe un bâillement.

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«Vous vous ennuyez, monsieur? demande un voisin. Oui, monsieur, et vous? - Moi de même. Alors, si nous nous en allions? - Je ne puis pas, moi, je suis le maître de la maison.»>

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5 Dans une chasse aux environs de Fontainebleau Henri IV, qui s'était écarté de ses gens, rencontre un paysan assis au pied d'un arbre. «Que fais-tu là? demande le prince. — Je suis venu ici dès le point du jour pour voir passer le roi, 10 répond le paysan. Sans ce désir je serais occupé à labourer mon champ qui n'est pas bien loin. Si tu veux monter en croupe, réplique le Béarnais, je te conduirai en un lieu où tu pourras voir le roi tout à ton aise.» Le paysan, enchanté, demande à 15 son compagnon comment il pourra reconnaître le roi. «Il te suffira de regarder celui qui sera couvert alors que tous les autres seront tête nue.»

Après un bon quart d'heure de galop, le roi rejoint une partie de sa suite; tous les courtisans se 20 découvrent. «Eh bien, dit Henri, vois-tu maintenant qui est le roi? Ma foi, monsieur, répond le paysan, c'est vous ou moi, car il n'y a que nous deux qui ayons le chapeau sur la tête.»>

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Les flatteurs du roi Canut lui disaient un jour 25 que rien n'était au-dessus de sa puissance. Sans leur répondre, il ordonna qu'on le conduisît sur les

bords de la mer, dans un moment où la marée était montante. Aussitôt, prenant un ton de maître, il ordonna aux eaux de se retirer. L'onde indocile mouilla les pieds du monarque, qui se 5 tournant du côté des courtisans, «Apprenez, leur dit-il, que tous les mortels sont dépendants et faibles: l'Être créateur est le seul puissant; lui seul peut dire à l'océan, 'Tu n'iras pas plus loin'.»

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Swift, étant prêt à monter à cheval, demanda 10 ses bottes; son domestique les lui apporta. «Pourquoi ne sont-elles pas nettoyées? lui dit le doyen de Saint-Patrice. C'est que vous allez les salir tout à l'heure dans les chemins, j'ai pensé que ce n'était pas la peine de les décrotter.» Un instant 15 après, le domestique ayant demandé à Swift la clef du buffet: «Pourquoi faire? lui dit son maître.

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Pour déjeuner. Oh! reprit le docteur, comme vous aurez encore faim dans deux heures d'ici, ce n'est pas la peine de manger à présent.»

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Un grand médecin, étant à l'agonie, dit à plusieurs confrères qui déploraient sa perte:

«Messieurs, je laisse après moi trois grands médecins . . .)

Croyant qu'ils allaient être nommés, nos méde25 cins se suspendirent aux lèvres du mourant, qui murmura: «L'eau, l'exercice, la diète.»

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